Merci pour le Lévitique !
Suis-je toujours bien conscient du privilège de pouvoir être en relation avec Dieu et le servir ? Un parcours du livre du Lévitique a en tout cas récemment remis devant mes yeux le caractère extraordinaire de ce qui, pour nous chrétiens, pourrait presque parfois paraître normal. Je vous invite à quelques réflexions sur ce livre en partant de la lecture de Lévitique 21.16-24.
« L’Éternel dit à Moïse »
Cette formule du v. 16 revient trente-trois fois dans les vingt-sept chapitres du Lévitique. Dieu explique la loi à Moïse qui la transmet au peuple.
Pour l’essentiel, il ne s’agit pas ici d’une loi morale, de règles pour la vie courante, mais de prescriptions cérémonielles. Nous assistons dans ce livre à la mise en place du culte : Tabernacle, prêtres, grand-prêtre, sacrifices, dispositions sur le pur et l’impur, etc.
Cet ensemble de rituels était censé permettre une relation entre Dieu et son peuple. Tout y était codifié : les vêtements, les ustensiles, les animaux choisis pour les sacrifices, les manières d’offrir les sacrifices, etc. Tout devait être parfait.
Cela allait même jusqu’à la description des prêtres aptes à procéder aux sacrifices. Le sacerdoce était déjà limité aux descendants d’Aaron mais, aux v. 18-20, notre texte liste encore douze caractéristiques physiques qui interdisaient d’effectuer les sacrifices.
Ceux qui en étaient atteints pouvaient participer au service du sanctuaire sans manger de la viande des sacrifices (v. 22), comme les autres prêtres. Ces descendants d’Aaron porteurs d’infirmité n’étaient pas abandonnés sans ressource. Ils ne pouvaient pas eux-mêmes être sur le devant, sacrifier les animaux. Ils ne devaient pas s’approcher de l’autel, de l’entrée du Tabernacle. Il ne leur était pas permis de jouer pleinement leur rôle de prêtre, intermédiaire entre Dieu et le peuple.
J’ai dans un œil une petite tache dont la correspondance avec ce que pouvait viser le v. 20 me paraît incertaine mais le sort de ces prêtres m’a touché. Exclus d’une partie du service à cause d’une infirmité à laquelle ils ne pouvaient rien… Que produisait cette situation chez eux : amertume ? humilité ? respect pour la sainteté de Dieu ? Les parcours auront certainement été divers selon les tempéraments…
Une parabole et un soupir
Pourquoi édicter toutes ces règles ? Pourquoi imposer cette vie à des personnes qui n’y pouvaient rien ? Plus généralement, le sacerdoce représentait un grand honneur mais aussi une lourde charge. Pourquoi tous ces rituels ?
Le peuple d’Israël, comme toute l’humanité, était pécheur, rebelle. Le péché est un handicap qui nous touche tous, nous souille, nous rend impurs (voir par exemple Ps 14.3 avec Rm 3.23).
Dieu est un Dieu saint, parfait, sans défaut, fidèle. Il est le Dieu extraordinaire du Ps 93 : « La sainteté convient à ta maison. » (Ps 93.5). Il ne peut tolérer le péché, le mal qui infecte nos âmes. Ce Dieu ne peut pas être approché n’importe comment.
Le Tabernacle puis le Temple et tout le système qui les entourait exprimaient la distance immense existant entre l’être humain pécheur et le Dieu saint, une distance telle qu’il fallait le sacrifice d’un animal sans défaut pour permettre la relation.
Pourtant, tout ce système était en fait une parabole, un mime, une mise en scène de ces réalités spirituelles. En effet, le Nouveau Testament affirme que ces sacrifices d’animaux n’ont, en réalité, jamais vraiment permis d’ôter le péché (Hé 10.1-4).
Tout cela servait au souvenir des péchés, au rappel de la distance existant entre les pécheurs et Dieu. C’était là une manière de toucher les cœurs, de faire comprendre ces réalités. Nul doute que la leçon devait être saisissante.
À moins que vous ne soyez au nombre des passionnés de la question des sacrifices dans l’Ancien Testament – et il y a bien des choses à découvrir à ce sujet – la lecture du livre du Lévitique vous fera peut-être soupirer : incompréhension, lassitude, complexité… Nous ne sommes plus habitués à ce genre de littérature.
Cependant, nos propres soupirs nous permettent d’imaginer un petit peu les gémissements de ceux qui ont porté le poids de cette institution, du peuple qui devait ainsi sacrifier ses animaux, se soumettre à toutes sortes de règles sur la pureté et l’impureté.
