PAR : Matthieu Sanders
Pasteur, Église baptiste de Paris-Centre

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À Bible ouverte
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Lorsque mon épouse et moi-même avons choisi les prénoms de nos enfants, nous avons été guidés en priorité par des sonorités qui nous plaisaient et qui soient adaptées aux deux langues de la famille. D’autres parents prêtent plus d’attention au sens des prénoms, en particulier en rapport avec leur foi dans le Dieu de la Bible.

Joseph et Marie, eux, n’ont pas eu à réfléchir au prénom de Jésus : « Elle mettra au monde un fils et tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (Mt 1.21). Dieu a d’emblée voulu associer le nom de Jésus au salut. Mais ce nom n’en suscite pas moins la controverse, hier comme aujourd’hui. C’est ce que je vous invite à méditer en deux temps autour du texte d’Actes 4.1-22.

Un nom qui divise

On vient d’assister, au chapitre précédent, à la guérison miraculeuse d’un homme paralysé de naissance. Pierre a relevé cet homme en lui tendant la main et en lui disant : « Au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche ! » (Ac 3.6). La foule qui assiste à ce miracle est stupéfaite. L’homme guéri est, ce n’est pas surprenant, rempli de joie.

On aurait pu penser que ce miracle ferait l’unanimité. Pourtant, l’événement fait grandir l’hostilité contre les disciples de Jésus, et voilà que les responsables du peuple envoient des hommes pour arrêter Pierre et Jean (Ac 4.1-3). Ce n’est toutefois pas le miracle qui déclenche la colère de ces responsables, mais le message que Pierre a proclamé dans la foulée : Jésus est le Sauveur dont tous ont besoin (Ac 3.12-26).

En fait, si l’on y regarde d’un peu plus près, il y a même une raison plus précise encore. Les hommes qui viennent arrêter Pierre et Jean sont « irrités de voir les apôtres enseigner le peuple et leur annoncer que, puisque Jésus est ressuscité, les morts ressusciteront eux aussi » (Ac 4.2). Pourquoi ce point précis posait-il problème ?

Au sein du judaïsme au Ier siècle, une école de pensée influente, les pharisiens, affirmait, Bible à l’appui, qu’un jour les morts ressusciteraient. Sur ce point, malgré d’autres oppositions, Jésus était tout à fait en phase avec eux. Mais il existait une autre école de pensée, constituée plutôt de l’élite du pays, qui niait la résurrection : les sadducéens. Ils ne niaient pas forcément toute notion d’au-delà, mais niaient l’idée de la résurrection du corps. Ce sont eux qui apparaissent au verset 1. Non seulement Jésus est à leurs yeux un faux messie, mais voilà que ses apôtres enseignent un point de doctrine défendu par leurs adversaires, les pharisiens.

Chacun a ses raisons pour s’opposer à Jésus et à ses disciples. Jésus ne rentrait pas dans les cases de l’époque. Et nous ? Peut-on facilement nous ranger dans les catégories de notre époque ? Ou reflétons-nous le caractère « inclassable » de Jésus ?

Nous ne nous référons généralement guère au pape, mais une chose m’a frappé au moment de sa visite en septembre à Marseille. En amont de l’événement, certains s’opposaient à son accueil au nom de la laïcité, de la modernité, etc. D’autres invoquaient au contraire les racines chrétiennes de la France. Mais après cette visite pendant laquelle le pape a parlé de la question des migrants, beaucoup des premiers applaudissaient tandis que beaucoup des seconds prenaient plutôt le relais de la critique.

Certains s’opposent à la foi chrétienne parce qu’elle leur semble rétrograde sur les questions sociétales. D’autres parce qu’elle met à l’honneur la compassion et la grâce plutôt que l’esprit de revanche et la puissance ; parce qu’elle dépasse et relativise les barrières nationales et culturelles qui redeviennent très à la mode ces temps-ci. La foi chrétienne ne rentre pas bien dans les cases. Jésus a d’un côté dénoncé l’adultère et l’immoralité sexuelle. De l’autre, il a dénoncé l’exploitation, la cupidité et la violence. Jésus gêne régulièrement tout le monde, y compris, bien souvent, les chrétiens engagés. Le nom de Jésus est un nom qui divise.

