Le conseil d'Église
L’article qui suit s’inspire d’une contribution du professeur Frédéric Rognon, parue dans Les Cahiers de l’École pastorale(*).
Dans notre union d’Églises, nous privilégions une direction collégiale formée principalement du pasteur rémunéré et des « anciens ». Même si certaines de nos communautés ne sont pas pourvues d’anciens, elles ont, en général, des conseillers ou des diacres. L’Église est donc au bénéficie d’une équipe appelée à travailler ensemble. Cette collégialité ne ressemble pas toujours à un long fleuve tranquille.
Il me semble utile de réfléchir aux lieux « d’altérité et de tension potentielle » que met en avant l’article. Des quatre lieux qui y sont présentés, j’en reprendrai deux, en tentant de les relier à la réalité de nos Églises. Du moins ce que j’en connais.
Le rapport à la motivation
Nos pasteurs sont, en général, salariés de l’Église. Ils font équipe avec des membres du conseil qui travaillent bénévolement pour l’Église. Ce décalage s’est accru ces dernières années avec la « professionnalisation » du pastorat. Le recrutement du pasteur, son contrat, l’assimilent de plus en plus, à tort ou à raison, au salarié lambda. Ne dit-on pas un « poste » pastoral, tout comme nous disons un « poste » d’informaticien ? Sans parler des exigences parfois (légitimes) du pasteur en termes de salaire, d’horaires de travail et de congés.
Le ministère pastoral est à la fois « un métier et une vocation ». C’est un métier car il est fait appel, de plus en plus, à des compétences reconnues académiquement. C’est une vocation car celui qui l’exerce répond à un appel.
Ces statuts différents peuvent amener le conseil à se décharger totalement sur le pasteur, considérant qu’il est payé (plus ou moins bien !) pour « ça ». Et tant pis si le temps des réunions, des entretiens pastoraux, rogne sur le temps consacré à la famille et se termine à des heures tardives. Les conseillers connaissent, dans une moindre mesure, ces mêmes inconvénients. Et eux, ils ne sont pas payés !
Cette différence de statut peut conduire à enfermer le pasteur dans le cadre strict de l’employé. Il est là pour exécuter les décisions du conseil. Celui-ci vérifiera scrupuleusement que « l’employé » accomplit bien sa tâche. Le pasteur s’inscrit alors dans le strict cadre de son cahier des charges. La tension pasteur-conseil peut devenir vive ou entraîner des souffrances inexprimées.
Ce décalage peut s’atténuer, me semble-t-il, par des prises de conscience réciproques. La première est de considérer le pasteur non pas comme un employé, mais comme un partenaire. Le pasteur, sans être corvéable à merci, acceptera de faire ce fameux « deuxième mille » que Jésus recommande à ses disciples. Ce deuxième mille, c’est accepter d’aller au-delà de ce que le contrat pastoral stipule. Le conseil devra reconnaitre que cette part de bénévolat dépasse l’engagement contractuel prévu. C’est une différence non négligeable.
Le rapport au statut
Nous avons hérité d’une tradition qui tend à confondre (en théorie du moins) ministère d’ancien et ministère pastoral. Nous considérons que le pasteur est un ancien que l’on rémunère pour lui dégager du temps. En raccourci, un pasteur est un ancien qui a du temps ! Il me semble que dans le ministère de pasteur, il y’a bien plus que cela.
Deux éléments principaux distinguent ces deux ministères. Tout d’abord la formation. Le pasteur est un enseignant. Il s’est formé pour acquérir des compétences dans le domaine de la théologie. C’est ce qui lui permet d’exercer ce ministère et d’être reconnu pour ses connaissances et ses capacités. Même dans nos milieux, le niveau de formation du pasteur devient un critère de plus en plus important. Je ne dis pas que nos anciens ne sont pas formés. Certains le sont ! Du moins je l’espère. J’ai connu des anciens tout aussi bien formés et parfois mieux que certains pasteurs. Ce n’est toutefois pas la norme. Et dans certains cas, ce n’était pas à la gloire du pasteur rémunéré.
L’autre élément distinctif est la conséquence du premier : le pasteur doté d’une solide formation peut être appelé à exercer son ministère au-delà des « murs » de son Église locale. Cela lui confère un statut particulier, non seulement dans son Église, mais aussi dans le cadre plus large des Églises.
Cette différence n’implique pas une hiérarchie mais une répartition des rôles.
En clarifiant la place des uns et des autres et en acceptant les particularités de chacun, nous évitons rivalités inutiles et souffrances liées à la frustration.
Équipe dynamique ou dynamite ? Comment ces tensions sont-elles exprimées ? Comment trouvent-elles leur résolution ? Le calme plat dans la vie d’un conseil n’est pas forcément synonyme de bonne santé !
(*) Les Cahiers de l’École pastorale (Croire publications, Paris), hors-série n°16, 4e trimestre 2014.