De retour de Séoul
Du 22 au 28 septembre, le quatrième congrès du Mouvement de Lausanne a rassemblé près de cinq mille quatre-cents délégués, dont six de notre Association, venus de plus de deux-cents pays, dans la périphérie de Séoul en Corée du Sud.
Qu’est-ce que le Mouvement de Lausanne ?
Le Mouvement de Lausanne est probablement l’un des plus importants mouvements interdénominationnels au sein du monde évangélique. Il y a cinquante ans, à Lausanne, se réunissaient près de deux mille sept-cents délégués de cent-cinquante nations autour de la question de l’évangélisation du monde. Ce premier congrès publia ce qui est resté comme la Déclaration de Lausanne, un document élaboré dans le dialogue – notamment autour de l’équilibre entre évangélisation et action sociale, paroles et actes – et qui a fait date pour le milieu évangélique.
Des échanges lors des congrès suivants, sont ensuite issus le Manifeste de Manille (1989) et l’Engagement du Cap (2010). Les trois déclarations ont été publiées en français, accompagnées de guides d’étude, dans l’ouvrage Évangéliser, témoigner, s’engager. Une précieuse ressource qui gagnerait encore aujourd’hui à être travaillée au sein de nos communautés locales. Et le Mouvement de Lausanne a continué tout au long de ces années à nourrir la réflexion et à rassembler des chrétiens pour penser et agir ensemble, avec encore tout récemment la production d’un conséquent rapport sur l’état de l’évangélisation du monde(1) en préparation au congrès de Séoul.
À l’heure actuelle, outre bien des réseaux nationaux et régionaux, ce sont près d’une trentaine de réseaux thématiques qui sont à l’œuvre au sein du Mouvement et qui cherchent à stimuler échanges et partenariats par-delà les divers continents du monde évangélique.
Sur place à Séoul
C’est sur cette toile de fond que se sont donc retrouvés plus de cinq mille délégués à Incheon, en bordure de Séoul, à la fin du mois de septembre, sous l’intitulé « Proclamer et rendre visible le Christ – ensemble ». Pendant une semaine, des orateurs issus de tous les continents se sont succédé pour adresser témoignages, réflexions et exhortations(2) à cette immense foule installée autour de tables destinées à favoriser ensuite les échanges.
Outre les rencontres de très nombreux réseaux actifs autour du Mouvement, deux programmes spécifiques étaient aussi proposés aux participants intéressés. Le premier, sur la Corée du Nord, faisait évidemment écho à la géographie de ce congrès. Le second, sur le monde du travail, témoignait d’une volonté du Mouvement de Lausanne d’intégrer davantage les « nonante-neuf pour cent » de chrétiens principalement engagés dans des emplois dits séculiers.
Chaque seconde partie d’après-midi était consacrée à des rencontres autour de vingt-cinq « lacunes » identifiées par le Mouvement dans l’engagement des chrétiens. Réunis autour de la table avec d’autres délégués, nous étions invités à dialoguer et penser ensemble des solutions pour combler ces lacunes. Le prélude à de plus amples collaborations ? C’est ce que le Mouvement espère favoriser au moyen de ses outils digitaux.
Pour beaucoup de participants qui, comme moi, assistaient pour la première fois à un tel congrès, il y aura eu là, au-delà de l’intérêt de bien des interventions proposées, une superbe occasion de se frotter un peu à la diversité de nos réalités chrétiennes à l’échelle planétaire. Depuis cinquante ans, le Mouvement de Lausanne a certainement avant tout ce mérite de permettre d’innombrables rencontres suscitant à la fois encouragements entre personnes proches les unes des autres et stimulation face à ceux dont les réalités ou les pensées diffèrent des nôtres. Et c’est une joie de constater que le congrès de Séoul n’a pas fait exception !
Qu’en retenir ?
Au-delà de ces rencontres et des fruits qu’elles porteront, l’une des choses qui restera de ce congrès, c’est la Proclamation de Séoul. En nonante-sept points, le texte vise à combler sept « lacunes » auxquelles « les précédents documents fondateurs de Lausanne n’avaient pas accordé suffisamment d’attention ». Introduit comme définitif, visant à « informer et inspirer », le document n’a pas officiellement fait l’objet de discussions avant que ne soit finalement ouvert un canal pour collecter les retours à son sujet. Ce qui sera fait de ces retours reste pour l’instant dans le flou, mais suscite beaucoup d’attentes. Disons-le, le document dans sa forme actuelle en frustre plus d’un.
Dans le mélange entre toutes ces cultures et sensibilités théologiques, tout n’est pas rose au pays de Lausanne. Divers enjeux appellent à la poursuite de la réflexion : caractère triomphaliste de certaines approches de la mission, interprétation de la mission de l’Église, surreprésentation du monde anglophone dans ces espaces internationaux, écueils d’une vision très axée sur le digital, prise en compte des problématiques de justice sociale et des inégalités qui subsistent, divisions entre chrétiens autour de conflits géopolitiques… Il y a là de réels défis pour l’avenir.
Le jeudi soir, les frères et sœurs coréens qui nous accueillaient nous ont déroulé une saisissante présentation de l’histoire du protestantisme dans leur pays. Témoignant ouvertement à la fois des épreuves et des grâces dont ils ont fait l’objet et des défis qui sont aujourd’hui les leurs, ils nous ont offert là un inspirant exemple d’humilité. C’est probablement de ce genre d’humilité dont nous continuerons à avoir besoin pour faire lucidement face aux défis qui sont les nôtres, dans nos communautés locales ou à l’échelle mondiale, et laisser rayonner Christ à travers nous, en paroles comme en actes.
Saluons finalement l’extraordinaire investissement de tant de frères et sœurs pour nous permettre de nous rencontrer et penser ensemble tous ces enjeux, fût-ce dans les couloirs du congrès. L’Église coréenne, en particulier, a généreusement contribué au financement de l’événement et mobilisé des milliers de bénévoles dans la préparation logistique, le déroulement et la prière continue pour le congrès. Leur serviabilité en a touché plus d’un ! J’ai retenu un mot en coréen : Gamsahamnida ! Merci !
(2) À retrouver sur lausanne.org/accelerate