PAR : Cédric Jung
Pasteur, membre du Conseil de l’Association, Église évangélique La Chapelle, Court

Article paru dans :
Rubrique :
Société
Mots-clés :

Ce que l’on nomme parfois le « Web 2.0 » est partout par rapport à son aïeul (oui, sur internet, on peut parler ainsi, même quand il s’agit de dix ou quinze ans), il promeut notamment l’interactivité entre les internautes : chacun est censé devenir lui-même acteur du web. Et c’est ce que nous observons par excellence notamment dans les réseaux sociaux.

Dans les Églises aussi, bien sûr, les chrétiens sont inter-connectés et présents sur de multiples plateformes (en moyenne sept réseaux sociaux par personne !), et l’on voit ainsi apparaître plusieurs profils de chrétien connecté. Peut-être vous seront-ils familiers ?

L’arroseur

C’est ce chrétien qui poste plusieurs fois par semaine ou par jour des versets illustrés, des « vidéos inspirantes », dans l’espoir – sans doute un peu naïf – d’encourager ou d’évangéliser ses amis. En général, l’arroseur ne communique que dans un sens et n’obtient donc que peu d’écoute. Il continue, tel un arrosage automatique, à dispenser sa fine pluie, certes inoffensive mais sans procurer de réel rafraîchissement pour ceux qu’il espère abreuver. L’abonné ou l’ami se lassera en général très vite de ces publications à répétition.

Le glouton

Sur le web, il est celui qui est lui-même abonné à une grande quantité de ressources chrétiennes, dont il estimera que la qualité lui convient. Il parvient à se laisser nourrir régulièrement, et sa foi pourrait devenir dépendante de ses fournisseurs de contenu en ligne. En comparaison, la prédication hebdomadaire de son Église locale pourrait paraître bien fade ; il pourrait même arriver à s’en lasser. La déclinaison en glouton-bavard fait de lui le champion des commentaires sur tous les réseaux, pas toujours très respectueux !

Ordinateur connecté

L’influenceur

Il fait partie intégrante de la planète Web 2.0. Il est « capable d’être un relais d’opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing » (Wikipédia). Et bien sûr, l’influenceur chrétien existe aussi. Mais dans ce cas, quel est le produit qu’il souhaite vendre ? L’Évangile ou bien sa renommée personnelle, chiffrée en termes de followers ? Est-il réellement le prophète des temps modernes ?

Dans le numéro de juin 2022 du magazine Christianisme Aujourd’hui, David Métreau établit une comparaison instructive entre l’influenceur et le prophète : « Le prophète dérange et provoque le scandale quand l’influenceur accompagne le mouvement et tente d’améliorer l’existant, sans rupture radicale. L’un est populaire, l’autre mal-aimé. L’un rassure, l’autre dénonce. »

Notre société tournée vers le bien-être personnel préférera sans doute les publications Tiktok d’un influenceur chrétien plutôt que la voix pertinente d’un prophète inspiré par Dieu pour ici et maintenant. Cependant, peut-on vraiment être prophète sur internet, sans connaître par avance qui écoutera notre voix ?

Le prieur

Celui-ci est bien connu : il exprime sans cesse son intention de prière à l’aide de l’émoji favori des chrétiens : les mains jointes. L’intention est belle, mais est-elle toujours suivie par une intercession fidèle ? Et que dire de tous ceux qui n’ont pas joint les mains après mon message : prient-ils vraiment pour moi ?

Le paparazzi

Le chrétien paparazzi est celui qui capture tous les instants de sa célébrité favorite : lui-même ! On sait tout de lui, même avant de le rencontrer. Les moments de fraternité lors des rencontres de l’Église peuvent en devenir gênants. « Ah oui, j’ai vu que tu étais en vacances en Bretagne. » « Ah oui, j’ai vu que ton papa est décédé. » Le moment d’annonces lors du culte pourrait même en devenir désuet, tellement les informations personnelles circulent.

Le paparazzi se met en scène en sélectionnant avec soin les facettes de sa vie qui seront publiées. Évidemment, le résultat est prévisible : on se construit sa personnalité publique. L’authenticité en pâtirait-elle ? L’enfant de Dieu qui vit une vie qu’il juge moyenne serait-il impressionné par un tel profil ensoleillé, et du coup découragé ?

À l’heure où l’on évoque une nouvelle révolution du Web en 3.0, on ne peut finalement que se réjouir que l’évolution tende vers une plus grande attention portée aux données personnelles, au contenu partagé, à la centralisation toujours plus grande de la part des géants du web. Ceci pourrait bien profiter à tous les chrétiens connectés : promouvoir un contenu respectueux, indépendant, et authentique.

Article paru dans :

octobre 2022

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Société
Mots-clés :
Qu'en penser

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