PAR : Lydia Lehmann
Pasteur, Église protestante évangélique Le Cépage, Bruxelles-Ganshoren

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Devant chez nous, une compagnie aérienne affiche une publicité proposant des allers et retours pour un week-end, avec le slogan suivant : « Les vacances d’été sont encore très loin »… Et pour vous, le repos est-il aussi quelque chose de lointain ?

« L’Eternel est mon berger… » nous dit le Psaume 23. C’est une vérité pertinente quand tout va bien comme quand tout va mal et aussi dans ces moments, certainement les plus nombreux, où il y a des choses qui vont et d’autres qui ne vont pas. Un psaume bien connu qui contient, certes, des images idylliques, mais qui n’est pas trop beau pour être vrai.

Berger

Mon berger… (v.1)

« L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien. » En Israël, le berger jouait un rôle important et la Bible utilise cette image pour parler du roi, conducteur et protecteur de son peuple. Très tôt, Dieu est décrit comme le Roi-Berger des siens, celui qui en prend soin (Gn 48.15) ; Ésaïe annonçait la délivrance future d’Israël en ces termes : « Comme un berger, il paîtra son troupeau et il rassemblera les agneaux dans ses bras. » (Es 40.11 ; cf. aussi Ez 34.11-16).

« L’Éternel est mon berger. » Une relation apparaît là entre le psalmiste, le « je », et le Seigneur. Le berger est une image beaucoup plus intime que d’autres utilisées dans les Psaumes, comme celles du bouclier ou du rocher. Le berger est inséparable de son troupeau, il vit avec lui, « il est tout pour lui : un guide, un médecin, un protecteur1 ».

L’Éternel, Seigneur, apparaît deux fois dans ce psaume : au premier mot et dans la dernière phrase. Cette inclusion poétique traduit ici une réalité qui va au-delà de la beauté littéraire : Dieu est devant nous, derrière nous, il nous entoure. Il prend soin de nous, de toute notre personne. Il contrôle tout, il tient les choses ensemble. Il est là au début, à la fin et aussi tout au long.

« Je ne manquerai de rien. » Le verbe est au futur : pour le moment, la brebis connaît des manques. Au v. 2, le mot hébreu désigne la première herbe qui sort du sol au début de la saison des pluies. Ainsi, le psaume semble prendre place à la fin de la période de sécheresse. Eau et nourriture se sont faites rares. Pourtant, malgré cela, la brebis a l’assurance qu’elle ne manquera de rien, parce que Dieu est son berger.

Rassurant

Cela est rassurant car je lis ici que d’autres que moi ressentent des manques. Que me manque-t-il aujourd’hui ? Encouragés par David, osons regarder le manque. Dire honnêtement, oui, je manque de ceci, de cela (paix, concentration, discipline, direction, confiance, présence bienveillante à mes côtés, écoute attentive, compréhension, énergie, argent…). Dans une société où on essaie de combler le manque à tout prix, de toutes sortes de manières, une société où on crée des manques par la publicité, cela me fait du bien de voir que je peux avouer devant mon Dieu que j’ai des manques.

Cela est rassurant mais aussi dérangeant. Pourquoi la brebis ne peut-elle pas dire : « Je ne manque de rien maintenant » ? Où est la plénitude de la vie en Christ si j’ai des frustrations ? Y a-t-il quelque chose qui ne va pas de mon côté ? Suis-je un chrétien immature parce que j’éprouve des besoins non comblés ? Non, Dieu veut que nous lui présentions nos manques. Une fois exposés devant lui, ils deviennent son affaire et plus la nôtre. Il est le seul capable d’y remédier, mais pas toujours selon nos désirs.

Si par exemple nous lui disons : « Je manque d’amis », il ne nous donnera pas forcément une quantité d’amis mais pourrait tout d’abord vouloir combler ce manque par sa personne. Il deviendra lui-même notre ami. Notre sécurité en lui grandira et nous aidera à nous ouvrir d’avantage aux autres.

Il nous aidera aussi à faire le tri dans nos manques : a-t-il été créé par notre société ou est-ce un manque qui jaillit vraiment du plus profond de nous ?

« Je manque d’argent pour m’acheter ça, ça, ça et ça. » Vraiment ? « Je ne manquerai de rien » ne veut pas dire que Dieu nous donnera l’argent nécessaire pour nous acheter tout ce dont nous avons envie, mais tout ce dont nous avons besoin en ce moment, dans sa perspective.

Il est notre berger, préoccupé par nos besoins, qui voit bien plus clair que nous quant à ceux-ci : il sait ce qui nous est réellement nécessaire.

Mouton

 Il me fait tenir debout. (v. 2-3a)

« Dans des prairies verdoyantes il me fera prendre du repos. Au bord des eaux calmes il me conduira. Il restaure mon âme. » Ces trois affirmations sont mises en parallèle, constituant chacune une scène de la toile peinte par le psalmiste. Toutefois, différant légèrement dans sa structure, la dernière phrase apparaît comme le résultat des deux premières.

