PAR : Paul Harrison
Pasteur, Église évangélique baptiste de Paris-centre (Sèvres)

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Vous êtes-vous déjà retrouvé à patienter dans un magasin pour parler à un vendeur ? Vous avez un rendez-vous qui approche et cela fait un moment que vous attendez. Vous avez repéré le responsable du rayon qui vous intéresse. Soudain, alors que vous allez enfin obtenir la réponse à votre question, quelqu’un vous grille la politesse.

Doute

Que se passe-t-il dans votre esprit ? Frustré ? Pensez au trouble qu’a dû ressentir Jaïrus dans le récit de Luc 8.40-56. Il ne cherche pas une plante ou un micro-onde. Alors que sa fille est sur le point de mourir, une femme, sortie de nulle part, retient Jésus. Pire, c’est Jésus lui-même qui décide de prendre un temps précieux pour échanger avec elle.

Alors qu’ils sont encore en train de parler, la nouvelle tombe : « Ta fille est morte, ne dérange plus le maître » (v. 49). Imaginez ce que Jaïrus a pu éprouver à ce moment-là. Vous êtes aux urgences et votre fille va mourir si elle n’est pas prise en charge immédiatement. Pourtant, le médecin se tourne vers un autre patient dont la situation ne semble même pas urgente… Et alors qu’on s’occupe de ce patient, votre enfant décède… Si cela se produisait aujourd’hui, le médecin serait mis en examen.

Malade

Jésus sait-il ce qu’il fait ? Réalise-t-il ce qui se passe ? En apparence, on n’en a pas toujours l’impression… Examinons pourtant ce double récit où Jésus fait appel à une foi exprimée et persévérante afin que son salut soit manifesté.

Deux personnes en détresse

Malade

Les versets 42 et 43 mentionnent deux fois le chiffre douze. Douze ans plus tôt, la petite fille voyait le jour. La même année, la femme commençait à avoir une perte de sang. Douze ans, ce n’est pas rien. Pour cette petite fille, c’est la durée de sa vie si Jésus n’intervient pas. Pour cette femme, ce sont douze années d’une hémorragie continue.

Toutes deux sont des femmes et se retrouvent côte à côte. Par ailleurs, Jésus s’adresse à chacune dans des termes assez similaires : « Ma fille » (v. 48), puis « Mon enfant » (v. 54). Enfin, selon la Loi de Moïse, elles ne devaient être touchées en aucun cas car elles étaient considérées comme impures. L’une à cause de sa perte de sang, l’autre parce qu’elle était morte.

Outre l’imbrication des deux récits, ces similitudes nous poussent à mettre ces situations en parallèle. Toutefois, des différences apparaissent. Tout d’abord, dans le premier contact établi. D’un côté, un père en détresse se jette aux pieds de Jésus, l’implorant de guérir sa fille. De l’autre, une femme s’approche anonymement de Jésus, espérant la fin de sa propre maladie. Sa foi pourrait presque ressembler à de la superstition : elle veut simplement toucher le vêtement de Jésus et s’enfuir ensuite.

Si nous comparons ensuite Jaïrus et cette femme, nous sommes frappés par d’autres différences : d’un côté le chef de la synagogue, Jaïrus, un homme respecté, probablement aisé, marié, avec un enfant. De l’autre une femme isolée dont nous ignorons même le nom. Le texte précise qu’elle a dépensé tous ses biens pour consulter des médecins.

Ayant ces distinctions à l’esprit, regardons si Jésus traite différemment chacun. Si nous pensons que Jésus donnera une place d’honneur à Jaïrus, nous nous trompons. C’est presque l’inverse. Au-delà du fait que cette femme sera guérie en premier, Jésus lui déclarera que sa foi l’a sauvée. Elle constitue même, en quelque sorte, un exemple pour Jaïrus qui est là et entend tout. Lorsqu’il apprend la nouvelle du décès de sa fille, Jaïrus est exhorté, lui, à ne pas avoir peur mais à croire seulement… Comme cette femme, il lui faut croire.

Cette petite fille mourante représente une situation désespérée pour ceux qui apportent la nouvelle ou qui sont en deuil auprès d’elle. La femme aussi est dans une situation désespérée. Elle est allée de médecin en médecin et aucun n’a pu la guérir. Rendez-vous compte : vous consultez un premier médecin, il ne peut rien faire ; un deuxième, un troisième, rien non plus ; et vous avez dépensé tous vos biens… Aucune solution en vue.

Jésus, lui, est le spécialiste des cas désespérés. Dans la détresse de ces deux personnes, il y a un salut en vue, un appel à la foi. Jésus chemine avec chacune et va mettre en évidence deux aspects complémentaires de la foi : la persévérance et la confiance.

