PAR : Thierry Huser
Président du Conseil de l'Association, pasteur, Église de La Bonne Nouvelle, Colmar

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À Bible ouverte
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Office de Pâques, à l’église Agios Titos (Saint Tite) à Héraklion, en Crète. À la fin de la liturgie, le pope s’avance vers l’assemblée, tenant un grand cierge allumé. Chaque participant est venu à l’office, une bougie à la main. Au passage du pope, les fidèles allument leur bougie à la flamme qu’il porte. Puis chacun transmet la flamme à ses voisins, de proche en proche, en affirmant joyeusement : « Le Seigneur est ressuscité ! » En très peu de temps, toute l’Église, puis le parvis et la grande place sont illuminés de milliers de flammes. Le spectacle est magnifique. Sa symbolique est saisissante : une flamme reçue et transmise, qui répand partout sa lumière et sa joie.

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Le message de Pâques s’ancre dans l’histoire, que nous relatent les Évangiles. Mais cette grande nouvelle du matin de Pâques est comme une flamme qui ne cesse de se transmettre, de personne en personne, de lieu en lieu, de génération en génération. Elle nous rejoint, et nous invite à en être, à notre tour, les porteurs : « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois en ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. » (Rm 10.9).

Notre actualité nous impose la dure réalité d’une transmission virale porteuse de peur et de mort. La résurrection du Christ, à l’inverse, est pour notre monde une transmission de vie et de lumière, qui embrase les cœurs et dessine de magnifiques lignes de joie.

Une nouvelle tonique

Pâques est une nouvelle forte et tonique. Elle se résume en des mots qui claquent comme un défi au monde entier, comme une magnifique espérance : « Jésus est Seigneur. » « Si de ta bouche tu confesses Jésus Seigneur… » Mais la base de cette confession est que l’on « croit dans son cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts » (Rm 10.9). Le fondement de la confession « Jésus est Seigneur » est sa résurrection.

L’espoir

Pour percevoir ce lien, il suffit de se reporter un peu en arrière. Tout au long de son ministère, Jésus a manifesté une autorité, un charisme et une puissance indiscutables. Il était rempli d’Esprit saint et de force. Ses miracles étonnaient. Son enseignement saisissait. Sa personne irradiait la présence et l’amour de Dieu. Incontestablement, Dieu était avec lui. Mais tout cela se manifestait dans une simple personne humaine. Il était « Jésus de Nazareth, fils de Joseph », dont on connaissait « le père et la mère » (Jn 1.45 ; 6.42). Son titre favori pour se désigner lui-même était « le fils de l’homme ». Certes, en privé, et dans certaines controverses, il avait des formules inouïes sur lui-même, laissant entendre qu’il venait de Dieu, qu’il possédait tout en commun avec le Père, qu’il avait existé avant Abraham, et même qu’il était, éternellement (Mt 11.27 ; Jn 5.26 ; 8.58). Mais, en règle générale, il était très réticent à tout titre élevé, qu’il soit messianique ou royal. La seule fois où il avait accepté de se faire acclamer comme roi, c’était assis sur la plus humble monture (Mt 21.4-5).

La désillusion

Et soudain, tout a basculé. Le scénario est devenu totalement illisible. Trahi par l’un des siens, haï par les chefs religieux, il a fini, humilié, moqué, condamné au supplice le plus abject de son temps, la mort par crucifixion. Châtiment injuste, de toute évidence. Mais rien ne s’est passé pour le délivrer. Il n’a rien fait pour se défendre, et le ciel est resté impassible. Des heures atroces pour ceux qui avaient espéré en lui. Tout s’est écroulé, englouti pour eux. L’incompréhension, la douleur, la désillusion. Ses yeux définitivement éteints. Son corps inerte, descendu de croix, mis au tombeau. Un voile de tristesse et de désenchantement total. Le goût amer d’avoir espéré et de n’avoir plus rien entre les mains. La chute d’autant plus dure qu’on était monté très haut. Le sentiment d’avoir été victime d’une illusion.

