PAR : Jérémie Déglon
Pasteur, Église évangélique baptiste de Melun et sa région, au Mée-sur-Seine

Article paru dans :

Dans votre Bible : 1 Pierre 4.1-6

Nous n’aimons pas souffrir… Pourtant, l’Écriture nous enseigne que la souffrance accompagne la route de tous les chrétiens qui veulent marcher avec Christ dans ce monde. L’apôtre Pierre le savait bien. En effet, dans 1 Pierre 4.1-6, il veut nous encourager à suivre fidèlement notre Seigneur, confiants dans la justice de Dieu malgré la souffrance et l’opposition que nous pouvons rencontrer à cause de notre foi. Comment faire ?

image

S’armer de la pensée de christ (v. 1).

« S’armer de la pensée de Christ. » Ce que Pierre veut nous dire ici c’est : « Puisque Christ a souffert dans la chair et que vous avez décidé de le suivre, alors préparez-vous aussi à souffrir dans votre chair. »

Rester dans la pensée de Christ face à la souffrance à cause de notre foi peut parfois devenir compliqué. Lorsque notre corps s’affaiblit, que nos repères s’effondrent, notre volonté, notre engagement, notre foi prennent le relais pour décider de ne pas baisser les bras et continuer à avancer.

Il y a quelques semaines, un ami a couru le marathon de Genève. Au trente-sixième kilomètre, son corps lui a dit stop : sa jambe lui faisait terriblement mal. Néanmoins, il a décidé de continuer parce qu’il avait la ferme volonté d’aller jusqu’au bout. Alors que son corps lui disait « arrête-toi », son mental et sa volonté lui ont permis de franchir la ligne d’arrivée.

Suivre Jésus ressemble parfois à un marathon : persévérer quand tout autour de nous, y compris notre corps, nous poussent à dire « stop » et à nous arrêter. Au moment opportun, Jésus n’a pas dit « stop ». Il est allé jusqu’à la mort... Il a connu la souffrance la plus vive, la plus totale, en prenant sur lui la sentence de mort qui nous était réservée à cause de notre péché. Unis à Christ par la foi en son œuvre, nous sommes aussi unis à ses souffrances. Suivre Jésus, c’est être au bénéfice de sa grâce et de ses promesses. C’est également accepter de souffrir pour le suivre.

La mission internationale Frontiers œuvre auprès des populations musulmanes non-atteintes. Elle envoie des missionnaires pour aimer ces peuples et leur rendre témoignage très concrètement de l’amour de Jésus-Christ. Lors du centenaire de l’Institut biblique de Genève, l’un des responsables de cette mission nous a informés que sur leur millier de missionnaires, deux à trois disparaissent chaque année, enlevés, assassinés ou emprisonnés. Lorsqu’une personne décide de partir sur le terrain missionnaire, la mission insiste sur le fait qu’il n’y aura peut-être pas de retour et lui demande de lui remettre une lettre d’adieux pour la famille au cas où...

On est bien loin de « l’Évangile » à bon marché qui contamine certaines Églises et n’hésite pas à adapter la vérité et ce qu’elle implique pour promettre à ceux qui suivent Jésus des vies confortables.

« Car celui qui a souffert dans la chair en a fini avec le péché. » (v. 1). Nous pourrions entendre là que celui qui souffre ne pèche plus. Cependant, cela n’est pas conforme à ce que la Bible nous enseigne. Pierre veut simplement nous expliquer qu’une personne qui souffre à cause de l’Évangile démontre de manière très claire qui est aux commandes de sa vie. Ce ne sont plus ses passions, ses convoitises, sa chair qui contrôlent sa trajectoire, mais Dieu !

Vivre selon la volonté de dieu (v. 2).

image

Le contraste est net dans le verset 2 : un disciple de Christ est appelé à vivre non plus selon les désirs humains, mais selon la volonté de Dieu.

Vivre selon la volonté de Dieu, Pierre a déjà abordé ce sujet et nous a donné des exemples de ce que cela implique au quotidien : « Comme des enfants obéissants, ne vous conformez pas aux désirs que vous aviez autrefois, dans votre ignorance, mais de même que celui qui vous a appelés est saint, vous aussi devenez saints dans toute votre conduite... » (1P 1.14-15, cf. 2.11-12).

Cela a des conséquences sur notre soumission aux institutions humaines, à notre patron, sur notre couple, nos relations mutuelles. Pierre ne décrit pas uniquement les désirs humains dans le verset 3. Il vise aussi le fait de vouloir tout maîtriser, de n’accepter de vivre que ce qui nous semble raisonnable, dans des environnements qui nous rassurent. Vivre selon la volonté de Dieu en faisant le bien revient à marcher à contre-courant dans une société qui fait tout pour effacer les valeurs que la Bible nous enseigne.

