PAR : Lydia Lehmann
Pasteur, Le Cépage, Bruxelles-Ganshoren

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À Bible ouverte
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Dans votre Bible : Ésaïe 54.2

Avec les mesures prises par nos gouvernements pour protéger la population face à la pandémie, nous avons dû faire preuve de beaucoup d’adaptabilité dans nos manières de vivre nos vies d’Église. Des difficultés bien sûr à certains égards, mais aussi des possibilités de voir et faire d’autres choses… Quoi qu’il en soit, cette situation attire mon regard vers un verset du livre d’Esaïe qui me parle beaucoup : « Agrandis l’espace de ta tente, tends des toiles plus larges pour t’abriter, ne regarde pas à la dépense. Allonge les cordes de ta tente, fixe bien tes piquets. » (Es 54.2).

Un mouvement.

Dans ce verset, il est question de dynamisme – la tente est synonyme de voyage, mouvement, flexibilité. C’est le contraire de l’immobilité, de la sédentarité. Une tente peut être rapidement installée pour dormir mais on peut aussi rapidement la ranger pour repartir. Il y a des tentes ultralégères, des tentes pour deux personnes qui ne pèsent que deux kilos. De quoi rester mobile tout en gardant la sécurité d’un abri.

Pour notre vie spirituelle, cette invitation au camping évoque pour moi le fait que notre relation individuelle et collective avec Dieu est comme un voyage, quelque chose qui est appelé à changer, à évoluer. Ce que nous pouvons vivre avec Dieu ne sera pas identique tout au long de notre vie, de même que toutes nos relations. Peut-être êtes-vous heureux de ce que vous expérimentez avec Dieu aujourd’hui, et c’est une belle chose, mais ne vous contentez pas de cela. Dieu veut vous amener plus loin. Il veut vous permettre d’entrer dans une intimité toujours plus grande avec lui, comme Père aimant et bienveillant. Il veut nous permettre d’acquérir une maturité plus grande en Christ, de lui ressembler toujours davantage. Il veut nous aider à devenir plus sensible à la voix de son Esprit.

« Tends des toiles plus larges », élargis-toi. Nous sommes invités à élargir l’espace que nous accordons à Dieu dans notre vie, à élargir notre âme à sa présence et ensuite à y faire de la place à l’autre.

Ces paroles ont pris une nouvelle dimension pour moi ces derniers mois avec la naissance de notre fils. Quand la famille s’agrandit, on ne s’élargit pas seulement physiquement mais aussi intérieurement. On accueille un nouvel être, une nouvelle personne, pas seulement dans l’appartement mais aussi dans sa tête, son cœur. C’est une expérience que l’on ne fait pas seulement avec la venue d’un enfant. Nous connaissons, tout au long de notre vie, tant et tant de situations qui ressemblent à un exercice d’élasticité pour notre âme.

Il peut s’agir de circonstances où nous sommes déstabilisés et où nous devons retrouver de nouveaux repères, qui nous mettent face à des changements, même positifs, et où nous avons besoin de trouver un nouvel équilibre. Ou alors de temps de souffrance, d’épreuve qui nous poussent à revenir à l’essentiel. Ces derniers mois n’ont pas manqué de tout cela.

Si nous vivons ces situations devant Dieu, avec Dieu, si nous nous accordons le temps de vivre ces moments au lieu de nier ou de vite repousser ce qui se passe en nous, notre âme a l’occasion de s’élargir, de devenir plus vaste, moins tournée vers elle-même. Suis-je tellement préoccupée par moi et mes soucis qu’il y a peu de place dans mon âme, mes pensées, mes prières, pour les autres ? Pour Dieu ? Quelles sont les sphères où j’ai besoin d’être élargi(e) ? Cela peut être un domaine où nous avons besoin d’une guérison ou de pardonner. S’interroger ainsi libérera l’espace pour être plus conscient de Dieu et attentif à l’autre.

Élargir son âme peut ainsi signifier passer par un nettoyage émotionnel. Quand on fait le tri chez soi, on se rend compte tout d’un coup que l’on a plus de place de ce que l’on croyait. Ai-je vraiment besoin de vivre avec telle angoisse quasi-permanente ? Avec cette colère qui reste en arrière-fond et ne semble pas me quitter ? Avec cette peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur ? Avec ce besoin de briller, d’impressionner, de tout faire « parfaitement » ? Ou alors avec ce sentiment de supériorité, cette tendance à juger les autres ?

Non ! Tout cela prend beaucoup trop d’espace, beaucoup trop d’énergie à notre âme. Alors, pour que celle-ci puisse s’agrandir, demandons à Dieu de nous guérir, de révéler l’origine de ces encombrants, pour nous en débarrasser ensuite avec son aide, voyager plus léger, continuer à évoluer dans notre relation avec lui, continuer à être en mouvement.

