Il faut le croire pour le voir
Pâques est le plus grand jour de l’histoire du monde. Pas seulement de l’Église ! Pour tous les peuples de toutes les langues, c’est le jour qui a tout changé. Un jour de joie, de victoire et de salut pour tous.
Dans l’après-midi du vendredi, le Christ sur la croix avait rendu son dernier souffle. Il avait prononcé ses dernières volontés, sa voix s’était éteinte sur une prière. Sur un abandon total, une soumission de toutes les fibres de son corps à la volonté de Dieu son Père pour le salut du monde. Il a été rejeté, méprisé, abandonné…
Puis le silence. Silence de la tombe. Silence de la mort. Celui qui est Parole ne parle plus. Les pleurs. Les cris de douleur. Les insomnies. Les disciples passent deux jours dans le noir le plus total.
Mais au matin du troisième jour… je vous invite à relire Jean 20.11-18
Il faut le voir pour le croire
« J’ai vu le Seigneur. J’ai vu le Seigneur ! J’ai vu le Seigneur !
« Je ne l’avais pas vu, mais maintenant je l’ai vu. Je me suis approchée de la tombe, j’ai regardé à l’intérieur. Deux hommes étaient assis, habillés de blanc. Ils m’ont demandé pourquoi je pleurais. Quelle question ! Devant une tombe, quelle question ! Bien sûr que je pleurais ! Il n’était plus là ! Et tout-à-coup il était là, juste derrière moi. Je ne l’ai pas reconnu tout de suite figurez-vous… que d’émotions ! Ce sont sans doute mes larmes qui m’empêchaient de voir clairement. Le chagrin voilait mon regard. Quand il a dit mon nom, je l’ai vu. J’ai vu le Seigneur ! C’est lui, c’est bien lui ! »
Marie n’a pas reconnu Jésus tout de suite. Elle ne le voyait plus. Elle ne pouvait plus le voir. Pourtant, Jésus les avait prévenus : « Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus, puis encore un peu de temps et vous me reverrez. » (Jn 16.16). Ils n’avaient pas compris. Le chagrin, les larmes et les doutes les empêchaient de voir l’inimaginable.
Jésus n’est pas reconnu d’emblée. Il n’y a pas que Marie qui ne voit pas immédiatement qui est devant elle. Nous avons encore l’exemple des disciples sur le chemin d’Emmaüs qui ne reconnaissent le maître que lorsque Jésus rompt le pain (Lc 24.13-34), ou Pierre et les autres disciples au bord du lac de Tibériade qui ne reconnaissent leur Seigneur qui les attend que lorsqu’ils voient leurs filets remplis de poissons (Jn 21.1-14).
Il faut dire aussi que le corps de résurrection de Christ, et c’est Paul en 1 Corinthiens 15 qui l’explicite le mieux, est transformé. Il est maintenant incorruptible, glorieux, plein de force et spirituel. Christ est entré dans une nouvelle forme de vie. Le corps de Jésus-homme, semé corruptible comme notre corps, ressuscite incorruptible au troisième jour. Semé méprisable, il ressuscite glorieux. Semé faible, il ressuscite plein de force. Semé corps naturel, il ressuscite corps spirituel. Ce corps ressuscité est parfait et conforme à la nouveauté de vie qu’inaugure Christ, premier-né d’entre les morts.
Quelle qu’ait été cependant la cause de l’aveuglement de la fidèle disciple du Seigneur, ce simple « Marie », prononcé comme Jésus l’a toujours fait, suffit à lui ouvrir les yeux. Elle connaît la voix de celui qui la connaît si bien, son maître. Comme les brebis qui connaissent la voix du bon berger et qui la reconnaissent entre toutes (Jn 10.27). C’est une voix familière, connue, et qui nous connaît. Peu importe l’apparence ou les larmes qui transforment la réalité, la voix qui prononce son nom ne trompe pas : c’est bien lui.
