Faire confiance… Quand « bien » ne signifie pas « bien-être »
Si Dieu m’avait un jour dit : « J’ai une mission pour toi. Tu vas témoigner auprès du personnel soignant de l’hôpital. Tu vas témoigner auprès des malades gravement atteints… » J’aurais tout de suite imaginé le faire au travers de l’aumônerie protestante, bien implantée dans ma région. J’aurais préparé mon discours auprès des infirmiers et des médecins avec un PowerPoint. J’aurais lu plusieurs ouvrages sur la souffrance et sur la manière d’aborder les patients atteints de différentes pathologies.
Mais il se trouve que le Seigneur avait préparé un tout autre scénario pour cette « mission spéciale ». Il y a un peu moins de deux ans, ce n’est pas en tant qu’intervenant « extérieur », mais en tant que malade, et même mourant, que le Seigneur a choisi de m’utiliser. Avec toutes les conséquences que vous pouvez imaginer pour ma famille et moi-même ! C’est dans un état de profonde faiblesse que j’ai traversé une longue période d’hospitalisation au cours de laquelle j’ai cependant pu, comme rarement, témoigner de ma foi et prier avec le personnel soignant.
C’est aussi dans cet état de fragilité extrême que j’ai pris conscience de ma dépendance à l’égard de mon créateur et de mon besoin d’être rassuré en lui.
Qui me garantit que je vais tenir le coup face aux épreuves, face à la souffrance, à la maladie, aux différentes difficultés de la vie, la persécution, le deuil et ma propre mort ? Comment être certain que je ne vais pas baisser les bras et me sentir abandonné par Dieu ? Comment faire confiance quand « bien » ne signifie pas « bien-être » ?
L’apôtre Paul, en pasteur expérimenté, connaît bien ma nature humaine et mes questionnements. Dans son fameux chapitre de sa lettre aux Romains (chapitre 8), il veut rassurer tous les croyants qui, comme moi, doutent de leur capacité à tenir bon. Il ne veut laisser subsister aucune brèche dans l’absolue certitude que peut avoir le croyant sur son sort éternel : « Nous savons en outre que Dieu fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment, de ceux qui ont été appelés conformément au plan divin. » (Rm 8.28).
Ce que nous savons
Je note tout d’abord que, dans ce célèbre verset, l’apôtre ne parle pas d’une vague croyance, d’un espoir, d’une possibilité éventuelle. Mais d’une certitude ! Nous savons ! Cette introduction nous renvoie à la nature de notre foi. Est-elle un sentiment ? Une émotion ? Un pari ou une certitude ? L’épître aux Hébreux nous parle d’une « ferme assurance » (Hé 11.1).
Quelles sont nos certitudes dans le domaine de la foi ? Job, dans ses tribulations, pouvait affirmer « Je sais que mon rédempteur est vivant ! » (Jb 19.25). D’où lui venait cette certitude ? Les circonstances de sa vie ? Les émotions qui l’habitaient ? Rien autour de lui ne pouvait lui donner une telle assurance ! Seules la révélation de Dieu et sa foi en cette révélation pouvaient lui donner une telle conviction.
Dans un monde où domine le relativisme, nous perdons l’habitude d’affirmer nos convictions. Pas seulement à l’égard des autres, mais aussi pour nous-mêmes ! Il est pourtant essentiel que notre foi nous parle ! Nous avons besoin de nous formuler à nous-mêmes les exhortations que nous adressons si facilement aux autres ! Le psalmiste se sermonne lui-même : « Pourquoi t’abats-tu, mon âme, et gémis-tu sur moi ? Mets ton espoir en Dieu. » (Ps 42.5-6).
Tout dans le développement de Romains 8 est là pour asseoir nos certitudes, fonder notre foi, et nous offrir une assurance absolue quant au lien indéfectible qui nous lie à Dieu par l’œuvre du Christ. Ces certitudes, si nous les faisons nôtres, sont là pour nous aider à garder le cap et nous orienter lorsque les épreuves nous assaillent !
Quelle est ici la certitude de l’apôtre ? « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu ! » (Rm 8.28). En disant cela, Paul nous pousse à regarder la vie, et notamment les difficultés de la vie, sous un autre angle. Cette « prise de vue » est déstabilisante, mais ô combien fondamentale pour notre vie chrétienne !
