Les jouets ont-ils un genre ?
Noël… et ses jouets ! On en pense ce qu’on veut, mais nous recevons tous en ce moment, dans nos boîtes à lettres, des catalogues de jouets. Or j’ai observé dans plusieurs d’entre eux(1) que les articles ne sont plus classés en « jouets pour filles » et « jouets pour garçons », mais par type d’activité ou par âges. On y voit des filles et des garçons jouer à la dînette et des garçons et des filles bricoler avec une perceuse en plastique. Car une Charte d’engagements volontaires pour une représentation mixte des jouets vient d’apparaître en France !
Anodin, me direz-vous. Je ne le crois pas. Pendant des années, ces catalogues de jouets ont fait écho à notre société et ont véhiculé des stéréotypes de garçon et de fille : le garçon bricole, la fille cuisine, etc. Car il y a encore quelques dizaines d’années, on ne concevait pas de femmes ingénieures ou d’hommes cuisinant à la maison. Les rôles des femmes étaient domestiques ou encore dans l’aide à la personne ; celui des hommes dans la politique, l’industrie, la technique, l’administration…
Non que je conteste la différenciation des genres, comme on en voit des tentatives parfois outrancières aujourd’hui. Quelle beauté que celle d’une société mixte, colorée de toutes ses différences, y compris celle entre les hommes et les femmes. Dieu, créant l’humain – c’est au singulier en hébreu – « à son image », l’a créé « homme et femme » (Ge 1.27). Ce texte fondateur dit bien que les femmes et les hommes constituent l’humanité à parts égales.
En revanche, j’affirme que cette différenciation a été le prétexte à trop de stéréotypes dont il est profitable de se libérer. Au cours du XXe siècle, on a véhiculé des thèses comme celle qui réduit les femmes à la maternité(2), faisant d’elles des êtres émotionnels et instables. Ou encore celle qui fait de « n’importe quel époux » une personne « apte à instruire et à guider sa conjointe dans les domaines les plus divers, depuis la gestion du budget familial jusqu’aux plus hautes questions philosophiques(3)». Alors forcément, les jouets pour filles, ce sont des poupées, et les jouets pour garçons, ce sont des voitures.
Or on peut être femme non seulement en s’occupant de son enfant, mais aussi dans sa manière d’être ouvrière, docteure, technicienne, citoyenne, et j’en passe. On peut être homme non seulement en étant employé dans une banque, mais aussi en faisant la cuisine avec ses enfants, en pleurant devant un film et en n’aimant pas bricoler. Il y a autant de manières d’être un homme ou une femme qu’il y a d’hommes et de femmes.
Alors oui, j’apprécie que les catalogues de jouets ne donnent pas de genre aux jouets. Qu’ils laissent libres les petits garçons et les petites filles de choisir ce qu’ils aiment. Que cela soit le signe que nous tous, créatures de Dieu, pouvons vivre l’infinie richesse de notre Créateur au travers de nos différentes manières d’être homme ou d’être femme. ■
(1) Mention particulière pour le catalogue de Jouéclub, qui fait preuve d’un bel effort d’illustration.
(2) « La femme est une matrice », affirmation de Michelet en 1846, qui « fait fureur bien au-delà de 1900 » (Un siècle d’antiféminisme, sous la direction de Christine Bard, Fayard, 1999, p. 73).
(3) Un siècle… p. 77.