Le berger prévoit de la nourriture, des prairies verdoyantes. Il pourvoit à l’eau, et pas n’importe laquelle : des eaux calmes – une brebis évite les eaux courantes, risques de noyade avec sa lourde toison2. Enfin, le berger donne du repos. Pendant la saison sèche la brebis erre pour trouver de quoi manger et boire. Elle n’a pas vraiment eu l’occasion de se reposer. « En général, les brebis ne se couchent pas avant d’avoir brouté à leur faim et chassé toute peur. […] Seuls les moutons satisfaits se couchent3. »

Par la nourriture, l’eau, le repos, le divin berger restaure « mon âme », c’est-à-dire toute ma personne : il va renouveler mes forces. Des forces pour mon corps, mon âme et mon esprit. Des forces neuves pour tout mon être.

Il renouvelle mes forces, me fait tenir debout. Il arrive que la brebis tombe et se retrouve sur le dos, les pattes en l’air. « Or, pour remettre sur pied une brebis qui est tombée, il faut agir avec douceur […]. Le berger doit prendre la brebis et la soulever. Comme elle est restée sur le dos, le sang ne circule plus dans ses pattes ni dans ses pieds, alors le berger doit lui masser les pattes jusqu’à ce qu’elle puisse se tenir debout4. »

Quand nous sommes-nous retrouvés la dernière fois sur le dos ? Paralysés par nos échecs, nos angoisses, nos soucis ? Plus de sang dans les jambes, contraints à rester couchés, jusqu’à ce que le berger vienne nous « masser » : son pardon, son amour, sa sollicitude nous font nous remettre debout, pour marcher sur le droit chemin.

Sa renommée ne fait que grandir. (v. 3b)

Le berger guidera la brebis sur le bon chemin pour qu’elle trouve la nourriture, l’eau, le repos et le renouvellement. Tout cela « pour l’honneur de son nom ». Le berger agit pour le bien-être de la brebis mais, d’une manière ultime, pour sa propre renommée. C’est une dimension à intégrer dans nos prières : « Seigneur, si je te demande cela c’est pour ta gloire. Seigneur, souviens-toi de moi, pour l’honneur de ton nom. »

Dieu nous indique un chemin appelé « sentiers de la justice ». Ceux de la relation avec le Seigneur où nous acceptons son amour et son pardon, la grâce dont il veut nous combler, à cause de sa renommée5. Même si, par notre comportement, il peut être décrié ou honoré, c’est lui qui est garant de sa réputation et la fait grandir car c’est lui qui conduit. Il connaît le chemin, il est le chemin.

Paysage

Un commentateur a dit : « Pour soutenir cette réputation, Dieu fera de nous des hommes nouveaux, dont les voies seront les siennes6. » Pensons seulement à Ézéchiel 36.26 : « Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau, j’enlèverai de votre être votre cœur dur comme la pierre et je vous donnerai un cœur de chair. » Une promesse maintenant accomplie ; si nous avons accepté ce que Jésus a fait pour nous, nous avons en nous ce cœur nouveau qui nous aidera à marcher sur les sentiers de la justice où il nous conduit.

Le psaume 23 fait suite à celui qui annonce les souffrances de Jésus, celles qu’il allait endurer sur la croix quand il a crié : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Ps 22.2). La place des psaumes dans le Psautier n’est pas arbitraire. C’est en la personne du Christ que l’Éternel est notre berger. Jésus lui-même dit : « Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. » (Jn 10.11).

Il est avec moi… (v. 4)

Le texte prend ici une tournure inattendue : il est possible que ce bon chemin sur lequel le berger me conduit soit la vallée où règnent d’épaisses ténèbres. Le berger peut utiliser cette vallée pour fournir nourriture, eau et repos à sa brebis.

Avez-vous déjà envisagé le fait que Dieu se serve des ténèbres pour nous fournir de la nourriture, de l’eau, du repos ? Nous ne voyons pas grand-chose dans l’obscurité de cette vallée, ni prairies verdoyantes, ni eaux calmes, ni repos. Dieu, cependant, n’est pas limité par les ténèbres. C’est pour cela que « je ne craindrai aucun mal », même si le bon chemin mène à travers la vallée d’épaisses ténèbres.

« Car tu es avec moi. » Nous sommes ici au centre du psaume : vingt-six mots avant et vingt-six mots après. Une structuration mathématique utilisée dans beaucoup de psaumes. Le plus important pour la brebis est de savoir que Dieu est avec elle.

Jusqu’ici, le psalmiste évoquait le berger avec le pronom « il ». Maintenant il s’adresse directement à lui, toujours plus proche. On pourrait imaginer que le berger, dans ces circonstances particulièrement difficiles, n’est plus devant pour guider mais à côté pour escorter, protéger de plus près.