Marie de Magdala fait partie des premières à l’avoir vu et reconnu comme vivant. Plus tard ce jour-là, d’autres disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Il leur fallait voir pour croire. Les paroles de Marie ne suffirent pas, ils eurent besoin de voir de leurs propres yeux afin de comprendre que les prophéties s’étaient accomplies. Tout comme Thomas, huit jours plus tard : « Parce que tu m’as vu, tu as cru, lui dit Jésus. » (Jn 20.29) Les premiers apôtres sont les témoins oculaires de la résurrection de Jésus-Christ. Ils sont ceux qui ont vu et ont cru, ceux dont les yeux se sont ouverts.
Tous ceux qui voient ne croient pas
Aujourd’hui, il peut parfois nous sembler étrange que le monde n’ait pas vu qui était Jésus lorsqu’il était ici-bas. Si nous avions été en présence de Jésus de Nazareth, n’aurions-nous pas été immédiatement convaincus, plus clairvoyants et intelligents ? Comment se fait-il qu’ils aient été aveugles à ce point ? Le premier chapitre de Jean dresse ce triste constat : « La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas accueillie… le monde ne l’a pas reconnue… les siens ne l’ont pas accueillie… » Tous ceux qui ont vu n’ont pas cru.
Les œuvres, les paroles, les miracles de Christ n’ont convaincu qu’une poignée de disciples. En Jean 15.24, Jésus déclare : « Ils ont vu mes œuvres et ils me haïssent. » Plus haut, au chapitre 12, il est écrit : « Malgré tous les signes miraculeux qu’il avait fait devant eux, ils ne croyaient pas en lui. Ainsi s’accomplit la parole annoncée par le prophète Ésaïe : Seigneur, qui a cru à notre prédication ? Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ? Ésaïe a dit encore pourquoi ils ne pouvaient pas croire : Il a aveuglé leurs yeux et il a endurci leur cœur pour qu’ils ne voient pas de leurs yeux, qu’ils ne comprennent pas dans leur cœur, qu’ils ne se convertissent pas et que je ne les guérisse pas. »
Tout était là, sous leurs yeux, comme sur un plateau, en pleine lumière. « Personne n’a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique, qui est Dieu et qui vit dans l’intimité du Père, lui seul l’a fait connaître. » (Jn 1.18).
Tous ceux qui ont vu Jésus ont eu l’occasion de croire. Et pourtant, tous n’ont pas cru. Leurs yeux sont restés aveugles, leur cœur endurci. Ils n’ont pas vu car ils ne voulaient pas voir. Ils voulaient autre chose. Ce n’était pas ce qu’ils attendaient, alors ce n’était pas ça. Ils ne voulaient pas d’un Messie qui venait de Galilée. Ils ne voulaient pas d’un Messie né dans la pauvreté et qui travaillait de ses mains. Ils ne voulaient pas d’un homme paisible et doux… ce n’était pas lui. Tout simplement. Pourtant, tout était là, devant eux. « La Parole est devenue un homme et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire, la gloire qu’un Fils unique, plein du don de la vérité, reçoit du Père. » (Jn 1.14).
Marie de Magdala, comme les autres disciples, a dû dépasser ses conceptions de la vie et de la mort humaines pour accepter l’incroyable : la résurrection de Christ. Elle a dû sortir de son chagrin, des émotions qui l’emprisonnaient, pour entendre la voix du maître. Elle a cru et elle a vu. C’est parce que, pour voir, il faut croire.
Il faut le croire pour le voir
Qu’est-ce que la vue ? La vision nécessite que la lumière frappe la rétine. L’œil capte la lumière sur la rétine et le cerveau traduit l’information. Ce que l’on voit dépend de la lumière et de ce que le cerveau comprend. Lorsque quelqu’un est atteint de cécité totale, cela signifie que la connexion entre les yeux et le cerveau est complètement coupée.
Que la lumière soit devant nous ne suffit pas pour éclairer les ténèbres. Ce n’est pas parce qu’un aveugle ne voit pas la lumière qu’elle n’est pas là et ce n’est pas parce que la lumière est devant lui qu’il la voit. Il peut en sentir un peu la chaleur mais il ne la voit pas. Pour voir, le cerveau doit effectuer son travail d’interprétation, de traduction, de gestion des données. Il faut que la connexion se fasse.