Il faut bien mesurer que la mort de Jésus, sans la résurrection, est ce naufrage total. Un Titanic lamentable et blessant. Pas de survivant. Pas de bouée à laquelle se raccrocher. Rien que les eaux glacées d’une illusion de plus, qui s’est brisée contre la réalité implacable et désespérante d’un monde injuste et de la mort.

Le renversement

Il a fallu quelque chose de très fort, d’incontestable, pour renverser la situation. Ceux qui avaient cru en Jésus n’étaient plus capables de rien : aucune confiance, aucune espérance en Jésus simplement mort... Et pourtant, le renversement, totalement improbable, a eu lieu. Quelques semaines après la mort de Jésus, ses disciples proclament avec hardiesse qu’il est Seigneur, qu’il est vivant, que le salut est en lui seul, qu’il est la source d’une espérance indestructible.

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C’est venu progressivement, mais avec la force d’une réalité qui s’impose de plus en plus. Les femmes venues l’embaumer ont découvert son tombeau vide. Pierre et Jean ont confirmé l’info. Jean, se penchant dans le tombeau, a vu les tissus qui avaient entouré la dépouille de Jésus comme affaissés sur eux-mêmes. Les chefs des Juifs, aussi, à leur façon, confirment le tombeau vide : ils demandent aux gardes de dire qu’on a volé le corps. Et puis, c’est Jésus lui-même qui apparaît, ici, là, ailleurs : à Marie-Madeleine, aux femmes, à Pierre, aux disciples d’Emmaüs, à dix disciples sans Thomas, puis avec lui ; à Jacques son frère, qui ne croyait pas en lui et qui, soudain, devient disciple ! On a ainsi vu Jésus à Jérusalem, on l’a vu en chemin, on l’a vu en Galilée. À chaque fois, c’est lui qui a l’initiative, sans qu’on l’attende, sans qu’on crée les conditions d’une « apparition ». Pendant quarante jours, il s’est ainsi attesté, vivant. En une occasion, plus de cinq cents personnes l’ont vu à la fois ! Tous sont formels : c’était du vrai, c’est bien lui (1Co 15.3-7). Après quarante jours, Jésus est enlevé au ciel, sous les yeux de ses apôtres.

Dès lors, ils deviennent des témoins du Ressuscité, à Jérusalem, sur les lieux mêmes où l’on aurait pu exhiber la dépouille de Jésus, ou dénoncer une imposture. Mais personne n’a pu apporter la moindre preuve contre leur témoignage ! Leur message dérange, donne de l’urticaire aux plus puissants, qui ont en main tous les moyens d’enquête et d’investigation. Mais ils ne peuvent rien faire valoir contre la nouvelle, à leur grand déplaisir. Ils optent alors pour l’intimidation, le martyre : l’assurance des apôtres, il y a quelques semaines encore si couards, n’en est que plus affermie.

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Le fondement

Quelque chose s’est passé, qui a tout changé, et contre quoi personne n’a de prise. Ce quelque chose, c’est la base de la flamme qui commence à se répandre, envers et contre tout : Jésus est ressuscité, il est vraiment ressuscité, il s’est attesté vivant, il a triomphé de la mort.

C’est une grâce magnifique pour nous, à distance, que le début de cette flamme soit né dans des circonstances aussi contraires, aussi hostiles, aussi improbables, y compris dans l’esprit des disciples de Jésus. C’est une garantie d’authenticité, qui défie les siècles.

Ressuscité et Seigneur

Mais la proclamation chrétienne ne se contente pas de dire : « Jésus est ressuscité. » Elle affirme, haut et fort : « Jésus est Seigneur ! » Proclamer « Jésus est ressuscité », c’est s’arrêter au seul fait de la résurrection. Proclamer « Jésus est Seigneur », c’est en voir toute la signification.