Deux aspects de la foi

Jaïrus et la persévérance, d’abord. Essayons de nous mettre à sa place, une fois encore. Il vient vers Jésus avec une certaine foi. Il a confiance dans l’action que Jésus peut accomplir en faveur de sa fille. Dans un premier temps, il a dû être encouragé par le fait que Jésus accepte de le suivre. Cependant, alors qu’ils se dirigent en cortège vers la maison où se trouve sa fille, tout s’arrête. Jésus décide de parler avec la femme qui vient d’être guérie.

On imagine l’angoisse, l’impatience qui devaient bouillonner en Jaïrus devant cette scène. À ce moment-là, la nouvelle tombe : « Ta fille est morte. » En plus, ceux qui la lui annoncent ajoutent : « Ne dérange plus le maître. » Laisse tomber. Laisse Jésus s’occuper d’autres personnes. C’est fini…

Pourtant, ce n’est pas fini pour Jésus qui va l’encourager à persévérer dans sa confiance en lui : « N’aie pas peur, crois seulement, et elle sera sauvée. » (v. 50). Les paroles de Jésus, toujours à propos, révèlent l’angoisse et la peur de Jaïrus mais l’invitent à croire, à croire qu’elle sera sauvée.

Jésus nous appelle à cultiver une foi persévérante qui devra s’inscrire dans la durée. Elle affrontera des obstacles, parfois de taille. C’est une foi persistante.

Obstacles

Le Seigneur ne nous invite pas à croire à n’importe quoi. Comme : « Tu réussiras tous tes examens », « Tu auras le job de tes rêves », « Tu auras la situation familiale idéale », « Tout se passera bien ». Non, il nous exhorte à nous confier dans sa parole. En l’occurrence, la parole à laquelle Jaïrus doit se fier est que sa fille sera sauvée.

Aujourd’hui nous ne recevons peut-être pas une promesse aussi précise que celle de Jaïrus mais nous pouvons nous reposer sur des certitudes suffisamment claires comme :

« Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine. Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter. » (1Co 10.13).

« Nous savons que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés conformément à son plan. En effet, ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à devenir conformes à l’image de son Fils. » (Rm 8.28-29).

Même dans les moments les plus sombres, nous pouvons entendre Jésus nous dire à nous aussi : « N’aie pas peur, crois seulement. » Comme pour Jaïrus, la foi des chrétiens est caractérisée par la persévérance.

Un deuxième aspect de la foi apparaît avec la femme. Nous aurions pu imaginer une scène différente : Jésus se dirige vers la maison de Jaïrus ; la femme touche le vêtement de Jésus. Il se retourne et d’un simple regard en direction de cette femme, il prend acte et poursuit son chemin.

Pourquoi Jésus s’arrête-t-il ? Pourquoi ne continue-t-il pas ? Jésus veut que la foi soit exprimée pour entrer en relation. Sa question est embarrassante pour cette femme : « Qui m’a touché ? » Elle approche toute tremblante. Elle doit expliquer pourquoi elle est venue, manifester sa foi en Jésus.

Celui-ci ne se contente pas d’une simple guérison pour ensuite passer à autre chose. Il veut donner un autre point d’orgue à cette rencontre : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Pars dans la paix ! » (v. 48). Autrement dit, elle doit savoir que c’est bien grâce à sa confiance en Jésus qu’elle est guérie et non parce qu’elle a accompli un bon geste, récité la bonne incantation ou à cause de sa superstition. Il lui faut aussi reconnaître que ce miracle est le signe d’un plus grand salut. Elle peut partir dans la paix avec Dieu, la paix avec les autres et la paix intérieure.

Plus grand

Il en va de même pour nous. La foi à laquelle nous sommes appelés doit être exprimée. Au début de la vie chrétienne avec le baptême, ou par la suite, il est nécessaire qu’elle devienne explicite pour faire grandir la relation. Jésus n’est pas un simple faiseur de miracle qui nous accorde ce que nous voulons. Il est notre Sauveur et Seigneur et il nous invite à le fréquenter toujours plus. Il veut nous apaiser par sa Parole et ses promesses. Promesse de salut, promesse de paix sur tous les plans.

Pour Jaïrus comme pour cette femme, une dernière chose ressort au sujet de la foi : Jésus attend d’eux plus que ce qu’ils pensaient au départ. Il leur accorde aussi plus que ce qu’ils recherchaient.

Jaïrus espérait qu’en faisant venir Jésus à temps chez lui, sa fille pourrait être guérie. Il attendait une guérison ; il va pouvoir croire en une résurrection. La femme croyait qu’il lui suffirait de toucher Jésus pour repartir guérie. Elle espérait une guérison, elle va entendre Jésus lui annoncer le salut et la paix et entrer en relation avec lui.

