PAR : Jean-Marc Bellefleur
Membre du comité de rédaction, pasteur, Églises baptistes de Mulhouse et Saint-Louis.

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L’Église La Bonne Nouvelle de Saint-Louis participe, chaque mois de mai ou juin, à la Marche pour la paix, une manifestation interreligieuse organisée par la Ville. Retour sur expérience.

On se rassemble devant la mairie, en attendant Madame le Maire. Je vais saluer le rabbin, nous échangeons quelques mots. Puis le président de la mosquée vient nous saluer à son tour. Je retrouve un certain nombre de personnes de notre Église, et de l’Église mennonite voisine, et, tiens ! le pasteur protestant, quelques paroissiens connus. Et voici le prêtre catholique et quelques autres personnes connues aussi. Petit à petit, le groupe s’agrandit. On se salue, un peu timidement, on cherche du regard des personnes que l’on connaît déjà. De petits cercles de discussions se font naturellement.

affiche

En plusieurs villes d’Alsace, la laïcité se vit ainsi : les religions ensemble, sur un pied d’égalité, participent ici à un calendrier interreligieux, là à un cycle de conférences, et à Saint-Louis notamment à une Marche pour la paix.

Depuis de longues années, c’est bien la Ville de Saint-Louis qui organise cette manifestation. Elle souhaite ainsi promouvoir le « vivre ensemble », la paix entre les différentes communautés religieuses et l’ensemble de la population. Car même dans une région à la culture locale bien présente, des personnes d’origines très diverses vivent, travaillent, font société. Et pour parer à tout communautarisme, toute tension interreligieuse, pour donner droit de cité à chacune et chacun, on marche ensemble et on le montre.

La Marche pour la paix suit un parcours en pleine ville depuis la mairie jusqu’à un petit centre de congrès. Derrière une banderole portée par la maire, ses adjoints et les représentants des religions, une ou deux centaines de personnes défilent. Pas de sifflets ni de slogans, juste se montrer.

Montrer que l’on marche ensemble. Qu’on veut la paix ensemble.

Dans nos milieux évangéliques, tout le monde n’est pas très à l’aise avec ce genre de manifestation, de voisinage avec d’autres religions. Il est vrai que ce n’est pas toujours simple ! Les relations avec nos amis juifs peuvent être assez contrastées. Les opinions sur la politique actuelle d’Israël s’entrechoquent avec telle ou telle lecture des textes de la Bible. Mais ce sujet est complexe aussi pour les Juifs eux-mêmes ! Le sort des Palestiniens est évoqué lui aussi selon des points de vue qui peuvent être très opposés. Et ainsi, les relations avec les musulmans, dans le défilé, que vont-elles donner ? Sans parler de certains mouvements musulmans qui se montrent souvent envahissants, et ces terribles persécutions des chrétiens dans certains territoires musulmans. Quelle posture adopter ?

Pour ma part, je trouve ma place à l’écoute d’une béatitude de Jésus rapportée par Matthieu (5.9) : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. » Les personnes que j’ai autour de moi, quelle que soit leur religion ou leur origine, sont des créatures du Dieu que je sers et sont aimées de lui. Mon rôle auprès d’elles est d’être témoin de mon Dieu, de Jésus qui apporte la grâce du pardon. Témoin par l’attitude, le respect, par quelques explications, quelques réponses, quelques réparties, quelques traits d’humour, quelques mots de foi, quelques mots de sympathie ou de compassion. Témoin en étant accessible, constructif, en favorisant le dialogue.

La marche dure une petite heure. Nous arrivons au centre de congrès. Madame le Maire se fend d’un discours républicain qui donne le ton : nous voulons ensemble une laïcité d’intelligence, où les religions cherchent à se comprendre, prennent le temps de s’écouter, prennent leur place en société, dans le respect des principes républicains. Cette laïcité-là plutôt que celle – selon une définition contestable – qui interdit aux religions une quelconque présence visible en société, et encore moins un rôle sociétal.

Bon. Nous sommes en « droit local », c’est-à-dire toute une série de dispositions particulières juridiques, fiscales, administratives, dues à l’histoire de notre région. Selon ces dispositions, il existe des cultes « reconnus », dont les représentants sont invités aux commémorations de l’Armistice par exemple, à savoir le culte catholique, luthéro-réformé, et israélite ; et des cultes « non reconnus », comme nous, les évangéliques, ou les musulmans. Il faut vraiment faire de l’histoire pour comprendre… Passons. Il s’agit là d’une spécificité qui conduit très naturellement à cette laïcité d’intelligence. Mais il faut souligner que dans sa démarche, la Ville associe tous les cultes, les « reconnus » et les autres, aux différentes rencontres interreligieuses.

Et nous considérons qu’il est important de répondre « présent » aux invitations de la Ville ! Quelle image donnerions-nous à refuser de participer à une Marche pour la paix, nous qui avons Jésus pour Seigneur, le Prince de paix ? Il y va de notre crédibilité en tant que communauté chrétienne.

Après le discours municipal, la Chorale de la paix, nombreuse et accompagnée par l’école de musique tirée à quatre épingles. Chorale éphémère, à laquelle un certain nombre de chrétiennes et de chrétiens participent. Des chants choisis, de beaux efforts, un rendu plutôt ému, un tableau magnifique. Moment de fraternité humaine que j’apprécie toujours.

Puis l’on termine comme on a commencé, en se saluant, en échangeant quelques mots, en faisant du lien, en ouvrant des portes, en créant du réseau, en tendant des mains, au sens propre comme au sens figuré. Non sans avoir dégusté des Hallot, les délicieux pains de shabbat offerts par la communauté israélite.

Je pense que notre place est là, tout autant que lorsque nous proclamons le message du salut en Jésus, que lorsque nous nous réunissons pour chanter les louanges de Dieu et méditer sa Parole, ou que nous nous impliquons dans la bienfaisance.

Je repars… en paix. Content d’avoir montré mon désir d’un monde qui vive un peu mieux la paix dont je juge, moi chrétien, que c’est Dieu qui la donne véritablement.

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novembre 2024

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Léo Lehmann
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