Une relation d'aide constructive
Hélène Lebrat est membre de l’Église baptiste de Thonon. Elle a accepté de nous parler d’un parcours de relation d’aide dont elle a retiré un grand bienfait.
Le Lien fraternel : Suite à une circonstance difficile de votre vie, vous avez eu recours à une professionnelle chrétienne dans le cadre d’une relation d’aide. Pourquoi avoir choisi cet accompagnement ?
J’ai eu besoin d’aide professionnelle à un moment difficile de ma vie, où il m’a fallu comprendre, en profondeur, pourquoi j’avais deux fois vécu une même réalité douloureuse. Je ne voulais pas mettre la responsabilité sur toutes sortes de déterminants, mais découvrir mon propre fonctionnement. Je devais aussi recadrer un certain nombre de choses dans ma vision de Dieu, marquée par une éducation légaliste et rigoriste. J’avais eu un contact avec un professionnel non-chrétien, mais je ne lui avais pas permis de toucher à ma foi. D’autres peuvent le faire, mais personnellement, je m’y refusais, même si je sais que certains professionnels non-chrétiens respectent la foi. J’avais besoin de pouvoir être en confiance, y compris sur le terrain de la foi.
J’ai pris contact avec une thérapeute chrétienne qui pratique la thérapie systémique. Cela consiste à étudier les fonctionnements qui nous ont marqués et construits. On ne va pas chercher « la faute du grand-oncle », ou de toute autre personne, mais on explore les attitudes qui ont eu une influence sur nous, on cherche ce qui nous a conditionnés. En mettant tout cela au clair, on fait le tri. C’est un geste d’ordre qui aide à remettre chaque chose à sa place. J’ai besoin de mettre les points de repère au bon endroit. Mais dans une démarche responsable : une relation d’aide qui ne viserait qu’à reporter la responsabilité sur les autres ne fera jamais avancer !
Combien de temps ce parcours a-t-il duré ?
J’ai fait ce parcours sur cinq ans. Pendant deux ans et demi, le rythme a été régulier. Puis j’ai fait une pause, avant de reprendre, à un rythme différent. Il est important d’avoir cette liberté d’arrêter et de reprendre. J’ai fait certains arrêts pour tester si j’arrivais à voler de mes propres ailes. La thérapie m’a aidée à me défaire de certains médicaments que je prenais : tout cela était sous contrôle, en relation avec les médecins. J’ai connu des phases de progrès, suivis de moments où je retombais. Mais j’ai appris à voir que je ne tombais pas aussi bas, d’une fois sur l’autre. Ma thérapeute, d’ailleurs, ne parlait pas de « tomber », mais d’un trou où l’on pénètre aux trois quarts, à moitié, ou que l’on réussit à éviter.
L’aspect financier de cette thérapie est important. Je payais à chaque séance. Mais je donnais ce que je pouvais, cette liberté était offerte. J’allais dans un centre de thérapie chrétien (Horizon 9 à Genève) qui vit de dons. Cette souplesse m’a permis d’aller au bout, financièrement.
Qu’est-ce qui vous a aidée, particulièrement ?
J’avais en face de moi une personne extraordinaire. Nous avions une belle relation. Ma thérapeute venait d’un milieu catholique, elle connaissait et respectait ma foi. Elle n’avait pas un chemin de vie facile, je le savais. Le peu de fois où elle m’a parlé de son propre cheminement, c’était toujours à bon escient. Nous avions une vraie confiance et une bonne connivence.
Elle était beaucoup dans le questionnement. Sur ma foi aussi, elle me questionnait, mais pour me faire avancer. C’était toujours dans le respect, pour m’aider à réfléchir, à aller de l’avant. Il lui est arrivé d’utiliser la Bible, pour me faire comprendre quelque chose, ou éclairer une pensée.
Un tel parcours est aussi un travail sur soi exigeant. Avez-vous eu des moments difficiles ?
C’est une démarche qui est épuisante. J’étais aide-soignante auprès de jeunes handicapés pour cause d’accidents. Il était difficile de tout assumer. Une thérapie fatigue beaucoup. On remue beaucoup de choses, pas toujours faciles. On fait appel à des souvenirs que l’on a enfouis. Cela prend beaucoup de place en nous. Il y a aussi une phase d’acceptation, nécessaire, qui n’est pas toujours évidente. Il faut aussi y consacrer du temps : pendant longtemps, j’ai passé à Genève le seul après-midi libre de ma semaine ! Il faut aussi de la rigueur si l’on veut avancer… Mais je suis de nature persévérante : cela m’a bien aidée. J’avais aussi une vraie motivation : je voulais savoir, comprendre. Certes, on ne comprend pas tout, il faut rester humble. Mais une fois que l’on a compris un élément, c’est une grande aide !
À côté de cette aide professionnelle, d’autres soutiens ont-ils compté pour vous ?
J’avais des amis autour de moi : j’ai eu besoin de leur soutien. J’ai eu la chance extraordinaire d’être toujours soutenue dans l’Église de Thonon. J’avais quelques amis très proches à qui je pouvais parler plus personnellement. Mais je dois dire que chaque personne dans l’Église a eu son rôle. J’ai reçu une aide de la part de tous, chacun à sa manière. Les gens ne se rendaient pas compte à quel point ils me soutenaient : un sourire, une parole positive, une aide matérielle qui tombe à pic, un coup de fil au moment où j’étais bas, et juste à temps. Une personne me dit aussi que je « sais demander ». Cela doit faire partie de mon instinct de survie, bien vivant en moi !
Comment apprend-on à marcher seul, après un tel parcours ?
C’est progressivement que nous avons discerné que je pouvais marcher seule. Ma thérapeute a aussi eu la liberté de me dire qu’elle était arrivée au bout de ce qu’elle pensait pouvoir me donner. Je n’ai pas eu de sentiment de perte, ou d’abandon : nous nous sommes quittées en faisant le bilan d’un chemin bien parcouru. ■