PAR : Léo Lehmann
Membre du comité de rédaction Église de Bruxelles-Stockel

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À Bible ouverte
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Vous avez probablement déjà entendu parler d’Hébreux 11 et de sa célèbre galerie des « héros » de la foi. Abel, Hénoc, Noé, Abraham, Sara, Joseph, Moïse, le peuple d'Israël, Rahab… C’est toute une partie de l’Ancien Testament qui défile sous nos yeux pour nous dire un peu plus ce qu’est cette foi que l’auteur définit ainsi au début de son chapitre : « La foi est une façon de posséder ce qu'on espère, c'est un moyen d'être sûr des réalités qu'on ne voit pas. C'est parce qu'ils ont eu cette foi que les hommes des temps passés ont été approuvés par Dieu. » (Hébreux 11.1-2).

fillette devant une maison

Au fil de l’histoire d’Israël, des hommes et des femmes ont placé leur confiance en Dieu, et cela leur a valu d’être comptés comme justes à ses yeux. Mais j’aimerais m’arrêter un peu plus sur la fin de ce chapitre, qui met en relief quelque chose que l'on pourrait presque manquer dans le reste du texte, en tout cas si l'on ne connaît pas bien les histoires des différents personnages cités. Je vous invite à relire Hébreux 11, les versets 32-40.

Une foi aux apparences contradictoires

Après une trentaine de versets, l’auteur aux Hébreux voit bien qu’il pourrait encore longuement poursuivre sa liste. Mais il lui faut conclure. Il cite encore quelques noms au verset 32, mais le temps et l’espace lui manquent. Il propose alors deux résumés très contrastés de ce qu’il a à dire sur la marche dans la foi.

lion. D’autres sciés en deux : c’est le sort que la tradition attribue à Ésaïe, tué par le roi Manassé. D’autres encore ont mené une vie d’errance, dans le dénuement : ce fut le sort de David à certains moments de sa vie. De même pour Élie, ou Jean-Baptiste.

Là encore, ce ne sont que quelques évocations que nous offre l’Épître aux Hébreux, mais le sens est clair : la foi, si grande soit-elle, n’offre aucune garantie de succès selon les critères humains. Certains de ses plus éminents porteurs ont fini très loin de ce que le commun des mortels espère pour soi-même ou ses proches.

Jusqu'à aujourd'hui, il en va ainsi. Dans certains coins du monde, on construit des Églises immenses pour rassembler les foules, la foi peut être propagée abondamment et avec succès. Beaucoup a été dit le mois dernier sur la manière dont la foi a pu être vécue jusque sur le trône du Royaume Uni. Mais d'autres sont persécutés, réduits à la misère. C'est toute l'histoire de l’Église qui oscille entre ces deux faces.

Et quelle que soit l’issue de leur foi, tous ces frères et sœurs ont été approuvés par Dieu à cause de leur foi. Dans l’abondance ou dans la misère, tous étaient héritiers d’une réalité bien plus grande à venir : « Dieu a approuvé tous ces gens à cause de leur foi, et pourtant, aucun d'eux n'a reçu ce qu'il leur avait promis. » (Hé 11.39).

Une foi au-delà du visible

Ce que nous apprenons ici, c’est que la foi n'est pas toujours visiblement récompensée. « Par la foi, nous marcherons. Par la foi, nous triomphons. Par la foi, mon rédempteur me rendra plus que vainqueur, » dit un de nos anciens cantiques. « Mets ta confiance en Dieu, et il agira. » (Ps 37.5). C'est ce que nous enseigne la Bible, et ce que Dieu nous fait la grâce d'expérimenter à bien des occasions. Mais avoir la foi n'est pas une assurance tout risque.

croix

Notre société mesure les gens à leur succès… Et nous sommes tentés de mesurer notre parcours de foi et celui de ceux qui nous entourent à la même aune. Mais la vie chrétienne ne peut être analysée ainsi. La foi ne peut pas simplement être rapportée à ses résultats visibles. Oui, nous triomphons, mais ici-bas le triomphe a parfois pris la forme d’une croix.