Ce verset ne s’adresse pas à n’importe qui. Il s’adresse aux croyants ! À ceux qui aiment Dieu ! C’est à ceux-ci que Paul écrit. On commettrait donc une erreur majeure en le « servant » à des personnes non croyantes. Ce sont ceux qui ont placé leur confiance en Jésus-Christ qui sont appelés à considérer que « toute chose » qui leur arrive comme concourant à leur bien.
Mais que comprend ces « toutes choses » ?
La suite du texte montre clairement que Paul n’exclut rien. La liste des circonstances que peut envisager l’apôtre aux versets 35-39 est frappante : la détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, la misère, le danger, l’épée… La vie est truffée de quantité d’incidents qui nous interpellent et souvent nous accablent. Nous pourrions ajouter : le déclin, la maladie… « Toutes choses » c’est tout cela. Nous savons que toute chose coopère au bien de ceux qui aiment Dieu, dont Paul peut dire en Éphésiens 1.11 : « Il opère tout selon le dessein de sa volonté. »
Le bien que Dieu nous veut
Notre problème fondamental avec ce verset 28 de Romains 8 relève probablement de la définition de ce mot « bien ». Si je vous demandais de prendre un bout de papier et d’écrire votre définition du mot « bien », dans la majeure partie des réponses, ce ne seraient que les éléments positifs qui ressortiraient. Aurions-nous là un terreau favorable pour les faux prophètes qui nous vendent une vie chrétienne qui ne serait que l’amélioration de nos conditions de vie ici-bas ? Quand nous pensons « bien », nous pensons souvent « bien-être ». Or il ne faudrait pas confondre les deux.
Nous ne sommes pas venus à Dieu par hasard. C’est lui qui est à l’origine de notre appel ! Il a utilisé différents moyens pour que nous l’entendions : ami, famille, inconnu… Mais avant même que nous entendions son appel, il nous connaissait et nous couvait déjà d’un amour absolu ! « Si nous l’aimons, » dit Jean, « c’est parce qu’il nous a aimés le premier ! » (1Jn 4.19).
Pensez à des parents qui attendent un enfant. Avant même qu’il ne naisse et n’éprouve le moindre sentiment à leur égard, ces parents couvent déjà leur enfant, encore en gestation, d’un amour immense.
C’est un peu comme cela pour Dieu : c’est lui qui a voulu que nous naissions à sa lumière. Il nous a aimés dès avant la fondation du monde avec un projet inouï : « Ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à devenir conformes à l’image de son Fils. » (Rm 8.29). C’est le plan que Dieu forme pour nous ! Les raisons de notre libération de l’esclavage, de notre justification, de notre adoption, se trouvent dans ce projet que Dieu a mis en œuvre et continue à développer en nous ! Dieu nous prend en charge du début à la fin !
Quel est le bien, l’objectif de Dieu pour nous, ce plan que Dieu vise dans notre vie ? Vous l’avez lu : nous transformer pour nous rendre semblables à Jésus-Christ. Ainsi, je relis ce verset de la manière suivante : « Toutes choses qui nous façonnent à l’image de Jésus-Christ contribuent à notre bien. »
Paul ne dit pas que les tragédies sont bonnes en elles-mêmes. Il ne dit pas que la souffrance, la maladie, le deuil sont de bonnes choses. Il ne dit pas non plus qu’il nous faut nous complaire dans ces situations dramatiques et ne pas chercher à nous en sortir. Ce serait tomber dans le fatalisme ou dans une sorte de résignation morbide. Mais ces choses qui peuvent faire partie de la vie du croyant doivent être considérées comme des éléments constitutifs de notre croissance spirituelle.
Dieu, qui n’est jamais à court de ressources, utilise ces choses pour nous transformer, pour nous façonner. Nous apprenons souvent plus dans nos tunnels que dans nos chemins de clarté. J’apprends plus dans mes doutes et dans mes craintes que dans bien des certitudes souvent mal fondées.
Je ne sais pas si vous connaissez ce chant qui dit : « Viens, Esprit du Dieu vivant, sois le maître en moi. Sonde-moi, courbe-moi, brise-moi, façonne-moi. » Nous le chantons. Pourtant, lorsque Dieu répond à une telle prière, nous nous révoltons. Nous pensions sans doute qu’il allait « opérer » sans douleur. Que nous allions être « brisés », « façonnés » dans notre sommeil et nous réveiller comme après une anesthésie, sans avoir ressenti la moindre douleur, éprouvé la moindre émotion.
