PAR : Nordine Salmi
Membre du comité de rédaction, pasteur à la retraite

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Point de vue
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Jamais un bout de tissu n’aura fait couler autant d’encre (et de salive). La plume est trempée parfois dans le lyrisme, souvent dans le vinaigre, rarement dans la tempérance. Les talents ne manquent pas pour nous dire avec des mots choisis, raffinés ou grossiers les vertus ou les méfaits de cette imposition du masque. Pour les uns c’est la privation de notre liberté, pour les autres « l’éthique du visage se voit amputée de sa part d’infini ».

Curieusement, je n’ai jamais entendu dire de la part de ceux sortis de réanimation, que ce bout de tissu (avec toutes les recommandations qui l’accompagnent), était une manière de « museler » le peuple, qu’il bafoue les libertés fondamentales ou qu’à cause de lui « sa part d’infini était amputée ». Je n’ai jamais entendu de la part du personnel soignant, qui durant des mois était au front, dire aujourd’hui qu’il ne faut pas s’affoler, que le virus ne frappe que 0,5% de la population.

Que l’on se trouve au bout de sa plume ou derrière son masque de soignant ou de malade, les mots (maux ?) ne sont pas les mêmes.

Oui, il y a de la désespérance dans notre monde. Oui, « la peur de la mort l’emporte sur l’amour de la vie(*) ». Mais ce n’est pas nouveau ! Le risque zéro, tant recherché dans nos sociétés modernes, a bien souvent tué la vie, la spontanéité ! Mais qui est derrière le « masque législatif » ? Ceux qui ont peur. Non pas de la mort mais du procès que l’on ne manquera pas de leur intenter. Car nous, consommateurs, nous n’hésiterons pas, si nous avons été victimes, à nous engouffrer dans la moindre faille et à prendre notre plume pour faire le procès de ceux qui dans leur « grande incompétence » n’ont pas pensé à nous protéger !

Oui, le masque, selon la belle formule de Bernard Henry Lévy, cache « l’éloquence des visages qui n’ont plus à partager que les yeux » !

Mais si ce masque, plutôt que de nous « amputer », nous permettait de développer d’autres modes d’expressions si souvent laissés à l’abandon. Le regard par exemple. Tellement occupé à fuir, ou à sonder les profondeurs si plates de nos smartphones ! Si, par notre regard, nous cherchions celui de notre interlocuteur, avec toute l’intensité de l’attention que nous lui accordons. Le langage également. Qu’il soit l’expression de notre visage, afin de porter en lui le goût du vrai, de l’authentique ! Car chacun le sait : un masque peut en cacher un autre.

Quand je pense à mon masque qui dissimule mon visage, je pense à notre Seigneur qui a dû « dissimuler » une part de son identité (sa divinité). Rien à voir avec mes petits tracas quotidiens liés à ce bout de tissu. Lui, s’est plongé dans l’humanité gangrenée par le péché, pour nous rejoindre sans se laisser contaminer. Il a pris tous les risques sans nous mettre en péril, pour nous rejoindre et exprimer, malgré son « masque » volontaire, tout l’amour divin. Il a écrit de son sang la plus belle page de ma vie pour que je puisse paraître devant lui, sans masque !


(*) André Comte-Sponville

Article paru dans :

octobre 2020

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