PAR : Marc Schöni
Pasteur, Église évangélique baptiste, Court (Suisse)

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La lettre de Jacques parle de l’onction d’huile pour les malades (Jc 5.14-16). Que pouvons-nous dire aujourd’hui de cette pratique ?

Les Actes des Apôtres racontent nombre de guérisons accordées à des malades à l’extérieur comme à l’intérieur de la communauté des disciples. Paul mentionne, parmi les dons de l’Esprit, « des dons de guérison » (1Co 12.9, voir 12.30). Ces dons variés (usage du pluriel) peuvent être exercés, de manière permanente ou ponctuelle, par des responsables ou par des personnes sans responsabilité particulière dans l’Église. Mais Jacques fait état d’une autre possibilité encore : c’est qu’un membre de l’Église (« quelqu’un parmi vous ») fasse appel aux anciens pour qu’ils prient pour sa guérison en accompagnant cette démarche d’une onction d’huile (Jc 4.14).

Huile

Pourquoi cette procédure particulière ? Pourquoi Jacques dit-il au malade de s’adresser aux « anciens de l’Église » plutôt qu’à quelqu’un d’autre ? Une piste : après avoir dit que « la prière de la foi sauvera le malade » (5.15a : double sens possible du verbe « sauver », physique et spirituel), Jacques ajoute que « s’il a commis des péchés, il lui sera pardonné » (5.15b). Et dans la foulée, il élabore : « Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. » (5.16a).

Toute maladie n’est pas liée à un péché particulier, loin de là (voir Jn 9.3). Jacques envisage un cas où la question du lien entre maladie et péché se pose. Pour être plus précis, c’est le malade qui se pose cette question, vu qu’il revient à lui d’« appeler les anciens de l’Église » (5.14). Ce n’est pas aux anciens, ni à personne d’autre, de se poser en accusateurs à la manière des amis de Job. Si le malade se pose la question d’un lien possible entre sa maladie et un péché particulier, il fait bien de solliciter des personnes qui ont l’expérience et le doigté pour exercer le discernement sur cette question délicate et pour entendre une éventuelle confession. Les anciens sont censés avoir cette compétence proprement pastorale. Et même s’ils peuvent déléguer l’accompagnement spirituel à une personne dont la compétence est reconnue, il est bon que les anciens soient au courant de la démarche, en toute confidentialité vis-à-vis des tiers.

Plus que d’une prière ponctuelle pour la guérison, il s’agit donc dans Jacques d’une demande d’accompagnement spirituel qui peut s’inscrire dans une certaine durée. Peut-on élargir un peu le propos, là où le texte parle de confession des péchés ? Il y a, me semble-t-il, démarche similaire quand le malade, sans penser précisément à un péché, voit que son problème n’est pas purement physique ni même seulement psychique, mais que le physique (ou le psychique) et le spirituel interagissent.

Ceci dit, qu’en est-il de l’huile (Jc 5.14) ? Certains interprètes y voient surtout un usage médicinal, selon les pratiques en vigueur à l’époque, et pensent qu’aujourd’hui il faut transposer en recommandant l’usage des médicaments prescrits par le médecin, qui n’entre pas en contradiction avec la prière. Même si ce dernier point est juste en soi, je remarque tout de même que notre héritage évangélique (issu du piétisme) peut nous pousser à trop spiritualiser les choses. Là où le texte biblique mentionne un geste physique en rapport avec la prière, il serait dommage de laisser tomber cette dimension. Dieu nous a donné un corps, et nous communiquons aussi par le toucher. Il ne s’agit pas d’un geste magique, mais d’une marque de communion fraternelle et d’un signe tangible de ce que le Seigneur fera, soit tout bientôt (si c’est sa volonté de guérir physiquement), soit en tout cas quand le chrétien recevra son nouveau corps. Je suggère que le processus d’accompagnement soit confié à une personne qui a la confiance du malade, et que quelque part dans ce processus, au moment jugé le plus opportun, plusieurs anciens/pasteurs (s’il y en a plusieurs dans l’Église locale) se réunissent auprès du malade pour procéder à la prière avec onction d’huile.

Prière

Dans plusieurs de nos Églises, l’onction d’huile est une pratique assez courante, et des malades en font la demande sans forcément la lier à un besoin d’accompagnement spirituel. Cela peut être l’occasion de suggérer un tel accompagnement si on en discerne l’utilité. Mais même si ce n’est pas le cas et que le malade pourrait faire appel à tout(e) chrétien(ne) qui est prêt(e) à prier pour sa guérison, il est bien d’honorer la demande d’onction d’huile. Car une telle démarche associe, en la personne des anciens, toute la communauté. Les anciens devront alors respecter la confidentialité, sauf si le malade demande que la communauté soit mise au courant. La personne malade, au bout d’un processus mené dans la discrétion, peut d’ailleurs désirer rendre témoignage devant la communauté. Ce serait même une excellente initiative. ■

Article paru dans :

avril 2018

Rubrique :
Spécial
Mots-clés :
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La guérison

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