Les vocations
Nous célébrons parfois, dans nos Églises, des cultes à dominante missionnaire. Il nous arrive aussi de recevoir, en semaine, des missionnaires qui viennent nous parler de leur travail, du pays qui leur tient à cœur. Ils ont construit des puits, traduit la Bible, fondé des hôpitaux, secouru les persécutés, formé des pasteurs, mangé des fourmis et des rats, attrapé le paludisme ou la dengue. Ils nous remplissent d’admiration.
Il est moins fréquent qu’un pasteur nous entretienne de son travail en France. Il est, certes, quelqu’un qui compte dans la vie d’une Église, sinon il ne serait pas là. Si, dans la vie sociale, son statut a perdu de son éclat, dans l’Église le pasteur est respecté.
Pourtant, que dirions-nous, en tant que parents, si notre enfant nous annonçait son désir de devenir pasteur ou missionnaire ? Beaucoup d’entre nous seraient sans doute dubitatifs. Pour toutes sortes de raisons : nous avions envisagé qu’il fasse de bonnes études et embrasse une belle carrière avec un salaire intéressant ; nous voulions qu’il reste toujours proche de nous, qu’il nous donne de gentils petits-enfants ; nous sommes conscients qu’en France, un pasteur ne rencontre pas beaucoup de considération sociale, est dans une situation professionnelle instable et peut être le point de mire de tous les mécontentements. Par ailleurs, un missionnaire est, dans certains pays, exposé au danger. Les motifs pour rendre plusieurs inquiets voire carrément hostiles sont nombreux.
Et vous, les jeunes : si quelqu’un vous encourageait à entreprendre des études qui vous conduiraient à servir la cause de Christ à plein temps, quelle serait votre réaction ? Identique à celle de vos parents ? Avec, sans doute, des raisons supplémentaires : ce n’est pas mon don ; je ne veux pas occuper un poste de responsabilité ; je ne veux pas me démarquer des autres. Vous constatez que le pasteur de votre Église s’emploie à beaucoup de choses : enseignement biblique, fonctionnement de l’association, évangélisation, enterrements, cohésion de l’ensemble... Vous ne vous sentez pas à l’aise avec cette polyvalence, vous préférez être spécialiste dans un domaine, un seul.
Réfléchissons un peu. Quel avenir y a-t-il pour une Église où ni les jeunes ni leurs parents ne peuvent envisager un service pour Dieu à plein temps ? Depuis quelques années, de nombreux pasteurs partent à la retraite et leurs successeurs se font rares. La crise n’est actuellement pas flagrante. Cependant, des Églises et des œuvres ont déjà du mal à recruter des collaborateurs. Dans dix ans, ce sera la famine. N’y a-t-il pas là quelque chose d’inquiétant chez nous, si nous ne pouvons pas ou nous ne voulons pas former des jeunes pour prendre la suite ? C’est comme si les valeurs terrestres avaient à nos yeux plus d’importance que les valeurs éternelles.
On déclare qu’il n’y a plus guère de vocations. Dieu n’appellerait-il donc plus grand monde ? Ou aurions-nous mal compris la notion de l’appel ? Et qu’est-ce que qu’un appel, au juste ?
La notion d’appel
Le cas de Jérémie
Réfléchissons à un premier appel, celui du prophète Jérémie. Il est relaté en Jé 1.4-10 :
L’Éternel m’adressa la parole en ces termes : Avant de t’avoir formé dans le sein de ta mère, je t’ai choisi ; et avant ta naissance, je t’ai consacré : je t’ai établi prophète pour les nations. Je répondis : Hélas, Seigneur Éternel, je ne sais pas m’exprimer, car je suis un adolescent. Mais l’Éternel me répondit : Ne dis pas : « Je suis un adolescent » ; tu iras trouver tous ceux auprès de qui je t’enverrai, et tu leur diras tout ce que je t’ordonnerai. N’aie pas peur de ces gens, car je suis avec toi pour te protéger, l’Éternel le déclare. Alors l’Éternel tendit la main et me toucha la bouche, et il me dit : Tu vois : je mets mes paroles dans ta bouche. Sache que je te confie aujourd’hui une mission envers les nations et les royaumes : celle d’arracher et de renverser, de ruiner et de détruire, de construire et de planter.
Voilà un exemple classique. Jérémie est conscient de sa jeunesse mais Dieu l’appelle, il ne peut qu’obéir. Dans l’Ancien Testament, Moïse et Samuel ont reçu des appels similaires. Dans le Nouveau Testament, nous pourrions évoquer l’apôtre Paul, qui a lui aussi reçu une vision de ce type. Quant à Matthieu, il est appelé par Jésus, alors qu’il comptait les recettes de son poste de péage.
