PAR : Thierry Huser
Président du conseil de l’Association baptiste, membre du comité de rédaction, pasteur, Église du Tabernacle, Paris (XVIIIe )

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« Faites ceci en mémoire de moi », demande Jésus à ses disciples au cours de leur dernier repas avant sa mort. Les gestes qu’il leur propose sont simples : partager du pain, boire à une coupe de vin. Une orientation claire est donnée : ces gestes rappellent la mort de Jésus et ce qu’elle signifie. Paul souligne l’importance de « discerner le corps du Seigneur » (1Co 11.29). Bien des chrétiens prennent donc la cène dans une pensée unique : se concentrer sur les souffrances de Jésus à la croix, s’humilier de ses péchés. La cène est aussi un moment de vis-à-vis personnel au cœur du culte : on ne veut voir que Jésus seul, toute autre pensée est un parasitage.

Pain

La cène, pourtant, s’ouvre à une large diversité d’approches, autour de son noyau central. Elle a été instituée dans un cadre qui évoquait la Pâque et qui en rappelait les multiples implications. Le « pain » et le « vin » sont des symboles riches de sens. La communion de table englobe celui qui nous accueille et ceux qui sont accueillis avec nous, la communion présente et celle qui nous attend dans le Royaume. Bien des manières de prendre la cène nous sont ainsi ouvertes.

La cène rappelle la mort de Jésus pour nous. Mais Jésus a tenu, par la cène, à ce que nous nous rappelions cette mort comme le signe de l’accueil de Dieu et de sa grâce. Il n’a pas choisi pour signe un crucifix, mais des éléments donnés à chacun personnellement, précédés d’une invitation (« Prenez, buvez » !), accompagnés d’une parole de grâce (« pour vous »), invitant à s’approprier cette grâce, comme ce qui nourrit (pain) et qui nous assure du pardon et de la faveur de Dieu (vin). L’accueil, la grâce, le prix payé pour cette grâce, le recours permanent offert en la grâce : voilà la tonalité voulue par le Seigneur, par les gestes et les signes qu’il a choisis. Il ne faut jamais les quitter de vue, toujours y revenir.

Mais à partir de là, que de méditations possibles ! On peut, en relation avec le pain, penser à ce qui nourrit et à ce qui ne nourrit pas ; méditer sur la manne dans le désert, image de la grâce donnée et renouvelée en Jésus, et présente tout au long de notre parcours personnel ; dire au Seigneur que nous avons faim et soif de lui, besoin d’être fortifiés et vivifiés. On peut, en accueillant les éléments, se laisser chavirer par le « don de Dieu » signifié en ces gestes : don immense en des gestes dépouillés, tout comme lui le Seigneur de l’univers s’est abaissé, a aimé jusqu’à l’extrême, nous a rejoints là où nous étions. On peut, en recevant la coupe, demander pardon, mais aussi se fortifier dans le pardon, y puiser une assurance nouvelle, remercier Dieu pour son alliance, plus stable que nos fluctuations. Nous pouvons méditer sur notre accueil à la « table du Seigneur », penser aux repas partagés par Jésus sur la terre, aux images des repas dans les paraboles, à la promesse du salut accompli comme un grand repas de fête (Mc 14.25, cf. Es 25.6ss). La méditation sur la Pâque peut orienter nos cœurs vers la pensée du Dieu qui libère, qui en paie le prix, nous invite à la vraie liberté, et fera de nous un peuple libre pour l’éternité. Plusieurs images de Jésus-Christ peuvent nous servir de fi l conducteur : le Berger qui cherche son unique brebis perdue et paye le prix pour qu’elle soit en sa maison, le Défenseur qui donne sa vie et nous protégera toujours, le Serviteur qui se dépouille (Jn 13.1ss), le Frère aîné qui nous accueille en la maison du Père. Nous pouvons prendre la cène en méditant sur ce que signifie être les disciples de Jésus : il nous a choisis pour « être avec lui » (Mc 3.13), nous invite à le suivre, à persévérer avec lui (Lc 22.28), à porter notre croix (Lc 9.23), mais il fait route avec nous (Lc 24.15), prie pour nous comme pour Pierre (Lc 22.31), nous assure que nous ne manquerons de rien (Lc 22.35), dispose envers nous de son Royaume (Lc 22.29).

Vin

Nos frères et nos sœurs peuvent aussi prendre une place dans notre méditation sur l’œuvre du Christ : Jésus nous unit en un seul corps, nous partageons le même pain, la même grâce. Notre communion s’ancre dans ce qu’exprime la cène.

Nous sommes tous à la même enseigne, ensemble pardonnés, ensemble privilégiés. Nous formons une famille, Jésus n’a pas honte de nous appeler ses frères et ses sœurs. Avec nos différences, nos limites, notre histoire et nos histoires, nous nous retrouvons autour de Jésus, par sa seule grâce. L’amour de Jésus nous pousse à nous aimer, nous accueillir, nous attendre, nous réconcilier. « Discerner le corps du Seigneur », c’est aussi cela (1 Co 11.29, cf. 11.17-22).

« Cent manières » de prendre la cène, assurément ! Mais la « cent-unième » sera toujours celle qui ajoutera au souvenir la disposition renouvelée à mieux marcher avec le Seigneur et avec tous ceux qu’il nous a donnés pour nous accompagner.

Article paru dans :

décembre 2016

Rubrique :
Nos repères
Mots-clés :
À Bible ouverte

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