L’institution lévitique, tout en offrant une possibilité d’entrer en relation avec Dieu, devait pousser à désirer quelque chose de meilleur. Mettez-vous à la place des prêtres, de ceux qui devaient offrir les sacrifices… Prenez le temps. Lisez. Donnez vie à cette institution dans votre esprit… Vous en estimerez le poids et l’aspiration à la liberté que celle-ci fait naître.
Après seulement quinze chapitres de lecture, le chapitre 16 représente déjà un soulagement, avec le jour des expiations, Yom Kippour. Un jour par an, tous les péchés étaient pardonnés ! Néanmoins, le soulagement est de courte durée : il fallait recommencer chaque année.
La libération en Christ.
Jésus est celui dont l’œuvre a mis fin à toute cette institution du Lévitique. Ce système a fonctionné plus de mille ans, sans jamais permettre de vraiment changer les cœurs, ni de régler le problème du péché.
Pourtant, il a nourri une aspiration, un soupir après l’intervention de Dieu, après une relation nouvelle avec lui. Et Dieu est venu lui-même, en Jésus. Jésus a agi à la fois comme grand-prêtre et sacrifice. Il l’a fait une fois pour toutes, pour tous les péchés ! C’est là tout le message de la lettre aux Hébreux, incompréhensible sans le Lévitique (voir notamment Hé 7.22-8.6 ; 9.11-15, 24-28 ; 10.10-18).
Le Lévitique met en évidence toute la difficulté de l’accès à Dieu, la grandeur de sa sainteté et l’ampleur de la souillure qui est la nôtre. Il fait ainsi puissamment rayonner la générosité de Dieu en Jésus-Christ, la grâce de celui qui a accepté de venir auprès de nous malgré nos fautes, mourir à notre place, pour que nous puissions retrouver une relation avec lui.
C’est lui qui nous a lavés par son sang, nous a rendus saints en lui, libres de tout péché, pour que nous puissions accéder à Dieu. Et la pensée de ces descendants d’Aaron avec leurs handicaps, exclus de la plénitude de l’exercice de la prêtrise, me conduit à ce verset du Nouveau Testament (1P 2.9-10) : « Vous, au contraire, vous êtes un peuple choisi, des prêtres royaux, une nation sainte, un peuple racheté afin de proclamer les louanges de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière. Vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, vous êtes maintenant le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas obtenu compassion, vous avez maintenant obtenu compassion. »
En Jésus-Christ, tous les chrétiens peuvent accomplir pleinement la mission qui était celle des prêtres : vivre une vie pleinement consacrée à Dieu, pour sa louange, et permettre à l’humanité de tourner les regards vers le Seigneur.
Christ nous a rendus saints pour cela. Plus besoin de sacrifices : il s’est déjà sacrifié une fois pour toutes. Plus besoin de temple : l’Église elle-même, l’assemblée des croyants, est le temple où l’humanité peut rencontrer Dieu qui témoigne de sa sainteté et de sa bonté.
Quelle grâce quand nous y réfléchissons : chacun de nous, quel qu’il soit, quelle que soit son infirmité physique ou morale, peut parvenir à cette vocation extraordinaire parce que Jésus est mort à notre place, parce que Dieu nous a sauvés.
Nous pouvons entrer en relation avec Dieu… tout simplement ! Nous pouvons le servir… tout simplement ! Notre sainteté ne repose plus sur notre physique ni même sur nos qualités morales ou nos capacités. Elle s’appuie sur Christ qui nous sanctifie, nous transforme et œuvre en nous.
Relisons le Lévitique !
Si nous nous sommes un peu habitués à cette grâce, si elle fait parfois un peu moins vibrer notre cœur ou si nous désirons simplement nous en réjouir encore davantage, une plongée dans le Lévitique ne pourra qu’être bénéfique.
Il y a encore bien des trésors à découvrir dans ce livre, comme l’extraordinaire loi sur le Jubilé (ch. 25). Certains éléments nous échappent peut-être. Pourtant, même si chaque verset, ne nous enseigne pas quelque chose d’essentiel, sa lecture suscite d’importants sentiments en nous. Il nous fait soupirer après autre chose. Et, gloire à Dieu, nous connaissons cette autre chose : elle nous est advenue en Christ. Nous avons, par sa sainteté, un plein accès à notre Seigneur. Par le contraste qu’il crée, le Lévitique nous motive à nous réjouir de la beauté de ce que Dieu a accompli en Christ. Merci Seigneur pour le Lévitique !
« À celui qui nous aime, qui nous a lavés de nos péchés par son sang et qui a fait de nous un royaume, des prêtres pour Dieu son Père, à lui soient la gloire et le pouvoir aux siècles des siècles ! Amen ! » (Ap 1.5-6).
mai 2021