Quel est donc le problème ? Ce sentiment d’être appelé varie selon les personnes. Certains sont persuadés avoir été choisis, alors qu’ils causent des dégâts considérables autour d’eux. D’autres seraient disponibles mais, faute de message spectaculaire, restent sur le banc de touche.
Le cas d’Ésaïe
Évoquons maintenant l’appel d’Ésaïe. Nous connaissons sa vision de la sainteté de Dieu, au chapitre 6, nous la chantons même. La suite est intéressante. Dieu demande : « Qui enverrai-je ? Qui marchera pour nous ? » Et Ésaïe répond : « Moi voici, envoie-moi. » Il n’a pas été réquisitionné comme Moïse ou Jérémie. L’appel de Dieu était très général. Ésaïe était disponible et s’est porté volontaire. On pourrait rétorquer qu’il n’avait guère le choix, après sa vision dans le Temple. Cependant, Moïse, après avoir rencontré Dieu dans le buisson ardent, riposte : « Seigneur, envoie quelqu’un d’autre. » Ésaïe, lui, dit : « Envoie-moi. »
Il y aura ainsi des vocations semblables : un besoin, un appel très général et une disponibilité à servir. Ce fut le cas d’un jeune Anglais qui, en 1970, cherchait sa voie. La seule voix qu’il a entendue était celle d’un responsable d’Opéra-tion Mobilisation qui, dans une salle de cinéma de Reims, lui demanda de rester une année supplémentaire. La certitude de l’appel de Dieu lui est venue progressivement à partir de cet instant et l’a conduit dans le Berry, en Bretagne puis en Seine-et-Marne.
Qui, aujourd’hui, est ouvert et prêt à ce que Dieu ouvre de nouveaux horizons ? C’est peut-être par cette disponibilité que viendra son appel.
Le cas de Paul et Barnabas
Nous trouvons une troisième forme d’appel dans le livre des Actes (13.1-3) :
Il y avait alors, dans l’Église d’Antioche, des prophètes et des enseignants : Barnabas, Siméon surnommé le Noir, Lucius, originaire de Cyrène, Manaën, qui avait été élevé avec Hérode le gouverneur, et Saul. Un jour qu’ils adoraient ensemble le Seigneur et qu’ils jeûnaient, le Saint-Esprit leur dit : Mettez à part pour moi Barnabas et Saul pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés. Alors, après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains et les laissèrent partir.
L’Église d’Antioche ressemblait un peu aux Églises multiculturelles de la région parisienne. Barnabas et Saul, Juifs de souche, venaient l’un de Chypre, l’autre de la Turquie. Siméon le Noir était peut-être originaire du sud du Sahara. Lucius, qui provenait d’Afrique du Nord, portait un nom romain : il était peut-être berbère. Menaën avait des origines illustres puisqu’il était le frère adoptif d’Hérode Antipas, gouverneur de la Galilée. L’Église d’Antioche comprenait des gens de classes et de races différentes.
Et voilà que le Saint-Esprit appelle non pas Paul et Barnabas directement, mais l’Église. « Mettez à part pour moi Barnabas et Saul pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés. » C’est par l’Église que vient l’appel. C’est l’Église qui les envoie. Il est vrai que Barnabas et Saul étaient déjà actifs dans l’œuvre de Dieu. Paul, sur le chemin de Damas, avait reçu un appel dont il ne peut absolument pas douter. Néanmoins, au seuil de cette nouvelle étape, Dieu a parlé par l’intermédiaire de l’Église.
L’appel divin prend donc différentes formes.
Les besoins existent-ils vraiment ?
Prenons pour exemple une Église de taille moyenne. Sans pasteur, elle tournera bien pendant un certain temps avec ses anciens, ses diacres et autres membres compétents. Heureusement, l’Église mobilise une grande variété de talents et de personnes pour assurer sa bonne marche. Toutefois, si l’on interrogeait les responsables de cette communauté pour savoir s’ils aimeraient rester longtemps sans pasteur, leur réponse serait la plupart du temps négative. Prenons ensuite l’exemple d’une Église pionnière. À vingt ou trente personnes, on s’aime, on tourne, on n’a pas de grandes ambitions, on peut rester bien au chaud comme cela. Mais si on a des ambitions pour Dieu, si on aspire à annoncer l’Évangile et voir l’Église grandir, il faut des personnes disponibles et formées bibliquement pour cela : un missionnaire américain ou un pasteur français, par exemple. En banlieue parisienne, après une semaine de travail, la plupart des gens n’ont pas la disponibilité ou l’énergie qu’il faut pour amener une Église pionnière plus loin. Pour progresser, il leur faut un ministère à temps partiel voire à plein-temps.
