PAR : Jean-Marc Bellefleur
Membre du comité de rédaction, pasteur, Églises baptistes de Mulhouse et de Saint-Louis.

Article paru dans :
Rubrique :
Société
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Faut-il accepter un regard amusé, voire moqueur, sur nos Églises et notre pratique religieuse ? Question sensible et parfois douloureuse. Néanmoins, si nous entendons placer le message de l’Évangile sur la « place publique », il nous faut aussi accepter la réponse publique, qui peut également être sarcastique. Je ne vois rien d’inacceptable à cela.

C’est ainsi que Le Prophète, un album de Lucky Luke, campe un personnage fort antipathique : un prêcheur véreux, Dunkle le prophète. Ses adeptes vont d’abord être le stupide Rantanplan (le chien !) et le grand Averell, le cérébralement moins doté des quatre frères Dalton, bandits favoris de Lucky Luke.

Couverture

Dès le début, le décor est planté : « Toutes ces communautés fuyaient la vieille Europe et les persécutions et rêvaient de trouver dans l’Ouest compréhension et accueil. C’est ainsi qu’amish, quakers, mormons, darbystes, adventistes, pentecôtistes, scientistes, baptistes, anabaptistes et bien d’autres encore finissaient par trouver leur petit coin de paradis où chacun pouvait vivre selon ses croyances. » On appréciera ce joyeux mélange ! Lucky Luke ne fait visiblement pas de théologie. Les auteurs poursuivent : « Mais si toutes ces Églises étaient parfaitement respectables, d’autres par contre masquaient les louches appétits de faux prédicateurs, illuminés de toutes sortes, profiteurs, charlatans et autres gourous d’occasion… »

L’histoire ? Au début, c’est en prison que l’on trouve Dunkle le prophète. On cerne donc le personnage, tout autant malhonnête que beau parleur. Bien sûr, avec les Dalton, il s’évade. La troupe scélérate arrive à Paradise Gulch, village peuplé de mormons semble-t-il (le pasteur est polygame !). Les Dalton se fondent dans la masse, le prêcheur constitue un groupe d’illuminés, le pasteur s’enfuit… Et vous lirez la suite dans l’album !

Tout y est : l’emprise d’un « gourou » sur les personnes les plus fragiles ; le discours religieux comme outil de manipulation ; la naïveté de communautés religieuses, terrain propice à ces manipulations ; les faux- semblants de prétendus religieux et leurs intérêts matériels…

À vrai dire, cet album met en garde contre des excès et des dérives qui peuvent exister aujourd’hui encore. Avec son humour et son ton moqueur, il dénonce des pratiques à dénoncer.

D’une manière plus générale, je trouve sain d’accepter un regard extérieur – même moqueur parfois – sur nos communautés : des remarques, des critiques, même dures, des interrogations ou des remises en question… Notre foi, si sincère soit-elle, n’exclut pas toute erreur de comportement ou de conception des choses, que des gens extérieurs pourront constater. Merci Lucky Luke !


Le Prophète, album de Lucky-Luke, Morris et Patrick Nordmann (Lucky comics, 2000).

Article paru dans :

février 2023

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Mots-clés :
Églises

Brève histoire de l’Église évangélique baptiste de Besançon

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