PAR : Nordine Salmi
Membre du comité de rédaction, pasteur à la retraite, Église protestante baptiste de Thonon-les-Bains

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Point de vue
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Comme à mon habitude, je suis en retard. Je cours à perdre haleine, évite les voyageurs qui tirent leur valise comme on traîne son passé. C'est sûr, je vais rater mon train. Billet non remboursable, pensé-je. Ce voyage, c'est le rêve de toute une vie. L'occasion ne se représentera jamais. Voie A, m'a dit un agent quelques minutes plus tôt.

J'arrive sur le quai, vérifie à peine et pousse un « ouf ! » de soulagement en sautant dans le train. Les portes se sont aussitôt refermées derrière moi. Il s'en est fallu de peu…

Je cherche ma place, quand la voix du chef de bord annonce la destination de mon TGV. Catastrophe, je me suis trompé !!!

Paniqué, je cherche un contrôleur. Je regarde par la fenêtre ; une pancarte annonce une gare. Rapidement je lis : « Bienveillance ». Le train file à toute allure. Il ne s'arrête pas. Je croise le regard d'un passager qui, certainement, lit le désarroi sur mon visage. Je lui demande : « La prochaine gare, s'il vous plait ? – Compassion ! Mais il n’y a pas d'arrêt », s’empresse-t-il d’ajouter ! « – Mais enfin, ce train va bien s'arrêter quelque part ! » me suis-je surpris à crier.

Impuissant, je regarde défiler toutes les gares qui semblent n'intéresser personne : « Humilité », « Respect », « Pardon »…

Enfin, un contrôleur ! Je lui raconte ma mésaventure. « Mais, où allez-vous ? me demande-t-il. – Je me rends à Humanité-sur-Terre. »

Il me sourit et m’explique : « La ligne a été supprimée. Pas assez rentable. » Je poursuis : « Mais où vont tous ces gens ? – Au terminus, Monsieur » répond-il, comme si cela allait de soi. Je demande avec un nœud dans la gorge : « Et le terminus, c'est… ? – Ego Surdimensionné. » Il m’annonce cela comme s’il parlait de Disney Land ! « Ce n’est pas possible, je vais au dernier endroit où je souhaitais aller ! – C'est ce que tout le monde affirme, Monsieur. » Je transpire, suffoque...

J’entends un énorme : « Pan ! » J’ouvre les yeux. Je réalise que je suis encore dans le hall de la gare. Je viens de faire un cauchemar. Mon train n’est pas encore annoncé. Il est déjà minuit ! Quelques amis, en voyage, célèbrent la nouvelle année, juste avant de prendre, comme moi, leur train de nuit. « Bonne année ! Meilleurs vœux ! » s’exclame-t-on autour de moi. On se donne du « coude à coude », les mêmes coudes avec lesquels, quelques temps plus tôt, ils jouaient pour se frayer un chemin dans la vie. D’autres « se donne du poing ». Ce poing si souvent utilisé pour menacer, frapper. Comme quoi, il n’y a pas que les virus qui sont « variants ».

Mon train est annoncé, je me dirige vers le quai, vérifie deux fois pour être sûr d’être sur la bonne « Voie » et la bonne destination. Les arrêts prévus sont bien maintenus.

« Bonne année 2022 ! » me lance un agent de la SNCF « Et surtout la santé ! ».

« Bonne année à vous ! »

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janvier 2022

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