PAR : Lydia Lehmann
Pasteur, Église protestante évangélique Le Cépage, Bruxelles-Ganshoren

Article paru dans :

Les mouvements de guérison ne cesseront de susciter la fascination d’un côté et la méfiance de l’autre, voire les deux en même temps. À titre d’exemple, en voici deux qui sont présents en Europe francophone et qui, chacun à sa manière, pourrait nous aider à aiguiser notre discernement pour avoir une approche toujours plus juste de la maladie et de la guérison.

The Last Reformation (TLR), La Dernière Réforme

Plusieurs de nos Églises ont été en contact avec ce mouvement de guérison existant depuis 2011, présent sur les cinq continents et se considérant comme la dernière réforme avant le retour de Jésus. C’est un mouvement avec lequel on entre facilement en contact par les médias informatiques (Facebook, YouTube, sites web), notamment par trois films produits entre 2016 et 2018. Il est né d’une frustration : le fondateur danois Torben Søndergaard, issu de l’Église luthérienne du Danemark, se convertit mais ne voit pas de « fruits », de miracles dans sa vie. Pendant un temps de jeûne de quarante jours, il reçoit des révélations qui lui ordonnent d’écrire un livre et le préparent à un ministère de guérison et d’évangélisation.

L’idée phare de TLR est de permettre à l’Église de retrouver la puissance et le rayonnement qu’elle avait à sa fondation. Il est beaucoup question de parler en langues, de guérir et de chasser des démons. Cela ferait partie du processus de faire des disciples d’une 1 manière efficace. Plutôt que de retour vers l’Évangile, on parle souvent de retour vers le livre des Actes. Au niveau de l’enseignement, le mouvement n’invente pas grand-chose de nouveau : il reprend la compréhension luthérienne d’un baptême qui sauve et emprunte à la théologie pentecôtiste de la première vague l’idée du parler en langues comme preuve de la nouvelle naissance. Quant aux guérisons, plus encore que l’absence d’équilibre dans l’accent mis sur celles-ci, c’est la manière dont elles sont abordées qui nous interroge : elles sont très publiques, filmées, baignées dans l’émotion, rapidement expédiées, comme si c’était une formule qu’il suffirait d’appliquer.

Demande

Il serait facile de refuser d’emblée de considérer ce mouvement, arguant que, compte tenu de plusieurs points de l’enseignement que nous ne qualifierions pas de fidèles à l’Évangile comme nous le comprenons, les guérisons accomplies ne viennent pas de Dieu. Quoi qu’il en soit, une question s’impose : si ce mouvement continue à attirer des chrétiens, est-ce parce que les Églises évangéliques n’auraient pas beaucoup enseigné sur la guérison et le miraculeux en général, laissant certaines aspirations sans réponse ? Quelle place donnons-nous à ce type d’œuvres de l’Esprit dans nos communautés ?

Association internationale des ministères de guérison (AIMG)

Même si des aspects pourraient en être débattus, le deuxième mouvement présente une approche plus équilibrée concernant la guérison. L’AIMG est une association inter-dénominationnelle qui a pour but de réunir des personnes exerçant un ministère de guérison et d’« apporter un encouragement, un sens des responsabilités, une redevabilité dont nous avons besoin pour faire croître la guérison dans l’Église aujourd’hui(*) ».

Le Suisse Jean-Luc Trachsel, président de la branche européenne de l’AIMG, a un ministère de guérison au niveau international : il s’est déjà rendu dans plus de quatre-vingt-dix pays où il prêche l’Évangile et anime des soirées de guérison. Nous ne sommes pas tellement habitués à ce dernier concept, mais il nous paraît plus pertinent que d’aller dans la rue demander aux passants s’ils ont mal quelque part et leur imposer les mains. Les personnes prennent l’initiative de participer à une telle soirée et font ellesmêmes la démarche de se déplacer.

Dans son livre Dans les coulisses d’un miracle, Jean-Luc Trachsel raconte honnêtement son expérience, en faisant part de sa faiblesse, son burn-out, sa vision du ministère de guérison, son cheminement spirituel… Un mot-clé de son travail est de faire du sur-mesure, le refus des automatismes ou des formules, ce qui distingue sa manière de travailler de celle de TLR. L’approche de l’AIMG est une approche globale qui se préoccupe de la restauration de la personne et pas uniquement de la guérison du corps. Une des particularités de Jean-Luc Trachsel est qu’il collabore avec des médecins qui sont présents lors des soirées de guérison pour l’aider à avoir une compréhension plus exacte de la maladie à laquelle il est confronté. La prière est pour lui autant que la médecine « un type de soin et un geste de compassion. […] Certaines fois, Dieu guérit de manière souveraine, accélérée voire instantanée au travers de la prière d’un chrétien. D’autres fois, il guérit au terme d’un traitement médicamenteux ou d’une opération suivis d’une convalescence. Or les deux ont la même valeur et rendent le même honneur au Créateur. » Il attire notre attention sur le fait que prier pour un malade implique de prendre le risque de ne pas être exaucé. Cela nous encourage à une plus grande dépendance de Dieu et à renoncer à une certaine volonté de contrôle qui nous empêche de prendre ce risque. De quoi poursuivre la réflexion ! ■


(*) healing-ministries.org/fr/aimg/vision

Dans les coulisses d’un miracle, Jean-Luc Trachsel (Première partie, Paris, 2016)

Article paru dans :

avril 2018

Rubrique :
Spécial
Mots-clés :
Spécial

Aumônier d'hôpital

David Moraies
Article précédent
Spécial

Faut-il prier pour la guérison ?

Gordon Margery
Article suivant
Article paru dans :