PAR : Françoise Pillon
Membre du comité de rédaction, Église évangélique baptiste de Paris-Centre

Article paru dans :
Rubrique :
Point de vue
Mots-clés :

Le spectacle affligeant auquel nous avons assisté, dans l’hémicycle ou sur les plateaux radio, au sujet de la réforme des retraites, a déclenché chez moi des sentiments de révolte. Lors de certains débats j’ai entendu des « experts » rendre quasi responsables de la situation actuelle les « baby-boomers » (nés entre 1943 et 1960). Ils auraient mangé la laine sur le dos des générations suivantes et profiteraient égoïstement des avantages qu’ils ont acquis. Je suis une « baby-boomeuse » et je ne me souviens pas avoir connu d’aisance matérielle dans mon enfance et mon adolescence. De même dans mon entourage. Certes, la croissance spectaculaire de la France pendant les « Trente Glorieuses » (1945-1973) s’est accompagnée d’un plein emploi permettant à beaucoup de familles d’acquérir des biens de consommation facilitant la vie quotidienne. Pourtant, au moment où j’ai commencé à travailler, juste après le premier choc pétrolier, et malgré le fait que la « révolution de 1968 » était passée par là, le SMIC(*) (inventé en 1970) était encore largement inférieur à mille francs (cent-cinquante euros). Pourtant, à cette époque, le baccalauréat ne concernait que vingt à vingt-cinq pour cent des jeunes gens et jeunes filles d’une classe d’âge. Peu d’entre eux pouvaient, de ce fait, entreprendre des études supérieures. Il leur fallait travailler tôt et ils n’avaient pas toujours le choix de leur métier. Ils ont souvent « grimpé » dans l’échelle sociale grâce à leur travail. Leur contribution au développent du pays a été considérable et il me paraît parfaitement légitime qu’ils puissent jouir d’un repos largement mérité (encore faudrait-il s’entendre sur ce qu’on met derrière le terme « repos »), fruit de leur labeur. Du reste, leurs enfants en bénéficient également puisque, de nos jours, ils sont souvent aidés par leurs parents (c’était l’inverse il n’y a encore pas si longtemps).

On reproche aussi à ces « baby-boomers » de ne pas participer au financement actuel des retraites lorsqu’ils sont pensionnés. A-t-on oublié qu’ils ont cotisé pour la génération précédente pendant toute leur vie professionnelle ? C’est ce qu’on appelle la solidarité. Pour moi, ce mot est l’équivalent de la fraternité, le troisième pilier de notre devise nationale. Si les dispositions qui régissent notre vie sociale n’y veillaient pas, ce principe serait bien négligé.

Cette perception des « vieux », allons, disons des séniors, comme boucs émissaires ou comme devenus inutiles (quand on les remercie pour cause de non-rentabilité) me paraît inquiétante et met en évidence le caractère de plus en plus individualiste de notre société. L’Église doit prendre garde à ne pas l’imiter. Dieu prend soin de tous, jeunes comme vieux. Il accorde même à certains anciens un destin hors du commun, tels Abraham et Sarah, Zacharie et Élisabeth. Paul exhorte Timothée à prendre soin de tous : « Ne réprimande pas rudement le vieillard, mais exhorte-le comme un père ; exhorte les jeunes gens comme des frères. » (1Tm 5,1). Alors, nous aussi, « veillons les uns sur les autres » (Hé 10,24).


(*) SMIC : salaire minimum (de croissance)

Article paru dans :

avril 2023

Rubrique :
Point de vue
Mots-clés :
Aucune

Je sais

Yvonne Rodrigo
Article précédent
À Bible ouverte

Ces ossements revivront-ils ?

Léo Lehmann
Article suivant
Article paru dans :