Sur le chemin qui le menait jusqu’à la croix, Jésus a aussi marché à contre-courant vers la mission que Dieu son Père lui avait confiée. Il a poursuivi sa route sans baisser les bras. Il a refusé le compromis. Alors que Satan lui promettait toutes sortes de choses, Jésus a repoussé l’offre. Alors qu’il était recherché pour être mis à mort par le Sanhédrin, il a persévéré. Alors que ses propres disciples se sont endormis la veille de sa mort dans le jardin de Gethsémané, il les a aimés. Alors qu’il était battu et moqué en portant sa croix jusqu’à Golgotha, il a supporté.

Sa volonté et son engagement total envers Dieu son Père l’ont poussé à s’exclamer : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » (Lc 22.42). Jusqu’à la mort, Jésus a décidé d’obéir à la volonté de son Père.

Dans l’histoire de l’Église, des millions de personnes ont résolu, parfois au péril de leur vie, de vivre selon la volonté de Dieu et de refuser de laisser les désirs humains dominer leur vie.

Le 15 juin 2015, Élisabeth Elliott s’est éteinte à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Son nom est entré dans l’histoire de l’Église suite du martyre de cinq jeunes missionnaires en Équateur en

  1. Parmi eux se trouvait son mari, Jim Elliot. Ils avaient à cœur d’atteindre une tribu amérindienne, les Aucas, connue comme cannibale. Après avoir établi un contact amical avec trois jeunes aucas, ils décidèrent de pénétrer dans leur territoire. Leurs corps massacrés furent retrouvés quelques jours plus tard. Élisabeth, désormais seule avec un bébé de dix mois, poursuivit son travail parmi une autre tribu amérindienne jusqu’à ce que deux femmes aucas viennent la trouver et s’installent chez elle pour lui apprendre leur langue. Elle vécut ensuite avec sa fillette au milieu de cette tribu qui avait tué son mari et put lui apporter l’Évangile.

Abandonner le dérèglement (v. 3)

Tu as décidé de suivre Jésus, alors dis « stop » au péché et choisis de ne plus cohabiter avec lui dans ta vie !

Des divers péchés à rejeter, Pierre dresse une liste assez exhaustive. Le dérèglement évoque des vies où l’exacerbation des sens et le plaisir sont recherchés avec avidité, ce qui mène souvent à la débauche ou à l’immoralité. La convoitise désigne toutes les passions qui nous poussent à l’inconduite et finissent par nous affranchir des lois pour y céder. L’ivrognerie renvoie bien sûr aux abus d’alcool mais pas seulement : les drogues et stupéfiants en tous genres rentrent aussi dans cette catégorie. Les orgies rappellent ces soirées de débauche où s’exerce une séduction dévoyée pour des relations sans lendemain. Les beuveries, des rencontres dont le seul but est de s’enivrer. L’idolâtrie criminelle, finalement, pointe vers les dangers des faux-dieux. Ceux-ci peuvent être nous-même, « parce nous le valons bien », le sport, le travail, la paresse, la télévision et ce que l’on y regarde, internet et ce que l’on y consulte, les réseaux sociaux, le téléphone et le temps que l’on y passe... Toutes ces choses, si elles ne sont pas bien maîtrisées, finissent par tuer les relations, la communication dans les familles, les couples !

image

Nous luttons peut-être plus dans l’un ou l’autre de ces domaines mais cette liste nous concerne tous, encore aujourd’hui. Nous sommes parfois comme endormis et ne discernons plus notre triste réalité. Pire, il nous arrive de nous y complaire.

Une histoire du philosophe Søren Kierkegaard peut illustrer cela : « Un automne, un canard volait avec ses amis pour aller du nord vers le sud de l’Europe. Pendant le vol, il s’arrêta dans une ferme où vivaient des canards apprivoisés. Il prit goût à leur nourriture. Il resta une heure, puis une journée. Une semaine passa, puis un mois... Au printemps suivant, lorsqu’il entendit ses amis passer au-dessus de lui, il fut pris d’un sentiment étrange, un mélange de joie et de tristesse, et il voulut les rejoindre pour repartir avec eux. Il commença à battre des ailes pour les rejoindre dans le ciel. Mais il se rendit compte qu’il était devenu si gros qu’il n’arrivait plus à voler. Alors il retourna à la ferme et se dit : «Ma vie est en sécurité ici.» Chaque printemps et chaque automne, lorsqu’il voyait ses amis passer au-dessus de lui, l’envie de s’envoler le reprenait mais, au fur et à mesure, il finit par ne plus y prêter attention, jusqu’à ne plus les entendre. »

Cette parabole me parle. J’ai grandi dans une famille chrétienne, plutôt protégé. Jeune, j’avais décidé de suivre Jésus. J’ai été baptisé à l’âge de treize ans. Lorsque j’ai quitté le cursus des études à l’âge de vingt-trois ans, et que j’ai commencé à travailler, j’ai été confronté à une réalité que je ne connaissais qu’en théorie. J’ai découvert les soirées, les beuveries, le monde du business dans lequel le mensonge et la corruption sont parfois très subtilement déguisés. J’y ai pris goût pendant plusieurs années, j’y ai parfois sombré et j’y ai laissé des plumes...