Comment se fait-il qu’il y ait si peu d’Églises évangéliques dans certains départements français, dans l’Indre ou dans le Morbihan ? Comment se fait-il qu’il y ait si peu d’Églises évangéliques pour témoigner de l’Évangile dans certaines villes de banlieue ? Et comment se fait-il qu’il y ait si peu d’Églises pour les habitants de l’Inde, du Japon, de la Turquie ou des Philippines ?
Il existe un même Dieu pour tous, Jésus-Christ est venu pour tous. Il existe une même vérité pour tous, un même salut pour tous. Et pourtant, il reste de grands besoins. Écoutons l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains (10.9-15a) :
En effet, si de ta bouche, tu déclares que Jésus est Seigneur et si dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé, car celui qui croit dans son cœur, Dieu le déclare juste ; celui qui affirme de sa bouche, Dieu le sauve. En effet, l’Écriture dit : Celui qui met en lui sa confiance ne connaîtra jamais le déshonneur. Ainsi, il n’y a pas de différence entre Juifs et non-Juifs. Car tous ont le même Seigneur qui donne généreusement à tous ceux qui font appel à lui. En effet, il est écrit : Tous ceux qui feront appel au Seigneur seront sauvés.
Mais comment feront-ils appel à lui s’ils n’ont pas cru en lui ? Et comment croiront-ils en lui s’ils ne l’ont pas entendu ? Et comment entendront-ils s’il n’y a personne pour le leur annoncer ? Et comment y aura-t-il des gens pour l’annoncer s’ils ne sont pas envoyés ?
Le besoin de serviteurs pour annoncer l’Évangile est criant. Ils doivent être formés, envoyés, soutenus, encouragés.
Nous sommes tous concernés
L’appel de Dieu prend différentes formes. Les besoins sont réels. Ils augmentent en France. Nous sommes tous concernés.
Nous devons prier Dieu d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. Ce n’est pas une option, c’est un ordre de Jésus-Christ. Nous avons une mission à remplir envers le monde entier. Nous devons prier pour que davantage de personnes soient envoyées pour porter la Bonne Nouvelle dans le monde. Quand nous sommes sur la route et que nous traversons une ville, prions pour qu’il y ait des ouvriers dans la moisson. Quand nous entendons parler d’un pays ou d’un missionnaire, prions pour que Dieu envoie des ouvriers dans la moisson.
Nous devons trouver l’argent nécessaire pour le développement des Églises pionnières, la formation des jeunes, le financement des écoles bibliques et des étudiants. Pour porter l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre, il faut beaucoup investir.
Nous devons aussi penser à des personnes précises. Il s’agira peut-être d’un jeune, aujourd’hui engagé dans les Flambeaux ; un étudiant qui cherche sa voie ; un adulte qui se sent de plus en plus concerné. Dans nos Églises, sommes-nous prêts à les encourager ? Et dans nos familles chrétiennes ? Sommes-nous prêts à laisser partir quelqu’un que nous aimons ? À Gord l’envoyer ? En serions-nous fiers ?
Et si c’était à toi que Dieu parlait alors que tu lis cet article ? Tu ignores en partie quels sont tes dons, mais tu es prêt à servir ici ou là en attendant que les choses se précisent davantage ? Tu sens que tu peux approfondir ta connaissance de la Bible, tu te demandes comment te former ? Tu es sensible aux besoins spirituels de nos banlieues, de notre pays, du monde ?
Ne réponds pas que Dieu ne t’a pas appelé. Reste simplement disponible. Le Royaume de Dieu a besoin de toi. Pour chanter dans la chorale ou pour enseigner les enfants ; pour évangéliser aux Philippines ou en France.
Conclusion
À la fin de sa vie, l’apôtre Paul a écrit une dernière lettre, la deuxième épître à Timothée. Voici ce que nous y lisons (2Tm 2.1-8) :
Toi donc, mon enfant, puise tes forces dans la grâce qui nous est accordée dans l’union avec Jésus-Christ. Et l’enseignement que tu as reçu de moi et que de nombreux témoins ont confirmé, transmets-le à des personnes dignes de confiance qui seront capables à leur tour d’en instruire d’autres.
Tel un bon soldat de Jésus-Christ, prends, comme moi, ta part de souffrances. Celui qui s’engage dans une expédition militaire ne s’embarrasse pas des affaires de la vie civile, afin de donner pleine satisfaction à l’officier qui l’a enrôlé. On n’a jamais vu un athlète remporter le prix sans avoir respecté toutes les règles. C’est au cultivateur qui travaille dur d’être le premier à jouir de la récolte. Réfléchis bien à ce que je te dis et le Seigneur te donnera de comprendre toutes ces choses.
Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts, descendant de David, conformément à l’Évangile que j’annonce.
Souviens-toi de Jésus-Christ et dis-lui que tu es disponible pour que son message aille jusqu’aux extrémités de la terre. ■