PAR : Albert Solanas
Pasteur à la retraite, Église évangélique baptiste, Nîmes.

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Ma foi au jour le jour
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Confronté aux tâches de la vie et à ses dangers, l’homme a besoin d’appuis sur lesquels il puisse compter, des refuges où s’abriter. Dans l’époque particulière que nous vivons, avec les suites de la pandémie du coronavirus et dans le contexte plus général de défiance qui caractérise nos sociétés, pour ne pas être paralysé par l’angoisse ou porté à récriminer contre tout, mais pour persévérer malgré les épreuves et garder l’espérance, il faut avoir confiance. C’est sur elle que nous nous proposons de réfléchir.

Confiance et foi en Dieu

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Dès l’origine, en interdisant à l’homme le fruit de l’arbre de la connaissance, Dieu l’invite à se confier en lui seul pour discerner le Bien du Mal (Gn 2.17). Croire en la parole divine, c’est choisir entre deux sagesses, faire confiance à celle de Dieu et renoncer à se fier à son propre sens (Pr 3.5).

Mais l’homme et la femme, qui ont préféré se fier à une créature, apprennent par expérience que c’est là se fier au mensonge (Gn 3.4).

Privé de tout appui, créé au milieu du désert (Ex 16.3), le peuple d’Israël regrette sa servitude, méprise la manne et murmure. Au long de son histoire, il ne veut pas se confier en son Dieu (Es 30.15). Le peuple lui préfère les idoles dont les prophètes dénoncent l’imposture et le néant (Jr 13.25).

Finalement, le prophète Jérémie affirme : « Malheureux l’homme qui se confie en l’homme, qui prend la chair pour son appui, et qui détourne son cœur de l’Éternel… Heureux celui qui se confie en l’Éternel, et dont l’Éternel est l’espérance (Jr 17.5-7, voir aussi Lc 18.9-14).

De cette maxime, Jésus achève de révéler l’exigence : il rappelle la nécessité du choix initial qui rejette tout autre maître que celui dont la puissance, la sagesse et l’amour paternel méritent une confiance absolue (Mt 6. 24-34) ; loin de se confier en sa propre justice (Lc 18. 9-14), il faut chercher celle du Royaume (Mt 5.20;6.33) qui vient de Dieu seul et n’est accessible qu’à la foi (Ph 3.4-9).

Il reste cependant la grande question, sur le plan des relations humaines : peut-on faire confiance à l’homme ?

La notion chrétienne de l’homme pécheur, corrompu, les textes cités semblent entraîner vers la méfiance systématique à l’égard de l’humain, accentuée aujourd’hui par la tendance bien audible à se méfier de tout et de tous, spécialement de tout pouvoir et de toute autorité, notamment de leur parole (« On nous cache des choses », « On nous manipule », « C’est de l’enfumage »…). Nous vivons à l’heure du soupçon généralisé ou, du moins, largement répandu…

Mais si nous nous méfions des autres, il est logique que les autres se méfient de nous. Que penser de cela ?

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Au niveau du comportement humain et surtout de la relation avec nos frères et sœurs en humanité, est-il possible d’appliquer la parole de Jr 17.5-7 ? « Ainsi parle le Seigneur : Maudit soit l’homme qui met sa confiance en l’être humain, qui prend la chair pour son appui, et dont le cœur se détourne du Seigneur. »

Peut-on imaginer une société sans aucune confiance humaine ? Une société de méfiance généralisée ? Est-ce socialement vivable ?

Disons ici qu’une société sans aucune confiance en l’être humain ne nous paraît pas viable.

Quels arguments bibliques peut-on avancer pour affirmer qu’on peut faire confiance à l’être humain ? Quelle confiance et dans quelles conditions ?

Confiance en l’être humain

1 – L’homme pécheur est capable de faire le bien comme le mal (Gn 4.7. « L’Éternel dit à Caïn : Pourquoi te mets-tu en colère et pourquoi ton visage est-il sombre ? Si tu agis bien, tu le relèveras. Mais si tu n’agis pas bien, le péché est tapi à ta porte : son désir se porte vers toi, mais toi, maîtrise-le ! »). On peut choisir de faire le bien ou de faire le mal.

Il y a des bons et des méchants, des hommes dignes de foi et des trompeurs, etc. Ce sont des dominantes. Chacun, à un moment ou à un autre, peut basculer d’un côté ou de l’autre.

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On peut donc faire confiance à la capacité humaine de faire le bien.

2 – Comment comprendre alors le « Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme » ?

L’universalité du péché rend l’homme incapable de se sauver en ne faisant que le bien.

Respecter les neuf dixièmes de la loi et ne pécher que sur un seul commandement fait que c’est sur celui-là que l’on est jugé et condamné (Jc 2.8-10). Considérons ce que dit Jésus au jeune homme riche : « Il te manque une chose… »

De là le fait que nul ne peut être justifié par les œuvres de la loi.