Un ancrage

Toutefois, ce texte n’évoque pas que de mouvement. La vie n’est pas faite que de cela. Nous avons aussi besoin de stabilité, d’ancrage dans ce qui est important, de pause dans les changements extérieurs et intérieurs de notre vie : « Allonge les cordes de ta tente, fixe bien tes piquets. » (Es 54.2b).

ancrage

L’exhortation à bien fixer les piquets me renvoie à un ancrage solide en Dieu. Il est dangereux de dormir dans une tente qui n’est pas bien fixée ; sans un ancrage solide en Dieu nous ressemblons à une tente soulevée par le vent, à la merci de la météo changeante. Nous serons ballottés de-ci, de-là, suivant un chemin puis un autre selon la direction du vent, nous arrêtant quand l’élan qui nous a soulevés s’essouffle. L’ancrage en Dieu est aussi important que le mouvement et la disponibilité à s’élargir.

Les cordes renforcent cette image de stabilité. Elles évoquent l’ancre de notre espérance qui est en Jésus-Christ. « Cette espérance est pour nous comme l’ancre de notre vie, sûre et solide. » (Hébreux 6.19) Comme le dit le chant « À la croix je me prosterne » : Si tout s’effondrait devant mes yeux, tu resterais là. Même quand tout s’effondre, intérieurement ou extérieurement, il reste un élément stable qui ne nous sera pas enlevé : Jésus et son œuvre pour nous. La Croix restera plantée dans l’histoire, quoi qu’il arrive. Ce qui nous tient dans l’épreuve est réellement la Croix. Personne ne peut annuler ce que Jésus a accompli : ni nous ni une autre personne ni nos doutes ou nos insuffisances. Ce n’est pas une consolation dans le vide. Nous sommes nombreux à pouvoir témoigner de sa réalité.

Si je perds de vue la Croix, je commence à glisser. Certes, ce qui se passe quand nous perdons de vue la Croix est différent pour chacun de nous. Pour ma part, j’ai tendance à recommencer à compter sur ma propre justice, ce qui évidemment est peine perdue et m’entraîne dans la culpabilisation et, du coup, aussi dans l’absence de joie. Discerner quelle est notre première réaction quand nous perdons de vue la Croix, quand nous oublions de bien arrimer nos piquets, peut nous aider à le détecter plus rapidement quand cela nous arrive et à revenir aussi plus rapidement à notre ancrage sûr et solide.

voyage

C’est avec cette stabilité que la tente devient synonyme d’abri, de lieu où on est en sécurité, de lieu de repos, là où on se pose après une randonnée. Il est important de trouver son assise pour pouvoir avancer.

Le besoin de stabilité et le besoin de mouvement me font penser à deux images que rassemble le titre d’une émission bien connue : des racines et des ailes. Si nous voulons nous aventurer en terrain inconnu – et c’est de cela que parle notre texte – mais sans bien nous ancrer en Dieu, assurer nos bases, nous n’irons pas très loin. Des racines sont nécessaires.

Néanmoins, des racines seules ne sont pas très utiles. Grâce à ses racines une plante grandit, se nourrit, s’épanouit et porte du fruit. Des racines, un bon ancrage en Jésus, permettent aux ailes de pousser et ce sont ces ailes qui nous feront aller plus loin, nous inviteront au mouvement.

Une communauté qui s’élargit

Être en mouvement tout en étant bien ancré, cela vaut pour la relation de chacun de nous avec Dieu mais aussi pour la relation de chacune de nos Églises avec lui en tant que communauté. En effet, notre texte s’adresse à une communauté. Il se trouve dans une partie du livre d’Esaïe intitulée « Livre de la consolation » (Es 40-55), qui entremêle principalement trois thèmes d’une richesse extrême :

  • Le peuple reviendra de l’exil de Babylone.
  • Dieu va envoyer un libérateur, il va sauver son peuple.
  • Dieu va rendre glorieuse la Jérusalem future.

On y trouve également ce que l’on appelle les quatre chants du Serviteur, des poèmes qui annoncent le Messie et son œuvre (Es 42.1-9 ; 49.1-7 ; 50.4-11 ; 52.13-53.12).

Notre chapitre 54 suit directement le dernier de ces chants et évoque ceux qui bénéficieront de l’œuvre du Serviteur, de sa communauté. Dans l’Ancien Testament, les prophètes annoncent à de nombreuses reprises qu’un reste d’Israël sera sauvé et que seront ajoutés à ce reste des gens des nations. Le verset 3 du chapitre 54 le décrit notamment en ces termes : « En effet, tu déborderas à droite et à gauche, ta descendance conquerra des nations et peuplera des villes désertes. » Le nouvel Israël, le peuple restauré et la nouvelle Jérusalem, dont parle Esaïe est composé de Juifs et de Gentils(*).

Ce texte nous concerne. Nous appartenons à la communauté du Messie, celle de Jésus-Christ, la Jérusalem nouvelle. Il n’y a qu’un seul peuple de Dieu, constitué de tous ceux qui placeront leur confiance en Christ et son œuvre accomplie à la croix, indépendamment de leur arrière-plan ethnique (Ep 2.14). C’est cela que nous sommes déjà en train de vivre et qui se poursuit : « Agrandis l’espace de ta tente, tends des toiles plus larges pour t’abriter », car d’autres vont te rejoindre.

