PAR : Françoise Pillon
Membre du comité de rédaction, Église évangélique baptiste de Paris-Centre

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Société
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La dernière loi bioéthique, adoptée en 2021, a ouvert la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples formés d’un homme et d’une femme, de deux femmes et aux femmes non mariées, sans discrimination au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs. Jusque-là, elle n’était accessible qu’aux couples hétérosexuels ayant des difficultés à concevoir ou risquant de transmettre à leur descendance une maladie grave. Désormais, le critère d’infertilité étant levé, toutes les PMA sont entièrement prises en charge par l’Assurance maladie.

La PMA désigne les pratiques utilisées pour aboutir à une grossesse en dehors d’un rapport sexuel entre un homme et une femme et certaines techniques comme le recueil, le don et la conservation des gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) et des embryons et le transfert d’embryons.

scientifiques

Vraisemblablement, malgré cette disposition, la plupart des personnes ayant recours à la PMA continueront à être celles souffrant d’infertilité. Précisons que la PMA n’est pas un traitement mais seulement un moyen de contourner les obstacles à une procréation naturelle. Notons aussi que la probabilité d’obtenir une grossesse est de 25% par cycle et que 90% des couples y parviennent dans les deux premières années ; 15% des couples consultent pour des problèmes d’infertilité et, dans 39% des cas, les difficultés concernent les deux membres du couple. Les causes sont multiples : troubles de l’ovulation, altération ou obstruction des trompes, qualité ou quantité du sperme, poids, âge etc.

Les techniques de PMA sont variées, la plus courante étant la fécondation in vitro (FIV). Cela consiste à mettre en contact in vitro (en dehors du corps de la femme, dans une étuve), les ovocytes – de la mère biologique ou d’une donneuse – prélevés par ponction (après stimulation ovarienne) et le sperme – du père biologique ou d’un donneur. La fécondation se fait spontanément et un à trois des embryons obtenus sont transférés dans l’utérus. Les autres sont congelés, détruits, objets d’un don ou de recherches médicales.

Ces progrès scientifiques et médicaux considérables permettent de répondre à bien des souffrances. Pourtant cela n’est pas sans soulever des problèmes éthiques et sociétaux.

Le point le plus crucial me paraît être celui de l’embryon. Un des principes de la loi française figure à l’article 16 du code civil : « La loi (…) garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. » Quand donc commence la vie ? Dès la conception ? Après la nidation ? À la naissance ? L’embryon est-il un amas de cellules ? Un être en devenir ? Existe-t-il en fonction du regard des autres ? La biologie nous montre qu’un embryon, dès la fusion des gamètes des parents, est un être unique, radicalement différent d’eux. Il contient en lui-même tout ce qu’il lui faut pour devenir un être humain sans que rien ne lui soit rajouté de l’extérieur. Il y a continuité entre l’embryon, l’enfant et le vieillard. En outre, plusieurs textes bibliques suggèrent que la vie ne commence pas à la naissance mais dès la conception et que l’enfant à naître est aussi précieux pour Dieu que ceux qui sont déjà venus au monde (Ps 139.13-16 ; Jr 1.4-5 ; Jb 10.8-12).

pharmacienne

La PMA rend disponible un grand nombre d’embryons, ce qui permet beaucoup d’applications (tri avant transfert, « bébé médicament », recherche médicale, etc.). En France, 220 000 embryons sont congelés, attendant un « projet parental », un don, la recherche ou la destruction. Il y a là une chosification de la vie humaine qui tend à l’eugénisme.

Les possibilités offertes sont séduisantes mais sont très éprouvantes : les échecs sont fréquents (82% à 77% par tentative de FIV) ; elles exposent les femmes à des effets physiques et psychiques d’une gravité variable ; elles ne sont pas sans danger pour les bébés.

De plus, si l’accès aux origines des personnes issues d’une PMA est maintenant autorisé, la question de leur identité demeure : il s’agit plus d’une connaissance théorique que d’une vraie rencontre. Quant à la filiation de ceux qui ont « deux mères », elle relève d’une fiction juridique qui laisse perplexe.

Renoncer alors à toutes ces techniques ? Dieu a doté l’homme d’intelligence et d’imagination. Science et médecine (dont le but est de restaurer, réparer) en sont les fruits. Aussi il me semble qu’on peut légitimement recourir à une insémination artificielle ou une FIV avec les gamètes du couple en évitant les embryons surnuméraires. Cela peut correspondre à une restauration de la fonction procréative.

« Tout m’est permis mais tout n’est pas utile ; tout m’est permis mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit. » (1Co 6,12). Et surtout pas par l’opinion publique, « le sens de l’histoire » ou l’idée d’un progrès toujours bon. En revanche, il convient de privilégier les méthodes naturelles de restauration de la fertilité et entourer ceux qui souffrent de ces problèmes, sans jugement ni pression.

Article paru dans :

avril 2022

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