C’est dans ce sens que l’homme qui se confie en l’homme est maudit. C’est lorsque cette confiance en soi s’oppose à la foi en Dieu. Voir la citation complète de Jr 17.5-7, « […] qui prend la chair pour son appui et dont le cœur se détourne de l’Éternel ».

Il s’agit du niveau le plus élevé de la confiance, la confiance totale pour le salut et la vie.

3 – Mais à un autre niveau, nous avons l’exemple de l’apôtre Paul, dans le récit de sa comparution devant le gouverneur Félix (Ac 24.1-13). L’apôtre Paul, accusé par les juifs et traduit devant les autorités romaines à Césarée, dit sa confiance dans le gouverneur Félix (qui n’était pas un ange). Noter la différence entre les propos de pure flatterie des accusateurs de Paul (Tertulle en Ac 24.3) et l’appel à l’honnêteté de Félix, que constitue la confiance que Paul lui accorde (v. 10).

La bonne attitude est une attitude de confiance lucide, vigilante mais humble et objective, qui accepte le risque d’être trompée. Mais il est important de considérer que le fait de faire confiance à l’autre, au prochain, l’encourage à faire le bien.

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4 – Dans les rapports humains, il faut aussi tenir compte des préjugés, des stéréotypes qui, plus ou moins, marquent la réputation des gens. Exemple : Philippe rencontre Nathanaël et lui dit : « Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph. » Nathanaël lui dit : « Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? Philippe lui répondit : Viens et vois. »

Il y a de grandes différences entre défiance, méfiance, soupçon et lucidité sur la capacité d’erreur ou de mauvaise intention de chaque être humain, à commencer par nous-mêmes.

Il y a aussi plusieurs niveaux de confiance, plusieurs objets auxquels elle peut s’appliquer.

D’où la nécessité du discernement et de la vigilance.

D’où la recommandation de l’apôtre Paul à la fin de sa lettre aux Romains : « Soyez avisés avec le bien et sans compromission avec le mal. » (Rm 16.17-20). Le discernement est essentiel. Nous sommes appelés à une confiance vigilante.

Dernier point : l’humble mais ferme confiance en Dieu est notre force pour faire confiance à l’homme.

La confiance en Dieu qui s’enracine dans cette foi est d’autant plus inébranlable qu’elle est plus humble. Il ne s’agit pas, en effet, pour avoir confiance, de méconnaître l’action dans le monde des puissances mauvaises qui prétendent le dominer (1Jn 5.19 : « Le monde entier est sous la puissance du Mauvais. »), et, encore moins, d’oublier qu’on est pécheur. Il s’agit de reconnaître la toute-puissance et la miséricorde du Créateur qui veut sauver tous les humains et en faire ses fils adoptifs en Jésus-Christ (Ep 1.3ss). C’est donc « du fond de l’abîme » (Ps 130.1) que jaillissent les appels confiants des psaumes : « Moi, je suis pauvre et malheureux, mais le Seigneur pense à moi. » (Ps 40.18). « En ton amour je me confie » (13.6) ; « Qui se confie en l’Éternel, est entouré de sa grâce » ; (32.10) « Heureux qui s’abrite en lui ». Voir le Psaume 131.

Toutefois, les enfants de Dieu doivent s’attendre à voir les impies les tourner en dérision et les persécuter en raison même de leur confiance filiale. Jésus lui-même l’a expérimenté au moment où, consommant son sacrifice, il expirait dans un cri de confiance (Lc 23.46) : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. »

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Par cet acte d’amour confiant, Jésus remportait la victoire sur toutes les puissances du mal et attirait tous les hommes à lui (Jn 12.31ss;16.33).

Il ne suscitait pas seulement leur confiance, il fondait leur assurance. Le disciple confiant a l’assurance que la grâce divine achèvera son œuvre (Ph 1.6).

Cette confiance inébranlable, condition de la fidélité (Hé 3.14), donne aux témoins du Christ une assurance joyeuse (3.6) ; ils savent qu’ils ont accès au trône de la grâce (4.16) dont la voie leur est ouverte par le sang de Jésus (10.19) ; leur hardiesse n’a rien à craindre (13.6) ; ils savent en qui ils se sont confiés (2Tm 1.12) ; rien ne les séparera de l’amour de Dieu (Rm 8.38ss). Ils savent enfin que leur tristesse présente se changera en joie, une joie que nul ne pourra leur ôter (Jn 16.20ss;17.13).

Telle est notre confiance. Telle est notre assurance. Que le Seigneur les fortifie en nous.


(Extraits d’une prédication de mai 2020.)

Article paru dans :

octobre 2020

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Mots-clés :
Société

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