PAR : Françoise Pillon
Membre du comité de rédaction, Église évangélique baptiste de Paris-Centre.

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La Bible est-elle sexiste ?

Avec ce titre, nous savons à quoi nous en tenir sur le contenu de cet ouvrage ! Son auteure, Valérie Duval-Poujol, est parfaitement qualifiée pour aborder ce sujet polémique sous l’angle biblique : docteure en histoire des religions et en théologie, elle est exégète, spécialiste des traductions de la Bible et a dirigé le groupe de révision de la Bible Nouvelle Français Courant. Elle œuvre en faveur de la visibilité des femmes dans l’Église et est engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Couverture du livre

C’est à un véritable parcours exégétique que nous sommes conviés. Non, ne partez pas ! C’est parfaitement abordable et il n’est pas nécessaire d’avoir étudié l’hébreu ou le grec bibliques pour se plonger dans cette étude passionnante. Chaque terme est expliqué et nous suivons aisément le raisonnement. Que l’on soit acquis ou pas aux idées de l’auteure, on ne peut qu’être édifié par un travail si utile.

Valérie Duval-Poujol examine la place de la femme dans l’Écriture, ses relations avec Dieu et avec l’homme, depuis la Création jusqu’à à la Nouvelle Création en passant par la chute. Sans remettre en question l’autorité de la Bible elle la revisite avec cette perspective. Cela nous permet de relire certains textes que nous connaissons tant qu’il nous semble qu’ils n’ont plus rien à dévoiler ; d’en découvrir d’autres moins connus ; de rencontrer des personnages (des femmes) qui nous étaient presqu’étrangers.

Elle suit deux fils rouges tout au long de ces pages. Premièrement, ce que les femmes vivent encore aujourd’hui ne reflète pas l’intention divine mais une société sexiste. Deuxièmement, les traductions ajoutent une difficulté à la compréhension de textes que nous ne pouvons pas lire dans les langues originales. Or il suffit de comparer plusieurs versions pour réaliser les écarts qu’il y a entre elles. Le choix de tel ou tel terme pour rendre un sens ou une nuance est influencé par les a priori théologiques du traducteur et de la culture dans laquelle il évolue. Les exemples donnés et analysés par l’auteure sont nombreux.

Alors, je « spolie », comme on dit maintenant : la Bible n’est pas sexiste ! Cependant, même inspirée, elle a été écrite par des hommes qui vivaient dans une société dominée par les hommes. Les femmes ne semblent pas y jouer un rôle important et quand c’est le cas, la réaction spontanée est de déclarer qu’il s’agit d’une exception. De plus, elles sont souvent anonymes ou qualifiées de « femme de » ou « mère de », n’existant pas pour elles-mêmes.

L’auteure reprend donc le dossier en partant du récit de la Genèse. Elle nous rappelle que Dieu a créé l’homme et la femme à son image et que le mandat créationnel a été confié à chacun. Ce sont des vis à vis qui collaborent ensemble et avec Dieu, sans qu’aucune hiérarchie ne soit suggérée. C’est la chute qui introduit le conflit et la souffrance entre eux, détruisant l’harmonie initiale. Les malheurs que Dieu annonce ne constituent pas une malédiction mais une prophétie de ce qui se produira maintenant que la communion est rompue. La suite du récit nous rapporte des conduites masculines particulièrement machistes. Abraham vend sa femme au pharaon pour avoir la paix ; Loth envisage de livrer ses filles aux hommes de Sodome ; Jephté sacrifie sa fille ; David envoie Urie, dont il a violé la femme, à la mort. Les textes n’approuvent pas ces comportements, ils les dénoncent parfois.

Heureusement, tout n’est pas obscur. Nous découvrons des femmes courageuses et responsables comme Déborah, Ruth ou Rahab ; des femmes prophétesses comme Houlda (qui exerça son ministère au temps d’Esaïe et pourtant c’est elle que Josias consulta) ; des femmes détenant une autorité (Prov. 31). L’auteure étudie certaines d’entre elles avec minutie démontrant ainsi que l’intention de Dieu n’était pas de les écarter. Du reste, certaines d’entre elles figurent dans la généalogie de Jésus.

Après avoir parcouru l’Ancien Testament, Valérie Duval-Poujol nous invite à considérer l’attitude de Jésus envers les femmes. Certes, il n’a rien révolutionné mais nous pouvons voir que son comportement respectueux et affectueux à leur égard va à contre-courant de celui de ses contemporains. Il les enseigne ; discute théologie avec elles (la Samaritaine, Marthe et Marie) ; les envoie en mission (sans doute y avait-il des femmes parmi les soixante-douze) ; il appelle l’une d’entre elle « fille d’Abraham » la faisant l’égale du patriarche ; et le premier témoin de sa résurrection est une femme, Marie-Madeleine, appelée jusqu’au quatrième siècle apôtre des apôtres. Il restaure leur dignité, commençant à rétablir ce qui était à l’origine.

Enfin l’auteure aborde la question si controversée de Paul. Paul qui s’adjoint des collaboratrices ayant les mêmes prérogatives que les hommes ; qui prône la réciprocité dans le couple. Les textes sont analysés avec beaucoup de pertinences et la prétendue misogynie de l’apôtre est battue en brèche. Je regrette cependant que le passage difficile de 1 Timothée 2, 9-15 soit étudié aussi rapidement. Qu’à cela ne tienne, le lecteur lira avec beaucoup de profit l’exégèse de Jean-Marc Bellefleur dans son petit livre, Hommes et femmes dans l’Église.

La lecture de cet ouvrage de Valérie Duval-Poujol est rafraichissante tout en étant exigeante. Elle mérite l’attention de celui qui approuve les thèses exposées comme de celui qui les met en doute.


La Bible est-elle sexiste ? Valérie Duval-Poujol, Empreinte temps présent, 2021 (254 p., 18 €).

Hommes et femmes dans l’Église, Jean-Marc Bellefleur, Excelsis, Charols, 2018.

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août 2022

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