Mais c’est ce nom que Pierre, Jean, et les autres apôtres vont proclamer sans relâche, malgré une opposition croissante, et bientôt violente. Une chose me frappe dans notre texte : les gens qui viennent arrêter Pierre et Jean puis les interroger sont « des gens bien ». Ce sont des notables (v. 1,6), des gens instruits, des gens qui, probablement, étaient courtois et respectables, aimaient leurs enfants et avaient le souci du bien-être de leur peuple. Mais il y a un clivage indépassable entre eux et les disciples de Jésus.

La clé, c’est la réponse que chacun apporte à la question : « Qui est Jésus ? » Pierre proclame avec force : « Sachez-le tous, et que tout le peuple d’Israël le sache ! C’est par le nom de Jésus-Christ de Nazareth […] que cet homme se présente en pleine santé devant vous. […] Il n’y a de salut en aucun autre ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. » (Ac 4.10, 12).

La plupart des adversaires de Jésus et de ses apôtres, que ce soit ici à Jérusalem ou plus tard parmi les non-Juifs, étaient des gens bien aux yeux des hommes. Mais quand Pierre leur affirme que Jésus est « Seigneur et Messie » (Ac 2.36), comme il ne cesse de le faire depuis son premier message du chapitre 2, il y a un obstacle infranchissable. Le sens de la vie, de la foi, de toutes choses se trouveraient dans la personne de Jésus de Nazareth ?

groupe divisé

Pour ces notables qui arrêtent Pierre et Jean, ça n’est pas dans le champ des possibles. Quoi qu’il arrive, quels que soient les arguments, et même face à un miracle ! De même, pour la plupart de nos contemporains, affirmer que Jésus est Seigneur et Sauveur ce n’est pas a priori envisageable. Pourtant, un changement total de perspective est possible : « Parmi ceux qui avaient entendu leurs paroles, beaucoup crurent, ce qui porta le nombre des croyants à près de cinq mille hommes. » (Ac 4.4).

Face au discours de Pierre, les réactions sont polarisées. Certains croient, changent de perspective, placent leur foi en Jésus et reconnaissent qu’ils ont besoin de lui. Et il y a ceux qui s’opposent totalement à cette proclamation et vont même jusqu’à prétendre interdire « de parler ou d’enseigner au nom de Jésus » (v. 18). Mais pour les apôtres, l’enjeu est tel qu’il est impensable de se taire, même face aux menaces : « Est-il juste devant Dieu de vous obéir, plutôt qu’à Dieu ? Quant à nous, nous ne pouvons pas garder le silence sur ce que nous avons vu et entendu. » (v. 19-20).

L’opposition à Jésus dans notre contexte est généralement plus feutrée. Tant que vous gardez votre foi pour vous, dira-t-on, que ça ne gêne personne. Croyez ce que vous voulez. Mais cette neutralité n’est pas possible. Jésus est Seigneur et Sauveur, ou il n’est ni l’un ni l’autre. C’est ce que Pierre martèle dans son discours. Et pour nous qui sommes chrétiens, toute notre foi se joue là. Tout notre témoignage se joue là.

Nous avons parfois l’impression, même inconsciemment, que nous devrions en quelque sorte être témoins de nous-mêmes. Il faudrait convaincre nos contemporains qu’on peut être quelqu’un de sympa et intéressant tout en croyant en Jésus, que nos vies ont été bouleversées dans tous les domaines. Et en un sens il y a du vrai dans tout cela. Mais ce n’est pas nous qui devrions être au centre de notre témoignage. C’est Jésus-Christ.

Nous ne sommes pas témoins d’une idéologie ou d’une tradition religieuse, mais d’une personne. Il y a là quelque chose d’apaisant, voire de libérateur. Nous sommes incapables de sauver qui que ce soit. Jésus, lui, peut sauver le pire des pécheurs. Le cœur de notre foi est de connaître Jésus et de marcher avec lui. Et le but de notre témoignage est de mettre les gens en contact avec Jésus.