Ce n'est pas votre réussite qui est la mesure de votre foi. Ce n'est pas parce que vos affaires marchent bien que vous avez la foi. Ce n'est pas parce que vous êtes en bonne santé que vous avez la foi. Ce n'est pas parce que vos enfants réussissent à l'école que vous avez la foi… Ce n'est pas parce que votre Église fonctionne à merveille et grandit que vous avez la foi… Ce ne sont pas même les miracles qui manifestent la grandeur de votre foi. Toutes ces choses peuvent être des grâces de Dieu, mais elles n'authentifient pas la profondeur de notre foi…

À l’inverse, la foi peut être source de persécution. Elle peut être source de difficultés. Elle peut être source de souffrances, de mépris, de mise à l'écart…

Mais la foi est ce par quoi nous voyons au-delà des obstacles et des circonstances présentes en faisant confiance à Dieu. La foi est ce par quoi nous sommes amenés à faire des choses que nous avions crues impossibles parce que nous faisons confiance à notre Seigneur pour qu'il accomplisse ce qu'il a promis. La foi nous rend capables de sortir des chemins balisés, de faire autrement que ce que notre monde nous prescrit, parce que nous croyons que Dieu est là et qu'il a autre chose pour nous.

C'est ce qu'ont fait ces hommes et ces femmes… Ils n'ont pas regardé à leur succès, à leurs facilités, ou à leurs échecs apparents. Ils ont regardé à Dieu qui avait promis autre chose, une réalité meilleure. Ils ne se sont pas laissé captiver par ce monde qui voulait régir leur vie. Ils se sont laissé orienter par Dieu, espérant ce quelque chose de meilleur qu’évoque le v. 35 : la résurrection.

Une foi qui nous inspire

Je ne sais pas comment ce texte de l’Écriture résonne pour vous. Certains se sentent inspirés par cette « nuée de témoins » qui nous ont précédés. Nombreux sont ceux qui espèrent à leur tour accomplir des exploits dans notre monde. D'autres se sentent tout petits… Comment pourraient-ils être à la hauteur ?

Les deux attitudes, inspiration ou crainte, pourraient être réconciliées en nous mettant face à la réalité… Dans le concret de notre vie, il y a bien des espaces pour commencer avec de petits pas de foi, et largement de quoi mettre au défi ceux qui auraient soif d’aventures. Les dragons à terrasser ne manquent pas, à commencer par ceux qui rugissent dans notre propre cœur.

Ces personnages d’Hébreux 11 ne sont pas des gens qui ont du jour au lendemain eu une foi inébranlable. Leur parcours est semé d'embûches, de doutes, d'hésitations… Leurs histoires en rendent témoignage. Mais peu à peu, décision après décision, ils ont placé leur confiance en Dieu, toujours plus pleinement. Cela commence au quotidien…

homme effectuant le ménage

Il n’y a pas besoin de triompher d’une armée pour pouvoir dire qu'on a la foi… Et rien ne sert de dire que nous avons la foi pour mettre en déroute une armée si notre foi ne peut pas se mettre en route aujourd'hui pour aimer, pour se repentir, pour pardonner, pour avancer, même dans les petites choses.

La foi est ce qui nous fait obéir aux commandements de Dieu même s'ils ne nous paraissent pas les plus faciles ou avantageux dans l'immédiat. Elle est ce qui nous permet de croire qu'avec Dieu il y a encore de l'espoir malgré la maladie, dans la souffrance, dans les difficultés relationnelles. Elle est ce qui nous autorise à remettre en cause nos schémas de pensée bien ficelés, à abaisser nos défenses, à nous ouvrir à l’autre.

La foi est ce qui nous permet de persévérer dans cette « longue obéissance dans la même direction », pour reprendre cette formule qu’Eugène Peterson emprunte à Nietzsche dans son commentaire sur les Psaumes des montées.

