PAR : Benjamin Kaeuffer
Collaborateur au Berger d'Israël, Colmar

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Qu'en penser
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Eh oui, Pâque existe aussi sans « s » ! Mais alors, de quoi parlons-nous ?

Nous pourrions presque l'oublier, mais « Pâque » est d'abord une fête juive, plus encore, c'est la première fête instaurée dans le judaïsme (voir Exode 12). Pour comprendre cette histoire, il faut remonter au temps où les Juifs sont encore captifs de l’Égypte, avant qu'Israël ne soit un peuple à part entière. Alors qu'ils sont soumis à un dur esclavage, Dieu se souvient de la promesse qu'il avait faite à Abraham, Isaac et Jacob. Il décide alors de libérer les israélites pour en faire son peuple. Rappelons qu'en entrant en Égypte, la famille de Jacob comptait soixante-dix personnes (Genèse 46.27) et qu’en sortant, le peuple hébreu comprend six-cent mille hommes (Exode 12.37).

repas traditionnel

Dieu se choisit un homme, Moïse, au moyen duquel il va manifester sa puissance face au pharaon. Nous connaissons tous cet épisode, puisqu'il s'agit des dix plaies d’Égypte. En ce qui concerne « Pâque », c'est uniquement la dernière qui nous intéresse. C’est sans aucun doute la plus redoutable de toutes : Dieu fait mourir tous les premiers nés du pays d’Égypte, « du fils aîné du pharaon […] jusqu'au fils aîné du détenu dans sa prison et jusqu'à tous les premiers nés des animaux » (Exode 12.29, Segond 21). Tous, ou presque... Dieu a donné à son peuple le moyen d'éviter ce fléau : le sang d'un agneau pur, permettra à tous ceux qui l’appliqueront sur les linteaux de leurs portes d'être protégés de cette destruction, de ce jugement de Dieu. D'ailleurs, c'est ici que le mot « Pessa'h », prend son sens : « passer au-dessus », comme le jugement de Dieu, passé au-dessus des maisons des hébreux. Devant la violence de ce malheur, les Égyptiens finissent par capituler et accepter (et souhaiter) le départ des Hébreux. Pendant cette nuit de « Pâque », les juifs furent délivrés de l'esclavage, ils avancèrent alors vers leur vie nouvelle en tant que peuple de Dieu, en route vers la Terre Promise.

C'est cet événement que tous les juifs du monde commémorent chaque année : cette nuit de « Pâque », symbole du commencement de la marche avec Dieu, symbole de la délivrance que Dieu leur a offerte, symbole aussi de la puissance de Dieu lui-même, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le seul vrai Dieu.

Si nous ne connaissons pas avec précision la date de cette « Pâque », nous pouvons tout de même affirmer que cela fait aujourd'hui plus de trois mille ans que cela a eu lieu. Dans cet intervalle, les traditions se sont bien étoffées. Dans la Bible, on trouve une double injonction : manger un agneau, rapidement, et manger durant sept jours du pain sans levain. Cependant, très vite, pour les juifs, d'autres ordonnances se sont mises en place. Ainsi, le Seder de Pessa'h, c'est-à-dire le « rituel de Pâque », est aujourd'hui très codifié. Parmi les différentes prescriptions, nous trouvons : des prières, des psaumes, des lectures, des aliments spécifiques (pains azymes, eau salée, herbes amères, etc.), du vin (quatre ou cinq coupes), et même une gestuelle précise (être assis à la romaine ou accoudé sur le côté gauche). Si on ne connaît pas avec exactitude le déroulement du Seder il y a deux mille ans, on sait néanmoins avec certitude que Jésus lui-même l'a fêté ! Nous voyons ainsi, en Luc 22.8, Jésus envoyer Pierre et Jean préparer la Pâque.

La Pâque juive prend ici tout son sens et bientôt son « s » ! En effet, Jésus a célébré la Pâque avec ses disciples, mais, pendant le repas, en prenant le pain sans levain, il le rompt et déclare : « Ceci est mon corps. » Il prend ensuite la coupe et la soulève en disant : « Ceci est mon sang. » Jésus modifie ici la façon de célébrer la Pâque juive traditionnelle. On imagine aisément la surprise de ses disciples, lors de ce moment énigmatique. En effet, ils ne peuvent pas encore comprendre ce qui se passe puisque Jésus est encore parmi eux. À ce moment précis, Jésus est en train d'instaurer une nouvelle Pâque. Ou, plus précisément, il s'identifie à l'agneau pascal, celui dont le sang était appliqué sur les linteaux de portes pour sauver ses habitants. C'est aussi ce qu’a compris Paul, qui dira : « Christ est notre Pâque. » (1Co 5.7).

Ce Seder de Pâque est le dernier repas de Jésus. La nuit même, il est arrêté et condamné à mort le jour de Pâque (chez les juifs, le jour commence en début de soirée). Jésus meurt à l'heure même où devait être sacrifié l'Agneau dans le Temple. Or, Jésus l'affirme lui-même, il offre sa vie. Par son sang, nous sommes libérés du jugement de Dieu, Christ nous libère de la mort et du péché. Couverts par son sang, nous entrons dans une vie nouvelle, celle d'enfant de Dieu, membre de son peuple. Après la traversée des eaux (le baptême), nous devons traverser le désert, en attendant l'arrivée en Terre promise. Tout cela fait évidemment écho à la vie présente, dans laquelle nous souffrons, en attendant avec espérance la vie à venir, auprès de Christ.

Nous retrouvons ici tous les éléments de la Pâque juive. Jésus est l'accomplissement de la loi et nous pouvons voir ici que tout dans la Pâque pointe vers lui. Si Pâque était la libération du peuple de Dieu dans la vie présente, elle l'est en Jésus aussi pour la vie éternelle. En lui, c'est toute la dimension spirituelle de cette fête qui est révélée. La Pâque, qui est la fête d'institution pour le peuple juif, est, en Jésus, la fête d'institution pour les chrétiens. Pour ces derniers, si Pâques prend un « s », c'est justement parce que nous fêtons, non pas deux Pâques différentes, mais une seule et unique Pâque, qui rappelle deux événements bien distincts.

Enfin, comment parler de Pâques sans rappeler l'espoir qui réside en cette fête. En effet, à Pâques Christ est mort pour nous, mais, bien plus, il est ressuscité. Par sa mort, Christ nous délivre de la mort et du péché, par sa mort, il nous donne la vie. Pâques marque l'entrée dans la vie nouvelle, mais nous rappelle aussi que c'est une alliance éternelle que Christ nous offre. Alors, en attendant son retour, souvenons-nous avec joie de ce que Christ a fait pour nous. Joyeuses fêtes de Pâques !


Le Berger d’Israël, journal juif messianique, lebergerdisrael.org

Article paru dans :

mars 2023

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Qu'en penser
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