Aujourd’hui, ce verset nous exhorte encore : préparez-vous à en accueillir d’autres. Oui, que nos salles de culte puissent aussi déborder à droite et à gauche ! Même si en ce moment nous ne pouvons pas nous rassembler, beaucoup de nos concitoyens ont encore besoin d’entendre parler de Dieu, de connaître Christ et la vie en abondance qui est en lui ! En sommes-nous conscients au quotidien ? En sommes-nous conscients quand nous nous rendons à l’église le dimanche matin ? Dans les rues de nos communes il est malheureusement rarement aussi facile de se déplacer que le dimanche matin…

Ce verset nous encourage à ne pas rester là où nous en sommes maintenant. Peut-être sommes-nous heureux de ce que nous vivons actuellement en tant que communauté. Merci Seigneur, gloire à Dieu ! Pourtant, nous n’allons pas rester pour toujours comme nous sommes maintenant. Nous avons le désir d’élargir notre âme à Dieu, de grandir en Christ, de nous laisser guider et guérir par l’Esprit saint comme nous venons de l’évoquer. Élargir notre âme en tant que communauté nécessite que nous soyons honnêtes les uns avec les autres par rapport à nos joies et nos luttes, nos défis quotidiens. Travaillions à nos relations ; soyons prêts à nous écouter en profondeur, pour toujours mieux nous connaître, mieux nous comprendre.

Cette croissance intérieure est importante mais agrandir l’espace de sa tente ne touche pas uniquement notre intériorité. Croissance intérieure et croissance extérieure peuvent très bien aller de pair. Et quand notre âme s’agrandit cela touchera automatiquement d’autres et rayonnera sur notre entourage.

Qu’en tant qu’Église nous ayons toujours plus le désir de recevoir d’autres dans cette tente-abri pour qu’ensemble nous célébrions les merveilles de notre Dieu. C’est une de nos raisons d’être : accueillir ceux que Dieu appelle. Mettons de côté nos a priori, un peu de notre confort, pour que d’autres puissent trouver leur place, se sentir bien, acceptés, pour que d’autres puissent trouver Christ.

campement

L’image utilisée n’est pas celle d’une maison mais celle d’une tente. Il est plus facile d’agrandir une tente qu’une maison. Une tente est beaucoup plus facilement transformable. Comment voyons-nous notre Église ? Comme une tente ou comme une maison ? Parler de tente nous aide à considérer notre fonctionnement comme étant modifiable, nos comportements comme susceptibles de changer, notre Église comme capable de grandir encore, d’aller de l’avant, d’accueillir encore ceux que le Seigneur appellera (1Tm 2.4).

Notre texte nous enjoint également à ne pas regarder à la dépense. Cela implique de ne pas nous accrocher à ce que nous avons mais d’être prêts à aller plus loin avec Dieu, nous aventurer sur un terrain inconnu, là où l’Esprit saint nous guidera, même si cela nous coûte. Certains ont naturellement le goût de l’aventure. Cela fait partie de leur caractère. Pour eux il est sans doute plus facile de s’imaginer aller plus loin, franchir des frontières vers des terres inexplorées. Pour d’autres c’est plus difficile, ils préfèrent leurs habitudes, le statu quo, ils appréhendent le changement. Cependant, une chose est commune à nous tous : répondre à la Parole de Dieu nous coûtera : du temps, de l’énergie, de la persévérance, de la patience (Mt 16.24)…

L’œuvre de Dieu

Mouvement, mais aussi ancrage. Dans tous les désirs que nous pouvons avoir d’aller de l’avant, être mobiles, accueillir d’autres, il nous faut rester centrés sur Dieu. Nous avons besoin d’utiliser les cordes de notre tente, de bien fixer nos piquets et la meilleure façon de le faire est de nous attacher à sa Parole en persévérant dans la prière, dans nos cultes, dans nos différents groupes, dans notre vie personnelle.

œuvre

Rappelons-nous que tout cela est l’œuvre de Dieu. Si nous sommes appelés à nous agrandir, à tendre nos toiles plus larges, cela commence certainement par la prière : la prière et encore la prière. Le but est de discerner ensemble ce que Dieu veut pour nous, personnellement et pour notre Église, ensemble.

C’est lui qui gardera son Église dont Christ est le chef (Ep 1.22). C’est lui qui nous guidera là où il le veut, par son Esprit. C’est lui qui terminera ce qu’il a commencé en nous, avec nous. C’est lui qui nous aidera à bien fixer nos piquets et à élargir notre tente. C’est son œuvre, mais il veut nous y impliquer.

Quelle assurance formidable nous trouvons encore en Esaïe : Dieu veillera sur son peuple, l’Église avec un grand É, l’Église de tous les temps et tous les lieux, projet incroyable auquel nous participons : « … tu contempleras Sion, la cité de nos fêtes, tes yeux verront Jérusalem, résidence tranquille, tente qui ne sera plus enlevée, dont les piquets ne seront plus jamais arrachés, et dont aucun cordage ne sera plus tranché. » (Es 33.20).

Alors, à nous le camping, prenons notre tente et n’oublions pas les piquets !!!


(*) Gentils : terme désignant les non-Juifs

Article paru dans :

mai 2020

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Point de vue

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