PAR : Marc Schöni
Pasteur à la retraite, Église évangélique baptiste de Court.

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À Bible ouverte
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Le Christ trône en gloire et assigne son sort éternel à chaque être humain : à sa droite les bienheureux, à sa gauche les damnés. Cette scène, en peinture, en sculpture ou en mosaïque, peut se voir dans nombre d’églises de nos contrées. Comment cela résonne-t-il pour nous aujourd’hui ?

Cela génère-t-il de la perplexité ? de la peur ? Ou peut-être ne savons-nous pas trop que faire de ce thème, pourtant biblique.

Mais posons-nous d’abord la question :

Et s’il n’y avait pas de jugement dernier ?

S’il n’y a pas de jugement dernier, la révélation de Dieu, de sa justice, demeurera éternellement opaque, incompréhensible. Oui, Dieu est au-delà de notre compréhension. Oui, Dieu peut exercer sa justice sans que nous voyions comment. Mais Dieu a choisi de se révéler comme juste. Sans y être du tout obligé, il prend sur lui ce qui est attendu de toute autorité humaine : non seulement être, mais paraître juste.

Or dans notre histoire humaine, nous sommes loin de voir apparaître un juste jugement. Pour quelques récompenses et châtiments bien mérités, combien de méchants heureux et de justes subissant toutes les misères et toutes les infamies ? C’est la question que posent le Psaume 73, Job, l’Ecclésiaste. Pour sa gloire et par amour pour l’humanité, Dieu ne laissera pas cette question sans réponse.

Sa réponse, ce sera le jugement dernier. Si ce jugement universel à la fin des temps est rarement évoqué comme tel dans l’Ancien Testament (Ec 3.17 ; 12.14 ; Dn 7.10(1)), c’est un thème qui parcourt tout le Nouveau Testament.

Mais au fait, Dieu a déjà répondu à la question de la justice, à la question du mal, et ce, de manière radicale et définitive, à la croix. Alors, pour celles et ceux qui, par la foi en cet acte de Dieu, ont reçu plein pardon en Christ, y a-t-il encore un jugement ? Le Nouveau Testament semble répondre parfois par oui, parfois par non. Mais retournons la question :

Et si les croyants étaient exemptés de jugement dernier ?

Si les croyants étaient exemptés de comparaître, le jugement n’apparaîtrait pas comme impartial (voir Rm 2.11). Or le Nouveau Testament laisse entendre que la barre sera placée haut pour celles et ceux qui ont été au bénéfice de la grâce de Dieu. Cela ressort de l’évangile selon Matthieu où, plus d’une fois, les disciples de Jésus sont avertis du sérieux du jugement dernier (Mt 5, 7, 24-25).

Pourtant, Jésus, dans l’évangile selon Jean, dit bien que celui qui croit « ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. » (Jn 5.24). Le jugement, positif ou négatif, a lieu dès le moment où est annoncé l’Évangile (Jn 3.18). Ces paroles disent quelque chose d’important : tout se joue dans cette vie.

Mais voilà, le reste du Nouveau Testament dit clairement que les croyants comparaîtront eux aussi, ainsi Paul (Rm 14.10 ; 2Co 5.10(2)). Feront-ils l’objet d’une comparution distincte ou seront-ils jugés en même temps que tout le monde ? Les trois passages qui traitent du jugement dernier de manière développée (Mt 25.31-46 ; Rm 2.1-16 ; Ap 20.11-15) le présentent comme une scène universelle où comparaîtront tous les humains sans exception. Ces trois passages présentent aussi les critères du jugement.

Quels seront les critères du jugement ?

Un critère ressort tout particulièrement : celui des « œuvres » (Rm 2.6 ; Ap 20.12), autrement dit ce que chaque personne aura fait durant sa vie. Jésus dans Matthieu (25.31-46(3)) met l’accent sur les actes d’amour. Cet accent sur « les œuvres » peut surprendre, surtout de la part de Paul dans Romains, une lettre où est déclaré pleinement justifié quiconque met sa foi en Jésus (3.28). Mais c’est tout à fait cohérent avec l’Évangile qui proclame que le but de la grâce, c’est une vie transformée, vécue dans l’amour (Rm 13.8-10 ; Ga 5.6). Jésus n’est pas mort seulement pour nous pardonner, mais pour nous recréer ; pas seulement pour nous justifier, mais pour nous sanctifier (voir Rm 6). L’Apocalypse opère la synthèse par une double image : « les livres » où sont consignées les œuvres de chaque être humain, ainsi que « le livre de vie », serviront ensemble de critères (Ap 20.12-15). Ce dernier livre contient les noms des personnes rachetées par l’Agneau, avec cette dimension, si importante dans l’Apocalypse, de la persévérance jusqu’à la fin.

homme hésitant

En mettant au jour, lors du jugement dernier, l’ensemble d’une vie et pas seulement le moment où nous avons saisi par la foi le salut accompli à la croix, Dieu montrera tout le prix qu’il accorde à notre cheminement « dans notre corps » (2Co 5.10). Cela dénote bien la valeur de notre vie aux yeux de Dieu, cette vie qu’il prend la peine de façonner par son Esprit.

Quelles conséquences en tirer ?

Tout d’abord, attendre le jugement dernier, c’est reconnaître notre incapacité à juger la vie des autres et même la nôtre, comme l’admettait Paul (1Co 4.1-5). Seul le Dieu de Jésus-Christ peut y voir clair dans l’écheveau complexe d’une vie humaine, des actes et de leurs motivations. Nous aurons des surprises au jugement dernier !

Faut-il avoir peur du jugement dernier ? Dans un sens oui, et c’était l’attitude de Paul (2Co 5.11). Jésus a averti ses disciples en des termes qui nous font frémir encore aujourd’hui, pour bien souligner que ses enseignements sont là pour être mis en pratique (Mt 7.21-27). Mais ne nous focalisons pas sur tel échec douloureux ou tel péché commis dans le passé. Ce qui compte, c’est l’orientation de notre vie : est-elle portée par l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ ? C’est cet amour qui fait de nous celles et ceux que Jésus a décrits dans les Béatitudes (Mt 5.3-12). C’est pour cela que « les justes », au jugement dernier, seront surpris d’entendre énumérer toutes leurs belles actions (Mt 25.37-40) : elles n’auront pas été faites pour marquer des points, encore moins pour gagner leur salut. Les seules véritables « œuvres » sont celles qui coulent de source, je veux dire la source de l’amour du Christ en nous. C’est cela l’Évangile.


(1) L’Ancien Testament, en-dehors de ces quelques textes, parle abondamment des jugements de Dieu au cœur de l’histoire humaine.

(2) Pour ce qui est des passages dans Jean (3.18 ; 5.24), il faut comprendre « être jugé » non pas dans le sens de « comparaître » (Jésus ne dit pas que ceux qui croient ne comparaîtront pas), mais dans le sens d’ « être condamné » (ainsi Semeur). Plutôt qu’une contradiction, il y a un silence du quatrième évangile sur la comparution des croyants au jugement dernier.

(3) C’est le passage qui a inspiré la plupart des représentations du jugement dernier dans l’art religieux.

Article paru dans :

août 2023

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