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La réhabilitation

Une expression revient, systématiquement, dans la prédication des apôtres : « Dieu a ressuscité Jésus. » (Ac 2.24,32 ; 3.15 ; 10.40 ; 13.30 ; Rm 10.9). Pourquoi souligner cela de cette façon ?

C’est pour dire, très clairement : « Dieu a réhabilité Jésus. » Les hommes l’ont condamné. Mais Dieu a donné une approbation publique et glorieuse à Jésus, mort de manière si honteuse aux yeux des hommes. Mais ce faisant, Dieu a également accrédité tout ce que Jésus a fait et dit avant sa mort : ses miracles, ses prodiges, son enseignement. La résurrection de Jésus par Dieu le Père atteste que tout cela était bien de Dieu (Ac 2.22). Même la mort de Jésus, qui semblait si absurde, si incompréhensible, prend sens désormais : elle fait partie du dessein de Dieu pour le salut des hommes (Ac 2.23). La résurrection de Jésus est l’authentification de Dieu sur tout ce que Jésus a fait, sur tout ce que Jésus a dit, sur tout ce que Jésus a prétendu être, sur tout ce qu’il a souffert. Et tout cela accomplit, de surcroît, ce qui avait été annoncé : Jésus est bien le « Seigneur » dont David avait prédit qu’il ne serait pas abandonné au séjour des morts (Ac 2.25-31). L’envoi de l’Esprit, promis par Jésus, confirme qu’il continue d’agir, élevé au ciel (Ac 2.33). Pour toutes ces raisons, dès la première prédication apostolique, le message est très clair : « Que toute la maison d’Israël sache avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Messie ce Jésus que vous avez crucifié. » (Ac 2.36).

La résurrection déclare Jésus comme l’Unique : pas simplement l’unique ressuscité, mais l’Unique sur toute la ligne, dans tout ce qu’il a affirmé être et accomplir. Tout cela est confirmé par cette signature indiscutable, et tellement belle ! Dans ce sens, Paul affirmera que Jésus a été « justifié par l’Esprit » (1Tm 3.16) : non pas rendu juste, mais « déclaré juste », proclamé juste, par la Résurrection.

La confession

Très tôt, dans l’histoire du christianisme, on a proclamé la Seigneurie du Ressuscité comme une confession de foi (Ac 2.36 ; Rm 4.24 ; 5.1 ; 10.9 ; 1Co 1.2 ; Ga 6.18…). On peut donner trois raisons à ce lien entre « Jésus ressuscité » et « Jésus Seigneur ».

La première raison est que la résurrection authentifie tout ce que Jésus a dit et fait. Elle atteste qu’il est le Messie annoncé. À cet égard, il mérite le titre de Seigneur.

Une deuxième raison est que, par sa résurrection, Jésus triomphe non seulement de la mort, mais de toute puissance qui peut être nommée. La résurrection manifeste la puissance de l’ordre de Dieu sur tout ce qui s’y oppose. Paul le dira avec force : « Dieu nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. » (Col 1.13).

Une troisième raison est que la résurrection de Jésus annonce et anticipe toute la réalité nouvelle que Dieu tient en réserve dans son dessein. Christ, ressuscité, est remonté au ciel où il est assis à la droite de Dieu. Il règne là, en Seigneur, pour mener le plan de salut de Dieu à son accomplissement (1Co 15.20-28 ; Ap 5.1-7). Il reviendra en gloire, pour juger les vivants et les morts, et faire toute chose nouvelle (2Tm 4.1 ; 1Pi 4.5).

Quelles implications ?

Que signifie pour nous, aujourd’hui, être témoins du Ressuscité et porteurs de la flamme de ce message ?