De la même façon, voir Jésus ne suffit pas pour croire en lui. Jean-Baptiste ? Élie ? Jérémie ? Les foules, et même les disciples, n’étaient pas d’accord entre eux sur qui était ce Jésus qui se tenait devant eux (Mt 16.13-20).
« Qui dites-vous que je suis ? » Quelle est notre réponse à cette question ? Qui disons-nous que Jésus est ? Celui que nous voyons dans la Bible ? Celui que nous voyons dans la vie de nos frères et sœurs ? Qui voyons-nous ?
Quelle est notre réaction lorsque nous entendons Marie de Magdala s’écrier : « J’ai vu le Seigneur ! » ?
Nous étions tous aveugles. Christ est venu pour que ceux qui ne voyaient pas voient et pour que ceux qui prétendaient voir deviennent aveugles. Seuls, nous ne sommes capables ni de voir ni de croire ce qui s’est passé en ce dimanche de Pâques il y a deux mille ans. Livrés à nous-même et à ce qui nous tient enfermés dans des conceptions de la vie et de la mort étriquées et déformées, nous ne voyons pas. Nous ne voyons pas ce qui est devant nos yeux : « les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, [qui] se voient depuis la création du monde, [et] se comprennent par ce qu’il a fait » (Romains 1.20).
Ouvrir les yeux ne suffit pas. Même si on les ouvre de toute notre force, si on les écarquille au maximum, même si on porte les meilleures lunettes, il faut regarder. Il faut capter la lumière qui est venue dans le monde et laisser l’Esprit transformer la manière dont le cerveau gère et comprend cette information. L’Esprit de Dieu transforme notre vision. Nous avons cette promesse en Matthieu 5.8 : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ! » Comme le dit l’un de nos cantiques : « Ouvre les yeux de mon cœur, je désire te voir. »
Alors cette prophétie d’Esaïe 42.16 prend vie : « Je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu'ils ne connaissent pas, je les conduirai par des sentiers qu'ils ignoraient ; je changerai les ténèbres en lumière devant eux et je redresserai les passages tortueux. Voilà ce que je ferai, et je ne les abandonnerai pas. »
Devant le Messie cloué sur la croix et devant le tombeau vide, arrêtons-nous et posons-nous la question : que voyons-nous ? Avons-nous besoin que Dieu ouvre les yeux de notre cœur, nous ouvre tout entier à cette vie dont tout notre être a besoin ?
Si nous ne regardons pas comme le monde regarde, si nous regardons avec le cœur, nous voyons qui nous sommes : des êtres séparés de Dieu par la barrière infranchissable du péché. C’est nous qui aurions dû être sur cette croix. C’est nous qui aurions dû être dans cette tombe mais nous n’en serions pas sortis.
Si nous regardons avec le cœur à la croix dressée et au tombeau vide, nous voyons en Christ ce qu’il est : celui qui a achevé l’œuvre que Dieu lui avait confiée, œuvre de rachat et de réconciliation. Il a détruit la barrière infranchissable qui nous séparait de Dieu. Et ainsi, la gloire du Fils est rendue manifeste par Dieu à la résurrection. Cette gloire, qui, ô grâce incomparable, se reflète maintenant en nous.
Pour voir, il faut faire le pas de croire. Heureux ceux qui n’ont pas eu besoin de voir avant de croire.
À Pâques, nous célébrons le plus grand jour de l’histoire du monde, ce jour où les disciples ont vu le Christ ressuscité. Ils l’ont vu. Aujourd’hui encore, c’est un jour de victoire et de joie. Laissons-nous surprendre à nouveau par la puissance de la résurrection, la gloire du Fils et la gloire du Père. Ainsi, nous verrons. Nos yeux s’ouvriront à la « lumière du monde, venue briller dans l’obscurité ».
Nous vivrons ainsi les yeux grands ouverts, en attendant le jour où nous serons parmi ceux dont l’Écriture nous dit : « Ils verront son visage et son nom sera sur leur front. Il n'y aura plus de nuit et ils n'auront besoin ni de la lumière d'une lampe ni de celle du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera. Et ils régneront aux siècles des siècles. » (Apocalypse 22.4).