PAR : Françoise Pillon
Membre du comité de rédaction, Église évangélique baptiste de Paris-Centre

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Qu'en penser
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Que voulons-nous dire quand nous déclarons : « Je me suis baptisé » ; ou « Tous les péchés sont égaux » ou encore « Dieu seul peut me juger » ? Ou bien quand nous demandons à Dieu de « bénir ces aliments » dans nos chants de table ? Ce que nous appelons le « patois de Canaan » est riche et varié et nous ne sommes pas toujours conscients de ce que nous exprimons avec ces formules utilisées dans nos milieux. Les WET (week-ends de formation théologique pour jeunes adultes) ont eu la bonne idée de se pencher sur elles. L’initiative est originale et le résultat fort réussi, très utile. Les textes sont courts, une dizaine de pages, et très abordables tout en étant profonds, nous poussant à réfléchir.

couverture du livre

Treize jeunes et talentueux théologiens (hommes et femmes) ont reçu une liste d’une cinquantaine d’expressions courantes dans nos milieux évangéliques. Ils en ont choisi chacun une pour l’analyser. Issus de plusieurs unions d’églises, ils exercent leur ministère en France, Suisse, Belgique et même au Canada et se sont formés dans différentes institutions. C’est donc une œuvre d’unité, un travail en commun, même si chacun a « planché » séparément. Notons que deux des pasteurs de notre Association, Lydia Lehmann (Le Cépage à Bruxelles-Ganshoren) et Matthieu Sanders (Paris-Centre), ont contribué à cet ouvrage.

L’objectif de l’entreprise n’est pas de « démolir » la phrase étudiée mais d’examiner si elle est pertinente ou non et comment elle peut être comprise en tout ou partie. Nos auteurs adoptent ainsi la même démarche que celle des juifs de Bérée « qui examinaient chaque jour les Écritures pour voir si ce qu’on leur disait était juste » (Ac 17,11). En cela, comme l’écrit Étienne Lhermenault dans sa préface, « ils font de la bonne théologie tout en se mettant à la portée de tous ».

Cet exercice nécessite un retour constant à l’Écriture. En quoi affirmer que « Dieu aime le pécheur mais pas le péché » ou recommander à quelqu’un : « Aide-toi, le ciel t’aidera » est-il biblique ? Voilà deux expressions qu’il serait bon de scruter : « Est-ce biblique ? » ou « N’est-ce pas biblique ? Au fait, saviez-vous qu’un sondage effectué aux États-Unis révèle que cinquante-deux pour cent de chrétiens pratiquants pensent que cette phrase figure dans les Écritures ? Eh bien moi, je suis de ceux-là ! Est-il vrai que « la foi chrétienne n’est pas une religion mais une relation avec Jésus » ? Que signifient ces expressions à l’emporte-pièce que nous employons bien souvent sans réfléchir à ce qu’elles signifient vraiment ? Bien évidemment, elles contiennent une part de vérité, mais elles sont souvent réductrices et peuvent véhiculer des notions contestables. Illustrons notre propos avec l’examen du slogan qui ouvre le livre, « Tu dois accepter Jésus dans ton cœur », et qu’analyse Matthieu Sanders. L’auteur observe, textes à l’appui, qu’on ne rencontre pas un tel langage dans la Bible. Elle ne nous invite jamais à « accepter » Jésus. Si acceptation il y a, elle vient plutôt de lui. Nous sommes plutôt exhortés à le reconnaître comme notre Sauveur et Seigneur, notre réponse ne conditionnant pas ce salut, et à nous tourner vers lui. D’une certaine manière « accepter Christ » sous-entend qu’on lui fait honneur, renversant ainsi les rôles. Comme le signale Matthieu Sanders, le fait que cette notion d’acceptation n’appartienne pas au langage biblique devrait nous alerter sur l’utilisation que nous en faisons. Par ailleurs, dans l’expression « accepter Jésus dans son cœur » le terme « cœur » risque d’être mal compris. De nos jours, il évoque la plupart du temps le siège des émotions. Or dans la conception biblique, le cœur désigne l’être tout entier. Cela implique que le salut ne concerne pas seulement notre âme ou notre esprit mais notre personne tout entière, y compris notre corps. Ne prions-nous pas souvent Dieu de sauver des âmes ? Qu’entendons-nous par là ? Cet exemple nous montre combien il est important de revenir au contexte, d’étudier le vocabulaire en cherchant son sens premier, de nous interroger pour discerner si ce que nous professons, affirmons, soutenons est vrai. Cette approche nous expose à une remise en question de ce que nous pensons et croyons. Elle est exigeante et nécessite un approfondissement de notre connaissance biblique, une étude de l’histoire de l’Église et de la transmission des doctrines chrétiennes.

Les auteurs de ce livre nous donnent des clés pour effectuer ce travail qui nous paraît indispensable pour progresser dans notre connaissance de Dieu. De plus, les chrétiens évangéliques sont maintenant plus visibles et donc plus souvent sur la sellette. Il leur est souvent reproché une foi infantile et sans réflexion. Cette critique n’est pas toujours infondée. Cet ouvrage peut nous aider à l’aller de l’avant pour montrer que nous sommes capables de discernement et d’approfondissement. Nous attendons le tome II.


Parlons mieux ! BLF Éditions, 2021, 160 p. 14,90 € (version papier), 9,90 € (version électronique)

Article paru dans :

avril 2021

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