« Ta houlette et ton bâton me protègent. » Ta houlette : un bâton muni d’un crochet pour attraper les animaux, ou d’une plaque de fer pour lancer des mottes de terre et rassembler les brebis, les guider, les sauver d’un danger. Ton bâton : le bâton d’un enseignant, roi, soldat, agriculteur.... Instrument d’autorité et de défense dont le berger se sert aussi pour compter et examiner ses brebis.

La brebis est assurée que le berger a tout le nécessaire pour prendre soin d’elle et cela la réconforte profondément. Avons-nous confiance dans le fait que Dieu a tout ce qui lui faut pour prendre soin de nous ?

Une vie en abondance. (v. 5)

« Tu dresseras une table devant moi, en face de mes adversaires. » Le psalmiste est confiant en ce que Dieu va accomplir pour lui dans le futur. Le Dieu berger devient le Dieu hôte, celui qui accueille. Nous l’avons vu au début, le berger évoque aussi un roi. David peut être vu comme son vassal, sous la protection du roi-suzerain dans le cadre d’un traité d’alliance scellé par un repas exprimant la joie et l’amitié ; le vassal était l’hôte de son suzerain.

« Tu oindras d’huile ma tête. Ma coupe déborde. » Il s’agit de l’huile d’olive, parfumée d’épices, que l’on répandait sur les cheveux. C’était un geste courant pour honorer un invité lors d’un banquet. C’était aussi un symbole de joie et de bénédiction, de guérison (le berger appliquait cette huile sur les blessures de la brebis). Les ennemis, impuissants face à cette haute protection, sont obligés d’assister à la victoire de celui qu’ils poursuivaient.

Croyons-nous que l’alliance que Dieu conclut avec nous, en Christ, nous protège d’une manière efficace contre l’ennemi ? Nous avons été oints de l’huile de l’Esprit qui est la marque authentique, incontestable de notre appartenance à Dieu, notre protecteur, notre Roi-Berger.

La coupe qui déborde fait allusion à la coupe offerte aux invités lors de la réception, mais elle désigne aussi la vie que nous recevons de Dieu (cf. Ps 16). On pourrait ainsi comprendre : « Dieu fait déborder notre vie7. » « Déborder » évoque l’abondance. La racine hébraïque suggère l’action de tremper, combler, couvrir. Au début du psaume, le berger donne à la brebis ce qui est indispensable pour vivre, ce qui est nécessaire. Ici l’hôte pourvoit à l’abondance de la personne qu’il accueille.

Poursuivi par son amour. (v. 6)

C’est ainsi que « Ta bonté et ton amour me poursuivront tous les jours de ma vie ». Bonté et amour apparaissent associés de nombreuses fois dans l’Écriture, renvoyant toujours à la bonté et à l’amour de Dieu.

L’amour, ou la fidélité, évoquent la continuité. Dieu ne peut agir envers nous autrement que comme il le fait, prenant soin de nous… Bonté et amour nous poursuivent, comme on poursuit des ennemis. En Christ, nous ne pouvons pas échapper à cette fidélité de Dieu. Malgré les erreurs qu’il nous arrive de faire, il y a ce filet de sécurité qu’est l’amour de notre Seigneur.

Refuge

« Et je retournerai au sanctuaire de l’Éternel tant que je vivrai. » Au moment où David écrit ce psaume, le Temple n’était pas encore construit. Il était peutêtre loin du sanctuaire, voire poursuivi par ses ennemis. Retourner au sanctuaire, c’est retrouver Dieu d’une manière plus intime. Nous ne sommes pas seulement son invité le temps d’une journée, nous vivons avec lui constamment8 ou plutôt il vit avec nous, car il a établi sa demeure en nous. Par son Esprit, notre corps est son temple, son sanctuaire.

Tu es avec moi.

Dire « l’Éternel est mon berger », c’est dire à notre Dieu : « Plus que de toute autre chose que tu pourrais me donner, j’ai besoin de toi ; plus que de l’air pour respirer, j’ai besoin de ta présence dans ma vie. » Quand lui avez-vous dit cela pour la dernière fois ?

Mon berger me fait tenir debout : sa renommée ne fait que grandir ! (v. 1-3). Il est avec moi, me donnant une vie en abondance, me poursuivant de son amour (v. 4-6). Dans la diversité de nos circonstances, puissions-nous avoir la joie de trouver le repos dans cette assurance : l’Éternel est notre berger. ■


(1) Derek Kidner, Psaumes 1 à 72 (Edifac, 2012, p. 131)

(2) Cf. Lloyd John Ogilvie, À l’école des Psaumes (Vida, p. 49)

(3) Idem p. 49

(4) Idem p. 50

(5) Idem p. 51

(6) Kidner p. 132

(7) Ogilvie p. 53

(8) Cf. Kidner p. 134

Article paru dans :

mai 2018

Rubrique :
À Bible ouverte
Mots-clés :
Point de vue

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