Quels pas de foi se trouvent aujourd’hui devant vous ? Peut-être s’agit-il de persévérer dans de bonnes habitudes. Peut-être s’agit-il d’en développer de nouvelles. Peut-être avez-vous des décisions à prendre, des personnes à voir, des démarches à entreprendre.

D’une certaine manière, la foi s’inscrit dans des choses aussi simples que se lever le matin. Continuer à croire que, malgré les absurdités de ce monde, malgré les souffrances, il y en a un qui n’a pas perdu le sens de tout cela, et qui sait où il nous conduit. Croire que, malgré toutes les adversités, en Jésus-Christ, notre peine ne sera pas vaine (1 Co 15.58). Le croire, que le soleil luise sur notre vie ou que la grisaille nous entoure.

Par la foi… Il n’est pas toujours facile de faire le prochain pas. « Commence par faire le nécessaire, puis fais ce qu'il est possible de faire, et tu réaliseras l'impossible sans t'en apercevoir » aurait dit François d’Assise. En Dieu, ce genre de choses est bel et bien imaginable. Ce que l’Éternel fait avec nous dépasse notre entendement, et prête à conséquence bien au-delà de ce que nous pouvons imaginer, mais cela lui appartient.

Oui, pour marcher par la foi il nous faut bel et bien voir au-delà du visible, porter notre regard sur ces « réalités qu’on ne voit pas ». Nos vies sont bien remplies avec toutes sortes de choses très visibles qui nous accaparent, nous séduisent ou nous effraient. Mais par la foi, nous sommes appelés à voir plus loin. La foi de nos ancêtres, cette foi qui place ce que dit Dieu avant tout le reste, est appelée à nous inspirer. Elle peut aujourd'hui encore changer notre quotidien…

Un Sauveur pour espérer

Que ce soit dans le succès apparent, ou des confins où le monde les avait relégués, ceux dont parle l’Épître aux Hébreux ont marché dans la foi sans en voir le fruit ultime. D’une certaine manière, il peut en être de même pour nous, qui marchons encore ici-bas dans bien des ténèbres. Mais cette lettre contient un encouragement tout particulier à notre égard : notre foi est dans l’attente, mais un peu moins que celle de nos prédécesseurs.

« C'est que Dieu avait prévu quelque chose de meilleur pour nous : ils ne devaient donc pas parvenir sans nous à la perfection » (Hé 11.40).

Tout le propos de l'Épître aux Hébreux est celui-ci : il y a eu une ancienne alliance au sein de laquelle certains ont marché dans la foi, mais elle a fait place à une nouvelle, bien meilleure, en Jésus-Christ. À ce sujet, nous avons la grâce d’en savoir bien plus que tous ceux que cite Hébreux 11. Il serait malheureux que cette connaissance ne nous entraîne pas à notre tour sur le chemin de la foi.

En Jésus-Christ, s’est révélé le visage du Dieu en qui nous pouvons placer notre foi. Il a vécu loin des hauteurs que nous sommes si prompts à convoiter, et est venu au plus proche des êtres humains, même dans les conditions les plus humbles. À la Croix, paradoxal triomphe de sa foi, il nous a manifesté toute l’étendue de son amour pour nous, cet amour qui, bien au-delà d’un vague sentiment, s’est engagé pour notre bien. Il nous a sauvés.

C’est en lui qu’est placée notre foi. Alors oui, cela ne nous garantit rien sur la tournure que prendra notre marche. Mais nous en retirons la tranquille assurance que celui qui nous conduit nous aime et ne nous lâchera pas.

Jeune homme au bord d'un rebord

Nous avons un Sauveur qui nous a manifesté son amour, et à qui nous pouvons tout remettre. Que nous aboutissions sur un trône ou dans une grotte, notre plus grande satisfaction sera de nous savoir là où il nous veut, confiants en lui.

Article paru dans :

octobre 2022

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