Ça n’est pas que le monde des affaires soit plus mauvais qu’un autre. J’aurais pu vivre la même chose en étant enseignant, infirmier ou électricien. Il serait trop facile d’accuser les pressions extérieures ou le climat parfois malsain dans lequel j’évoluais.

Le fond de mon problème, c’était tout simplement moi. J’avais davantage mis ma confiance et mon espérance en mon héritage familial chrétien et en moi-même plutôt qu’en Christ. Je cultivais l’orgueil de me considérer comme arrivé, l’orgueil de me croire plus fort que les autres. C’était comme si être « le fils de » allait me préserver, comme si fréquenter l’Église depuis ma jeunesse me conférait des droits ou des capacités particulières.

La réalité, c’est que je ne m’étais pas clairement positionné pour Christ. Je suis tellement reconnaissant à Dieu qui a permis l’électrochoc nécessaire pour que je reprenne mon vol avec lui !

Vous qui avez un jour décidé de suivre Jésus, ne pensez pas, comme ce canard, que vous êtes arrivés ! Ne vous contentez pas de ce que le monde vous offre mais cultivez plutôt dans votre vie les richesses de l’héritage reçu en Jésus.

Se confier dans la justice de Dieu (v. 4-6).

Comme nos prédécesseurs dans la foi, en prenant clairement position pour Jésus, nous serons certainement regardés d’un mauvais œil. Nos amis et notre famille seront surpris, nous serons peut-être mal compris. Certains se sentiront même jugés ou menacés par nos choix. Avec le temps, des interrogations se transforment en calomnie. Vous devenez la cible d’attaques.

Une personne me racontait comment, dans son travail, chaque vendredi midi, les équipes se retrouvaient pour l’apéritif : boire, manger et surtout boire. Les uns et les autres étaient souvent assez éméchés. Cette personne avait plaisir à boire un verre avec eux mais retournait travailler à l’heure à son poste alors que les autres continuaient à boire. Par peur qu’elle ne parle de cela à la direction, ses collègues se liguèrent et devinrent très critiques à son égard…

Pourtant, Pierre nous rassure dans les v. 4-5 et finit avec un bel encouragement pour ses premiers lecteurs et pour nous encore aujourd’hui... Finalement ni vous ni moi n’avons à juger le monde. Il nous faut simplement persévérer en nous confiant dans la justice de Dieu. « S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez pas vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère, car il est écrit : À moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. » (Rm 12.19).

image

Tu souffres à cause de ta foi dans ton travail, ta famille, avec ton voisinage, tes amis ? Rappelle-toi que la justice de Dieu aura le dernier mot et cela, pour l’éternité !

« C’est pour cela, en effet, que les morts aussi ont été évangélisés, afin qu’après avoir été jugés selon les hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à l’esprit. » (v. 6). Le sens de ce verset est très discuté mais, en quelques mots et en harmonie avec le reste de l’enseignement biblique, je pense qu’il nous faut le comprendre ainsi : « C’est pour cela aussi que ceux qui sont maintenant morts ont été évangélisés lorsqu’ils étaient vivants, afin qu’ils croient et vivent selon Dieu quant à l’esprit. »

Un jour, nous paraîtrons tous devant Dieu et nous serons tous jugés, les morts et les vivants ! Plus d’excuses possibles, pour personne, en dehors de Jésus-Christ ! Tant que ce jour n’est pas arrivé, il n’est pas trop tard pour revenir vers Dieu si tu as baissé les bras. Il n’est pas trop tard pour reprendre ton envol si tu as atterri en pensant trouver mieux ailleurs qu’en Jésus.

Prêts à souffrir pour lui ?

Vivre notre vocation en tant que chrétiens, en tant qu’Église, passe forcément par le choix de mener des vies transformées et consacrées. Persévérons avec l’aide du Saint-Esprit dans notre marche avec Christ : en nous armant de la pensée de Christ, en vivant selon la volonté de Dieu, en refusant le dérèglement dans nos vies.

Quelles que soient les difficultés et l’opposition rencontrées sur cette route, nous pouvons cultiver avec confiance les richesses et les promesses de l’héritage que nous avons en Jésus, et pour l’éternité ! ■

Article paru dans :

août 2019

Rubrique :
À Bible ouverte
Mots-clés :
Point de vue

Liberté, écologie, facilité !

Thierry Huser
Article précédent
Églises

Une Église à Épinal

Raphaël Delforge
Article suivant
Article paru dans :