Paul souligne qu’on ne peut confesser ce message que si on le croit dans son cœur. « Le Seigneur est ressuscité » ne peut se réduire à une simple formule, que l’on dit à Pâques et qu’on oublie après. Impossible de confesser cette vérité sans reconnaître la signification personnelle de la mort et de la résurrection de Jésus : il est venu « pour moi », il est mort pour porter mes fautes, mon péché (Es 53.4) ; il est ressuscité pour me donner une vie nouvelle, qu’il transformera à l’image de la sienne, par son Esprit. « C’est une parole certaine que Jésus est venu dans le monde pour sauver des pécheurs, dont je suis le premier », dira l’apôtre Paul (1Tm 1.15). Les chants de Pâques, la joie de Pâques sont une invitation, pour chacun, à nous ouvrir au salut que Jésus est venu réaliser et apporter. Mais ils sont aussi un appel toujours neuf à laisser notre vie être transformée, éclairée, renouvelée par lui, le Prince de la vie, le Vivant, qui est le même hier, aujourd’hui, éternellement (Hb 13.8). C’est ainsi que l’on entre dans la chaîne des témoins, en portant ce témoignage, non des lèvres seulement, mais par toute notre vie.

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Confesser « Jésus Seigneur », c’est aussi vivre loyalement, et joyeusement, à son écoute. Prendre au sérieux la résurrection de Jésus, c’est donner force, dans notre vie quotidienne, à ce qu’a attesté le Père en ressuscitant Jésus : la vie de Jésus, son exemple, son enseignement, ses valeurs, ses promesses. Nous chantons « À toi la gloire, ô Ressuscité » ! Mais glorifier le Ressuscité, c’est laisser son exemple et son enseignement marquer notre vie de chaque jour. C’est aspirer à ce que Christ soit formé en nous (Ga 4.19). Le Christ ressuscité nous a montré, dans chacun de ses gestes, la vie que Dieu approuve. Quelle place donnons-nous à son exemple ? Comment adhérons-nous à ce projet ? Comment nos choix de vie épousent-ils cette perspective ?

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Pour les premiers chrétiens, confesser « Jésus Seigneur » s’est vite avéré être un acte de résistance. Lorsque l’empereur a demandé, puis exigé, que l’on dise « César est Seigneur », les chrétiens ont dû entrer en résistance. Polycarpe, évêque de Smyrne, au IIe siècle, en est un exemple. Arrêté, il est conduit au stade où ont lieu les exécutions publiques. « Le proconsul lui demanda : Es-tu Polycarpe ? — Oui, je le suis. — Aie pitié de tes cheveux blancs, maudis le Christ, et tu seras libre. — Il y a quatre-vingt-six ans que je Le sers et Il ne m'a fait que du bien : comment pourrais-je Le maudire ? Il est mon Roi et mon Sauveur. » (Martyre de Polycarpe). Pour nous aussi, dire « Jésus est Seigneur » est une affirmation qui ne nous vaudra pas que des approbations. Affirmer que l’on croit que Jésus est vraiment ressuscité suscitera, souvent, une moue condescendante. Et pourtant, la plupart de ceux qui réagissent ainsi n’ont jamais pris la peine d’examiner le plus petit commencement du dossier de la résurrection de Jésus, qui est solide ! Affirmer que Jésus est l’unique Sauveur parce que lui seul est mort et ressuscité pour nous, risque de nous valoir d’être déclarés intolérants et orgueilleux, alors que nous essayons de rendre compte, simplement, de ce qui s’est passé dans l’Histoire, et de la façon dont Dieu s’y est attesté.

Être témoins de la Résurrection a rarement été consensuel. Mais notre monde a besoin de cette magnifique affirmation d’espérance et de salut. Il a besoin, pour cela, de témoins qui savent en quoi ils croient, de témoins consistants et passionnés.

La flamme du message de la Résurrection ne s’arrêtera jamais. En serons-nous les porteurs ? « Le Seigneur est ressuscité. Il est vraiment ressuscité ! » ■

Article paru dans :

avril 2020

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