Avez-vous le sentiment que Jésus en demande trop ? S’il est vrai qu’il nous pousse à aller plus loin dans notre foi en lui, il est aussi en mesure de nous donner beaucoup plus que ce que nous pensions.

Un Sauveur qui sait ce qu’il fait

Jésus sait-il ce qu’il fait ? C’est de cette question que nous sommes partis. Il est frappant de voir dans le texte tous les moments où Jésus semble en décalage avec ce qui paraît normal, logique, acceptable.

Prenez ce moment où Jésus demande qui l’a touché : « Voyons, Maître, la foule t’entoure et te presse de tous côtés. » (v. 45). Pierre n’y comprend rien, tout comme nous lecteurs. Jésus a-t-il besoin de poser la question ? Après tout, le Fils de Dieu ne sait-il pas ce qui se passe ?

Jésus sait parfaitement ce qu’il fait et il invite cette femme à s’avancer, tendrement mais réellement. Jésus est le Sauveur et Seigneur qui sait ce qu’il dit et ce qu’il fait.

Le messager qui annonce la mort de la fille de Jaïrus a son idée de ce qu’il faut faire : « Ta fille est morte, ne dérange plus le maître. » (v. 49). Ce qui paraît le plus sensé est de laisser Jésus aller vers d’autres personnes qui ont besoin de lui. Cependant, Jésus ne lâche pas l’affaire et, à ce moment-là, invite Jaïrus à une foi plus persistante encore : « N’aie pas peur, crois seulement, et elle sera sauvée. » Jésus est le Sauveur et Seigneur qui sait ce qu’il dit et ce qu’il fait.

Quand Jésus arrive à la maison, il fait face aux pleureurs qui ont été appelés suite au décès. On peut imaginer les gémissements, les pleurs, les cris… Comment réagissent-ils quand Jésus dit : « Ne pleurez pas, elle n’est pas morte, mais elle dort » (v. 52) ? Ils rient, ils Tous les jours, nous sommes appelés à cette foi explicite et persévérante. se moquent de lui. Remarquons la superficialité de ces pleureurs professionnels qui passent ainsi des larmes aux rires. Néanmoins, dans leur esprit, les choses sont claires : ils ne seraient pas là si l’enfant était seulement endormie. Pourtant, Jésus est le Sauveur et Seigneur qui sait ce qu’il dit et ce qu’il fait.

Foi persévérante

La suite du texte montre que cette petite fille est bien morte (v. 55), mais pour Jésus, la mort ressemble à un simple sommeil et une résurrection au réveil du matin. Les témoins de cette scène se sont probablement demandé pourquoi il s’adresse à une enfant morte. Or, Jésus sait ce qu’il dit, ce qu’il fait. Il s’adresse à cette petite fille comme ses parents devaient lui parler au réveil : « Mon enfant, lève-toi. »

Jésus sait-t-il ce qu’il fait ? Oui, Jésus sait ce qu’il dit et ce qu’il fait. Certes, s’il n’avait pas pu ressusciter l’enfant, son attitude envers la femme aurait été choquante mais, pour lui, ressusciter quelqu’un n’est pas plus compliqué que de le réveiller.

Oui, Jésus sait parfaitement ce qu’il dit et ce qu’il fait. S’il prend le temps avec cette femme, c’est qu’elle doit exprimer publiquement sa foi pour grandir. C’est cela la priorité. Jésus sait aussi que cela va permettre à Jaïrus de vivre une foi plus persistante, plus persévérante.

Et nous ? Avons-nous le sentiment que Jésus ne sait pas ce qu’il fait dans notre vie ? Avons-nous l’impression que sa Parole n’est pas à propos, qu’elle est décalée par rapport à la réalité de ce que nous vivons ? Lui faisons-nous confiance lorsqu’il nous pousse à exprimer une foi plus clairement fondée sur sa Parole, ses promesses ? Ou sommes-nous simplement à la recherche de petites interventions ici et là ?

Le laisserons-nous nous exhorter à avoir une foi plus persévérante, persistante ou le prendrons-nous de haut en estimant qu’il est déconnecté de la réalité ?

Dans ces deux épisodes, l’intervention de Jésus est décrite comme le salut qu’il est venu apporter. Un salut pour cette femme, la paix accordée. Un salut pour cette petite fille, reflétant la promesse de la vie éternelle que Jésus accorde à tous ceux qui ont foi en lui.

Ce salut se vit sur un plan large, jusque dans la vie éternelle, mais il s’expérimente dans les réalités quotidiennes, dans nos tensions, quelles qu’elles soient. Et c’est par la foi, la confiance en lui que l’on saisit ce salut. Tous les jours, nous sommes appelés à cette foi explicite et persévérante.

Oserons-nous croire que Jésus sait ce qu’il fait ? ■

Article paru dans :

janvier 2018

Rubrique :
À Bible ouverte
Mots-clés :
Point de vue

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