PAR : Léo Lehmann
Membre du comité de rédaction, pasteur, Église le Cépage, Bruxelles-Ganshoren

Article paru dans :
Rubrique :
Nos repères
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Nous approchons la Bible avec des préoccupations variées qui tendent à orienter notre lecture. Mais l’Écriture est elle-même vectrice d’un message par lequel Dieu veut nous interpeller. Sommes-nous prêts à laisser le texte nous transformer ?

La force de nos présupposés

La Bible, ouvrage le plus traduit au monde, se retrouve entre de très nombreuses mains. Hommes, femmes, enfants, adultes, jeunes, vieux, de toutes cultures et de tous milieux. Notre éducation, notre contexte culturel et social, notre parcours professionnel influencent notre regard lorsque nos yeux se portent sur les lignes de l’Écriture. Nous n’arrivons pas neutres au texte biblique. Tous, nous avons un certain nombre de présupposés sur ce qu’est le monde et la manière dont il fonctionne, sur qui sont les êtres humains, qui est Dieu. Que ces présupposés soient justes ou erronés, ils orientent notre lecture et le choix de nos passages favoris.

Est-il possible que Dieu lui-même ait dû venir sauver l’humanité en mourant sur une croix ? Pour tous ceux qui ne peuvent concevoir que notre Créateur se soit ainsi abaissé à notre hauteur, divers versets peuvent permettre d’entretenir l’illusion que Christ n’était pas Dieu (par exemple Lc 18.18 ou Jn 14.28).

L’esclavage est-il une bonne chose ? Lorsque, il y a moins de deux siècles, beaucoup répondaient par l’affirmative à cette question, la lecture de certains textes pouvait laisser penser que l’apôtre Paul souscrivait aux principes de l’esclavage (comme Ep 6.5-8).

De tels aveuglements peuvent se produire sur bien des sujets. La prédication d’un salut par les œuvres, l’exploitation sans bornes de la Création, l’asservissement de la femme à l’homme, l’idolâtrie du succès ou de la richesse et bien d’autres errances peuvent se servir d’appuis apparents dans l’Écriture. Le fait doit nous rendre attentifs à cette question : comment mon contexte et ma propre pensée influencent-ils ma lecture biblique ?

La résistance du texte

Tout comme l’on peut aujourd’hui trouver sur internet des appuis pour n’importe laquelle de nos pensées, et pour son contraire, il peut être tentant d’utiliser le texte biblique comme moyen de confirmation de nos propres idées, ressentis et manières d’agir.

L’Écriture peut certes faire écho à ce qui se passe en nous et nous aider à mettre des mots sur ce que nous vivons. Néanmoins, ce n’est pas sa fonction première, et la réduire à cela appauvrirait considérablement notre lecture. L’auteur d’un texte a sa propre intention. Nul doute que l’auteur divin et ceux qu’il a inspirés ne font pas exception. Lorsque Paul affirme que « Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que celui qui appartient à Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne » (1Tm 3.16-17), il est clair que cette Parole a vocation à produire un effet transformateur sur nous (cf. aussi Rm 12.2 ; 15.4 ; 1Co 10.11 ; Jc 1.22-25).

Nous croyons que le texte biblique a un message à transmettre qui ne dépend pas de la perception que nous en avons. Les auteurs qui ont couché ces mots sur papier avaient une intention qui, en définitive, résiste aux idées que nous pourrions plaquer sur leurs écrits. Ainsi, la Bible dont notre lecture est influencée par notre propre vision du monde a vocation à son tour à transformer cette vision du monde.

Le « cercle herméneutique »

Notre rencontre avec le texte est donc appelée à provoquer un va-et-vient entre notre pensée et celle du texte, que l’on appelle « cercle herméneutique ». Nos présupposés et nos doctrines influencent notre lecture biblique, nous n’y échappons pas. Mais, si nous nous mettons sérieusement à l’écoute de la Parole de Dieu, celle-ci modifie également notre vision du monde pour nous permettre de revenir à elle en la comprenant mieux, en prêtant une plus grande attention à ses équilibres.

entraide

Au fil de nos lectures, nous gagnons une meilleure vision d’ensemble, nous voyons apparaître divers détails, nous comprenons mieux certains mots, nous mettons en rapport des passages touchant aux mêmes thèmes, etc. Et l’intégration progressive de chacun de ces éléments à la représentation que nous nous faisons de l’enseignement biblique vient en affiner notre compréhension et nous aide à progresser encore. Dans une réelle écoute du texte, le cercle herméneutique est vertueux. Mais il faut pour cela que je laisse le texte lui-même faire évoluer les attentes que je pouvais avoir à son sujet et me conduire dans ce qu’il a à me dire.

Qui mène la danse ?

Pour nous qui affirmons l’autorité de la Parole de Dieu, c’est en effet cette dernière qui doit mener la danse dans les va-et-vient de ce cercle. Nos idées sont secondaires. Par cette Parole, l’Esprit veut sans cesse réformer nos intelligences pour les conformer toujours plus à la pensée de Christ dans toute sa richesse et sa profondeur. Et si ce que je suis peut biaiser ma compréhension du texte inspiré, Dieu a aussi permis que je sois entouré de frères et sœurs qui, avec leurs propres présupposés, viendront interroger les miens et nous permettront de progresser ensemble. Une grâce à ne pas négliger !

Osons donc nous poser ces questions face au texte, qu’il nous parle ou nous rebute : comment ce que je suis influence-t-il ma compréhension de ce passage ? Qu’en dirait mon frère ou ma sœur ? La compréhension que j’en ai correspond-elle réellement à ce que pouvait être l’intention de l’auteur ? Comment mieux saisir cette intention ? ■

Article paru dans :

février 2020

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Nos repères
Mots-clés :
Église sans frontière

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