PAR : Albert Solanas
Membre du comité de rédaction, pasteur à la retraite, Église baptiste de Nîmes

Article paru dans :
Rubrique :
Société
Mots-clés :

Nous vivons, à bien des égards, une époque étonnante. En ce qui concerne la religion, tout un pan de la pensée contemporaine s’évertue à la marginaliser, à en décrire les caractéristiques soi-disant archaïques et les effets à ses yeux infantilisants. Dans cette voie, on dit que, pour évoluer vers la maturité d’êtres libres et autonomes, les humains devraient se débarrasser de la religion.

En même temps, la religion ne cesse d’interpeller. On a rarement autant parlé d’elle et dans tous les sens. Surprenant paradoxe, on voit apparaître des expressions et des pratiques qui, d’un côté, semblent s’enraciner dans la religion, et de l’autre, la repoussent. C’est le cas, entre autres, de la « spiritualité laïque » mais aussi de certaines formes de méditation et même de ce que les Anglais appellent les Sunday assemblies, les assemblées dominicales.

Mots anciens, concepts nouveaux

La spiritualité était, jusqu’à une époque relativement récente, rattachée à la religion. Perçue comme l’expression de l’aspect intérieur de l’être humain, elle désignait son aspiration vers la transcendance, vers tout ce qui le dépasse et qu’il ne peut saisir. Dans cette perspective, la spiritualité s’opposait au matérialisme.

La méditation, quoique moins directement liée à la religion, était aussi un élément de vie intérieure visant, dans une recherche de sens, à mieux comprendre le monde, les autres et soi-même.

L’assemblée dominicale, elle, était typiquement le rassemblement chrétien hebdomadaire, culte, messe, office ou célébration.

Pile de pierres

Spiritualité laïque

En France, sous l’impulsion de penseurs rejetant l’idée de Dieu, on a vu apparaître la notion de « spiritualité laïque », c’est-à-dire de spiritualité non religieuse (André Comte-Sponville et Luc Ferry, entre autres). D’après ses protagonistes, la spiritualité laïque, c’est l’art, la culture, la bonté, l’altruisme, la solidarité et surtout, l’amour. Ceux qui en parlent emploient une métaphore : celle de la marche dans la montagne. Il y a, d’un côté, l’ascension pour atteindre le sommet. Chacun suit sa voie mais on ne peut pas suivre plusieurs voies en même temps. Comment choisir ? Ou même, qu’est-ce que le sommet ? De l’autre côté, il y a la promenade sur les sentiers, latéralement, en croisant plusieurs voies d’ascension, sans même forcément vouloir aller au sommet. Quel sommet d’ailleurs ? Cela correspond au fait de « picorer » dans toutes les spiritualités ce qui intéresse chacun pour se fabriquer sa propre « religion en kit ». On est loin, évidemment, de la spiritualité chrétienne. Pourtant, malgré les fausses pistes et les impasses des voies évoquées, le fait de reconnaître la dimension spirituelle de l’être humain nous semble un aspect positif de la pensée contemporaine.

Méditation

 Méditation

Pour la méditation, nous avons aujourd’hui un éventail assez ouvert de définitions, de concepts et de pratiques qui en font un sujet à la mode. La plupart des « écoles » actuelles de méditation puisent leurs racines dans les religions orientales, notamment le bouddhisme et l’hindouisme, revisités et arrangés à la sauce occidentale. Certaines de ces écoles prônent essentiellement des pratiques physiques ou corporelles (postures, respiration, gymnastique, techniques de relaxation musculaire et mentale). Pour d’autres, il s’y mêle, à des degrés divers, des éléments plus directement liés à des religions orientales. Certaines autres intègrent des pratiques incantatoires et autres invocations plus ou moins mystiques, ésotériques voire magiques. Nous savons la condamnation radicale de l’Écriture sur ces pratiques.

Même si l’on ne s’engage pas sur ces voies, même si l’on s’en tient aux premiers éléments que nous avons décrits, dans la mode actuelle de la « méditation », nous discernons le caractère « autocentré » de cette démarche. Nous reconnaissons volontiers qu’il est normal et même salutaire de réfléchir sur soi-même. Mais c’est un exercice difficile. « Qui connaît ses égarements ? dit le psalmiste à Dieu. Pardonne-moi ceux que j’ignore » (Ps 19.13). Et Paul, en Romains 7, confesse : « Je ne sais pas ce que je fais… » Avant, on méditait forcément sur quelque chose, la méditation, dans son principe, étant une réflexion nécessaire. Maintenant, on découvre qu’on peut méditer sur rien, et que « faire le vide de ses pensées » peut même être un objectif de la méditation. Pourquoi pas ? Cela peut être provisoirement utile. Cependant, n’oublions pas que la nature a horreur du vide ! Nous préférons largement méditer sur ce que Dieu nous dit dans sa Parole. C’est par sa lumière que nous voyons la lumière.

Assemblée dominicale

Il existe enfin la « Sunday Assembly ». Au Royaume Uni, cette assemblée dominicale, de création récente, regroupe des non-croyants désireux de goûter à l’esprit de communauté en se retrouvant ensemble, tout comme dans une église. Des chants (des chansons de variétés), un exposé (un orateur s’exprime sur un sujet qu’il connaît), un moment de recueillement, une quête, cela ressemble à s’y méprendre, à un service religieux classique. L’initiateur de ces « messes athées » déclare : « Nous n’avons ni enfer ni paradis, mais nous avons quelque chose à célébrer : la vie. J’adore chanter, j’adore les paroles intéressantes, j’adore penser à m’améliorer ou à aider les autres…Toutes les composantes des messes sans la divinité. Il y a quelque chose de magique qui se passe quand les gens sont réunis. Si les messes fonctionnent ainsi, c’est qu’il y a Un des symboles une bonne raison, alors, on leur a de l'athéisme piqué le concept… »

Athéisme

 La copie ou l’original ?

Cette recherche actuelle de voies spirituelles prouve à nos yeux cette dimension que le Créateur a inscrite au plus profond de l’être humain. Les efforts pour « copier » des pratiques importantes de la religion chrétienne en éliminant Dieu en fournissent un contre-exemple frappant.

Si, comme nous l’avons dit, nous apprécions dans une partie de la pensée contemporaine, la reconnaissance de la dimension spirituelle de l’être humain, pourquoi rechercher de pâles et notoirement insuffisantes copies de la religion alors que nous avons le privilège de connaître l’extraordinaire et inépuisable original dont Dieu est l’auteur ?

Quelle image a-t-on « réussi » à donner de Dieu pour que certains le rejettent avec autant d’énergie ? N’y a-t-il pas là un superbe défi pour notre témoignage ? ■

Article paru dans :

mars 2016

Rubrique :
Société
Mots-clés :
Article paru dans :