PAR : Thierry Huser
Membre du comité de rédaction, pasteur, Église évangélique baptiste de Colmar

Article paru dans :
Rubrique :
Point de vue
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Alors que nos villes se surchargent et se polluent de transports, une « petite nouvelle » fait son entrée remarquée dans le monde des mobilités : la trottinette. Pas celle où il faut pousser d’une jambe pour avancer ! Bien plus « soft », la trottinette électrique vous permet un déplacement fluide, stylé, sans effort. Aucun bruit, aucune particule fine. Pas d’attente ni de bouchon. Adieu la foule étouffante du métro ou du bus. Rien que la liberté d’un moyen de transport autonome, passe-partout, léger et pliable pour ceux qui possèdent leur propre engin, disponible et déposable à l’envi pour ceux qui l’utilisent en libre-service. Le rêve devenu réalité d’un moyen de transport propre, souple et sans contrainte !

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Le succès est considérable. Les opérateurs se multiplient. Sous le ciel de nos cités congestionnées, la micro mobilité semble bien être un enjeu d’avenir. Dessinera-t-elle les nouveaux espaces de nos villes, nos nouvelles libertés ? Pour les usagers les plus convaincus, la trottinette apporte déjà le sentiment d’une mobilité plus aérée. Les contraintes sont réduites : en libre-service, on prend et on dépose son engin où l’on veut ; lorsqu’on circule, tous les espaces sont ouverts. Tout est simple, immédiat, sans effort. Adieu la mauvaise conscience de l’essence ou du diesel. Sans réduire sa mobilité, on gagne en liberté avec, en bonus, une bonne conscience écologique. Bingo !

Cette nouvelle mobilité, avec ses avantages et ses bienfaits potentiels, cristallise plusieurs aspirations contemporaines : autonomie, immédiateté, facilité, liberté, bonne conscience à bon marché. On aimerait tant que la vie se décline ainsi…

Point de liberté, pourtant, sans règle et sans limites, quelle qu’en soit l’aspiration ! Après l’envol grisant d’une utilisation ouverte, voici la nécessité impérieuse d’une « loi sur les mobilités ». Augmentation des accidents, vulnérabilité des trottinettes face aux autres véhicules, sécurité des piétons : comment protéger les personnes, partager les espaces ? Et que faire lorsque la liberté de prendre et de poser les trottinettes à sa guise transforme les trottoirs en cimetières désordonnés ou en parcours d’obstacles pour les passants et les poussettes ? Quelles dispositions prendre en matière d’assurance, de responsabilité civile ? Et que dire des actes d’incivilité, telles ces trottinettes jetées à l’eau à Lyon, à Marseille ? Que penser de la durée de vie moyenne d’une trottinette électrique en libre-service : 28,8 jours seulement ? Quant à la bonne conscience écologique, résiste-t-elle à la prise en compte des besoins en lithium pour toutes ces batteries et aux exigences de leur recyclage à grande échelle ?

Nous rêvons tant d’espaces sans contraintes, de facilités sans efforts, de bonne conscience sans remise en question. Certains décrivent la trottinette comme un « véhicule de tous les droits », soit qu’ils en jouissent, soit qu’ils la décrient.

Pour qu’elle donne sa mesure d’utilité et de bienfait, il faudra abandonner ce rêve infantile d’une liberté sans responsabilité.

L’avenir seul nous dira si cette nouvelle mobilité est, au bout du compte, un reflet infantile ou mature de nous-mêmes. Sera-t-elle, simplement, affirmation de liberté ? Saura-t-elle devenir, également, choix de responsabilité ? La question dessine, reconnaissons-le, bien plus que l’avenir des trottinettes de nos cités… ■

Article paru dans :

août 2019

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À Bible ouverte

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