PAR : Karine Delamotte
Membre du comité de rédaction, Église protestante évangélique de Champs-Val-Maubuée

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Alors que j’étais de passage en Angleterre cet été chez des amis, ces derniers me demandent comment j’ai vécu la situation politique en France ces derniers mois.

Question difficile, s’il en est, car la réalité électorale d’une France fracturée entre deux extrêmes nous a surpris, venant toucher des points sensibles chez les uns et les autres, chacun selon son histoire, ses origines, son éducation ou même sa compréhension de la foi chrétienne.

Étant personnellement issue de la diversité visible, j’ai été particulièrement marquée par la libération d’une parole discriminatoire pendant cette période.

C’est une femme qui exige de son anesthésiste de savoir quelle est son origine avant de le laisser l’endormir, et lui rappelle qu’il a de la chance en tant que migrant d’être à ce poste. Elle oublie ainsi que sa réussite professionnelle est le fruit de son travail, ou que l’on peut être basané et français depuis plusieurs générations. C’est également ce marchand qui refuse de servir une femme, et qui face aux autres clients qui s’en offusquent, demande : « Qui n’ai-je pas servi, la Noire, là ? »

Je pourrais me contenter de partager ce type d’histoire avec mes amis, mais ce ne serait pas juste, car si la montée d’un racisme ordinaire est une réalité, cette situation politique reflète avant tout la fragilité et les peurs d’une société qui n’arrive pas à définir un vivre ensemble pérenne.

Donner trop d’échos à ce type d’histoires serait aussi donner trop de poids à ceux qui tendent à me faire croire que je suis une citoyenne de seconde zone. Pourtant, ce n’est pas le regard de l’autre qui me définit, c’est moi qui choisis la manière dont je m’envisage : ma valeur me vient de Dieu, tandis que ma nationalité, mon statut, sont définis par la loi. Quant à mon parcours de vie, je l’accepte de Dieu, selon ce qu’il a choisi pour me façonner, et pour me donner l’occasion de le servir. Plus jeune, j’aspirais à retourner travailler en Afrique une fois mes études terminées. Cependant le Seigneur m’appelait à le servir et à avoir un avenir en France. J’ai donc renoncé aux occasions qui s’offraient à moi en Afrique et depuis je me sais légitime là où Dieu me veut, là où il me demande de tout faire pour sa gloire.

Enfin, donner trop d’importance à ce type d’histoire serait oublier tous ces moments où j'ai eu le privilège de croiser des personnes qui ne m’ont pas enfermée dans des stéréotypes mais m’ont au contraire acceptée et aimée, pour qui je suis.

Je garderai de cette réflexion l’importance pour les chrétiens de résister aux passions qui entourent ce type d’élections. Choisissons au contraire d'avoir un ministère de réconciliation, en particulier dans ces temps où notre pays recherche un nouvel équilibre. Car en effet, en Christ, il n’y a plus ni femmes, ni noirs… Peu importe nos différences, y compris nos différences politiques, nous sommes le corps de Christ et nous avons l’opportunité de proposer un modèle du vivre ensemble, qui reflète, et l’amour, et l’ordre et la justice qui caractérisent notre Dieu.

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septembre 2024

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