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Conte de Noël

Il y a bien des années, un homme achète un billet pour le Nouveau Monde. Mi-décembre, au port du Havre, il s'installe dans sa cabine pour profiter pleinement de la traversée. Il est heureux en pensant à sa nouvelle vie qui va commencer.

Dans son placard, il garde précieusement ses deux saucissons, ses fruits secs et ses biscuits car ce viatique doit durer jusqu'à New York ; neuf jours de traversée, c'est long... Notre passager se régale des couchers et levers du soleil sur l'Atlantique. Que l’univers est beau avec ses étoiles bien agencées. Il médite souvent, appuyé au bastingage. Dieu existerait-il vraiment ? Son copain d’enfance qui le bassinait avec son Créateur aurait-il raison ?

Repas festif

Le voyage tire à sa fin ; les moteurs ralentissent ; on passe la Statue de la Liberté et enfin on accoste au port d’Ellis Island. On débarque. Noël n’est pas bien loin. Il jette par-dessus bord le reste de ses biscuits tout ramollis. Il était temps qu’on arrive !

Sur la passerelle, l'équipage est là au grand complet pour saluer les passagers. Au moment de serrer la main du capitaine, ce dernier s'adresse à notre homme et s’étonne de ne pas l'avoir vu dans la salle à manger du pont supérieur :

« Les repas étaient compris ? s'étonne notre émigré.

– Bien sûr et vous étiez aussi invité jeudi soir à la table du capitaine, lui répond l'homme en uniforme. »

Saucisson, figues et raisins secs, petits beurres de plus en plus mous... alors qu'il y avait un repas chaque matin, midi et chaque soir qui l'attendait ? Quel imbécile ! Comme il ne veut pas paraître stupide, il balbutie :« Je suis au régime, j’ai fait exprès... »

Son ami d’enfance devenu américain avait bien tenté de lui donner des détails sur le voyage, mais il n'avait pas écouté. Pas le temps, sûr de tout savoir. Tout comme son affaire de création, de Dieu et de Jésus, il n’a pas écouté, pas le temps, sûr de tout savoir.

Peu après son arrivée aux États Unis, notre homme est mort d'une maladie inconnue. Comme il lui avait demandé, son ami a dispersé ses cendres dans le port de New York, rejoignant ainsi des miettes de petits beurres... Sur la couronne de fleurs flottant sur l’Udson, son copain avait fait graver ces mots en anglais :

Best friend… missed the best. (« Meilleur ami, a raté le meilleur »).

Article paru dans :

décembre 2023

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Ma joie à Noël

Christian Baugé
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