Il n’en est souvent pas ainsi. C’est alors que jaillit cette question lancinante : « Pourquoi ? ». Ce cri, notre Père le comprend d’autant plus qu’il a été lancé à son endroit par son Fils bien aimé, lors de son sacrifice ultime (Mt 27.46)… Il l’accueille avec compassion.
Cette question, tout en étant compréhensible, nous mène cependant dans une voie sans issue. Elle est semblable à un cri qui accompagne la douleur, mais ne la calmera pas et ne donnera aucune réponse satisfaisante. Mais pour le chrétien, pour ceux qui aiment Dieu, pour nous qui croyons en la souveraineté totale de Dieu sur toutes ces choses qui nous arrivent, il est possible de transformer ce « pourquoi ? » en « pour quoi ? ».
Le bien que Dieu veut pour ma vie, ce n’est pas la réussite. Cela peut arriver, mais tel n’est pas le but. Ce ne sont pas des chemins plats et sans embûche. Cela peut arriver, mais ce n’est pas nécessairement notre ordinaire. Le bien que Dieu veut pour ma vie, c’est me transformer à l’image de Jésus-Christ.
Il ne nous lâchera pas
Quel est le rôle de Dieu dans ce texte ? Il est à l’œuvre. C’est lui qui prend l’initiative dans tout ce qui est compris par ce verset 28. Il est le maître d’œuvre qui sait comment il combinera l’ensemble des éléments pour notre transformation.
Au début d’une chaîne automobile, on trouve toutes sortes de pièces entassées dans un hangar : vous avez les châssis, les panneaux de carrosserie, les boîtes de vitesse, etc. Au bout de la chaîne, on découvre une voiture flambant neuf. Dieu utilise toutes les composantes de notre vie, y compris celles qui nous apparaissent comme étant indésirables, sans valeur propre, pour en faire sortir du nouveau : un homme ou une femme qui ressemble à Jésus-Christ. Tout coopère, concourt à ce processus conduit par Dieu. En toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs. Ce qui semble être un échec est une victoire, parce que Dieu est à l’œuvre !
De quoi avons-nous peur ? De la maladie, d’un avenir professionnel aujourd’hui incertain ? De ne pas trouver de conjoint ? Si nous avons mis notre confiance en Christ, toutes ces choses n’auront pas le dernier mot dans notre vie. « Ni la mort ni la vie, ni le présent ni l’avenir » (v. 38), rien de ce qu’on voit, rien de ce que l’on ne voit pas, rien dans l’univers ne peut mettre un terme au projet inouï de notre Dieu. Nous pouvons être touchés, mais jamais coulés. Si vous avez mis votre foi en Jésus-Christ, vous êtes plus que vainqueur.
Notre chemin de vie ne sera pas forcément aisé, mais toute la grâce de Dieu nous est promise. Il ne faut jamais lire Romains 8.28 sans les versets qui suivent. Oui, nous connaîtrons des difficultés, mais rien de ce qui pourrait m’arriver ici-bas ne pourra me séparer de l’amour de Dieu manifesté en mon Sauveur. Pourquoi ? Parce que Dieu ne revient pas sur ses promesses ! Dieu ne nous a pas pris en charge pour nous abandonner en chemin. Il ne nous a pas promis un amour conditionnel, mais un amour éternel !
« Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle allaite ? N’a-t-elle pas compassion du fils qui est sorti de son ventre ? Même si elle l’oubliait, moi je ne t’oublierai jamais. » (Es 49.15). Dieu ne nous lâche pas, mais il a d’autres projets pour nous que notre simple bien-être.
Je ne voudrais en aucun cas repasser par les terribles moments que j’ai vécus il y a un an et demi dans ma maladie et mon hospitalisation. Mais l’homme que je suis aujourd’hui n’est plus l’homme d’avant cet accident de santé. Le Seigneur a touché quelque chose de profond en moi qui a façonné ma relation avec lui. À ma modeste échelle, j’y retrouve un peu de ce que Job exprime par ces mots : « Mon oreille avait entendu parler de toi. Mais maintenant mon œil te voit. » (Jb 42.5). Ma foi a développé une acuité nouvelle.
Dieu pouvait-il utiliser d’autres moyens pour arriver à ce but ? Rien n’est impossible à Dieu. Il se trouve que, dans sa souveraineté, il a choisi ce chemin pour ma transformation. Qui suis-je pour discuter des moyens que Dieu utilise pour atteindre ses objectifs ? « Te ressembler Jésus, c’est mon espoir suprême ! » Nul doute que cet espoir sera comblé au-delà de toute mesure, car rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.