Cela sera loin de faire l’unanimité et nous attirera même de l’opposition. Il nous arrive cependant de fâcher nos contemporains pour de mauvaises raisons. Mais plus nos vies et nos témoignages seront centrés sur la personne et l’œuvre de Jésus, plus le clivage se trouvera là où il doit être, plus nous pourrons encourager nos contemporains à se positionner face à lui. Car tous ont besoin de lui. Jésus est un nom qui divise, mais c’est aussi et surtout un nom qui sauve.

Un nom qui sauve

Revenons au point de départ de tout cet épisode : un homme guéri, libéré d’une terrible épreuve. Et Pierre fait un lien entre le relèvement physique de cet homme et le relèvement spirituel dont la foule a besoin : Dieu offre un plein pardon même à ceux qui ont rejeté son Fils, son Sauveur et Messie (Ac 3.19-26).

Voilà ce qui suscite la colère des opposants. Pierre le souligne avec ironie : « Nous sommes aujourd’hui interrogés sur le bien que nous avons fait à un infirme et sur la manière dont il a été guéri. » (Ac 4.9). Ce qui arrive ici aux apôtres reflète la trajectoire de Jésus. Il n’a cessé de guérir des malades, de libérer les gens de diverses emprises et de proclamer le salut et la délivrance par Dieu. Et plus Jésus a fait tout cela, plus l’opposition contre lui a grandi.

Les gens n’aiment pas les bonnes nouvelles qui remettent en question ce sur quoi ils ont bâti leur vie. Si votre chef vient vous voir un jour et vous dit « Bonne nouvelle, je vous pardonne toutes vos incompétences et je vais vous aider à mieux travailler », vous pourriez aussi avoir de la peine à y voir une bonne nouvelle.

L’homme infirme de naissance se tient debout devant eux, mais cela ne pèse pas lourd dans la balance. Cette bonne nouvelle, ils n’en veulent pas et vont tenter de l’étouffer (v. 16-17). Il ne faut pas que les gens sachent que Jésus sauve !

Jésus affirmait que le Temple ne remplissait plus sa vocation et serait bientôt détruit. Il critiquait les responsables religieux. Et il prétendait que, par sa mort sur la croix et par sa résurrection, il accomplirait lui-même le pardon des péchés, rendant caducs les sacrifices organisés dans le Temple. C’est pour ces raisons que ces mêmes hommes mentionnés au v. 6 de notre texte, Hanne et Caïphe, ont personnellement traduit Jésus en justice et l’ont condamné à mort. Ils l’ont accusé d’être un imposteur, un faux prophète, un blasphémateur.

sourde oreille

Et c’est pourquoi ils rejettent son message, même face au miracle de l’homme infirme, à la force de ce que Pierre proclame, aux milliers d’habitants de Jérusalem qui changent de perspective et qui se tournent vers Jésus avec joie, avec soulagement, et trouvent en lui enfin leur raison d’être… Le prix à payer est trop lourd. Mais ce qu’ils ne voient pas est que le prix éternel à payer lorsqu’on rejette le pardon de Dieu est bien pire encore. Cette bonne nouvelle concernait aussi Hanne, Caïphe et les autres.

Nous vivons très loin de Jérusalem, vingt siècles plus tard, mais la majorité de nos concitoyens estiment eux aussi ne pas avoir besoin d’être sauvés de quoi que ce soit, ou en tout cas, pas par Jésus-Christ. Entre consumérisme, humanisme à la petite semaine, développement personnel et une petite dose de spiritualité à la carte, notre société estime pouvoir très bien s’en sortir. Et même nous chrétiens sommes bien souvent happés par cette autosuffisance. Nous avons du mal à reconnaître que nous sommes vraiment pécheurs et oublions combien nous avons été créés pour connaître Dieu et vivre par lui et pour lui.

La meilleure réponse à cet aveuglement spirituel est de faire comme Pierre : placer Jésus au centre de toutes choses pour vivre en son nom. Le pardon qu’il offre est parfait, accompli par sa mort pour nous sur la croix, scellé par sa résurrection.

De tous les points communs que nous avons avec nos amis non-chrétiens, le plus grand est celui-ci : nous avons le même besoin de Jésus. C’est en lui seul que se trouve le sens de notre vie et notre espérance. Jésus sauve. Croyons-le. Vivons-le. Proclamons-le.

Article paru dans :

novembre 2023

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