Dieu se soucie de vous
Dans votre Bible : Marc 4.35-41
L’une des beautés de l’art, et de la peinture en particulier, réside dans le fait qu’il faut prendre son temps pour percevoir toute la valeur de l’œuvre. Prenons l’exemple de Rembrandt et de son tableau Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée. On peut voir sa beauté en un coup d’œil. Cependant, ce n’est qu’en vous y attardant que vous pourrez apprécier la qualité de ses détails. L’expression des marins est tout simplement magnifique et semble tellement authentique… à un détail près : la présence de Rembrandt lui-même dans la barque.
Le récit biblique auquel se rapporte comporte lui aussi de nombreux détails à observer. Ils font ressortir ce que Jésus annonce. Après nous y être arrêtés, nous examinerons la question fondamentale posée par les disciples et nous finirons en méditant la réponse de Christ et ses résonances pour nous.
Quelques détails pour mieux voir l’ensemble
« Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit : "Passons sur l’autre rive." » (Mc 4.35).
Notre scène commence le soir. Jésus décide de se retirer de là où il est. Ce n’est pas la première fois qu’il le fait, notamment parce que la foule veut le rejoindre pour de mauvaises raisons.
Jésus ne souhaite pas que l’on vienne à sa rencontre uniquement pour voir des miracles. Il tient avant tout à proclamer la Parole. C’est ce qu’il a fait tout au long du chapitre quatre où nous le voyons passer la journée à enseigner la foule. Il vient de leur raconter, entre autres, la parabole du Semeur par laquelle il leur laisse cette question primordiale : « Votre cœur est-il comme de la bonne terre pour recevoir mes paroles ? Êtes-vous de ceux qui écoutent la Parole, qui la reçoivent et en qui elle porte du fruit ? »
Jésus, ayant annoncé la Parole, part sur l’autre rive, à l’est du lac de Galilée. Cette précision pourrait sembler anodine mais ce n’est pas le cas. Sur l’autre bord, c’est la région de Gérasa. Une grande ville païenne ! S’il est vrai qu’il y avait une importante communauté juive dans cette région, force est de constater que c’est bien en territoire païen que Jésus se rend.
Jésus vient d’annoncer la Parole aux Juifs. Le voilà maintenant qui, d’une certaine manière, se tourne vers les nations. Il est venu réconcilier l’humanité toute entière avec Dieu. Les païens ont tout autant besoin d’entendre la Parole que les Juifs. Eux aussi ont besoin de se positionner par rapport à elle, par rapport à Lui, le Verbe incarné. Les contemporains de Jésus avaient besoin de se positionner par rapport à Jésus, tout comme nous ! Qui est Jésus pour vous ? Partout où il va, Jésus continue de semer la Parole. Il la sème aujourd’hui encore. Comment l’accueillonsnous ?
« Un vent violent s’éleva et les vagues se jetaient sur la barque, au point qu’elle se remplissait déjà. » (Mc 4.37).
Jésus décide donc de partir de l’autre côté du lac. Il monte dans une barque avec ses disciples et ils se mettent en route. Or voici que, rapidement, la barque se trouve prise dans une tempête. La plupart des disciples de Christ étaient des pêcheurs de profession. La météo, ils connaissaient. Les tempêtes, ils connaissaient. Pourtant, une tempête d’une telle violence, ils n’en avaient jamais vue. Le bateau est ballotté par les flots, l’eau commence à s’y engouffrer. La fin est proche. A moins que Jésus n’intervienne. D’ailleurs, où est Jésus ?
« Et lui, il dormait à l’arrière sur le coussin. » (Mc 4.38).
Quel contraste saisissant ! Les marins paniquent, Jésus dort et je comprends sa fatigue. Il vient de passer la journée à enseigner et je ne doute pas que c’était exténuant. Jésus est fatigué. Ce rappel de son humanité fait du bien. Jésus est pleinement Dieu mais pleinement homme également. Il connaît la faim, la soif et la lassitude. Jésus est épuisé, alors il s’allonge pour s’endormir.
Lorsque nous sommes fatigués, soyons conscients que Christ connaît notre situation, l’ayant vécue lui-même. Puisqu’il l’a connue, puisqu’il l’a vécue, il est aussi à même de nous soutenir. Même s’il nous emmène parfois lui-même dans les tempêtes :
« Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit : «Passons sur l’autre rive». » (Mc 4.35).
Qui prend l’initiative de passer sur l’autre rive ? Jésus et Jésus seul. Suivre Jésus va parfois nous amener droit dans la tempête. Sans lui, les disciples n’auraient pas été pris dans celle-ci. Ils seraient restés bien au chaud, bien au sec. S’ils traversent le lac de nuit, pour aller en territoire païen qui plus est, c’est parce que Jésus souhaite y aller. C’est bien Jésus, et lui seul, qui les amène droit dans cette tempête.
Surprenant, n’est-ce pas ? La vie avec Christ n’estelle pas censée être plus simple que la vie sans lui ? Quel intérêt pour nous de croire en Jésus si celui-ci nous amène délibérément dans la tempête ? Trop souvent, nous pensons que si nous plaçons notre confiance en lui, Dieu nous bénira et nous conduira dans de verts pâturages. De plus, nous nous figurons parfois, à tort, que si nous passons par l’épreuve, c’est que Dieu nous punit par elle pour quelque chose.
Ce n’est pas vrai et ces versets nous le rappellent. Il arrive que suivre Christ nous dirige vers la vallée de l’ombre de la mort. La tempête que traversent les disciples n’est pas liée à une quelconque désobéissance de leur part. Là n’est pas la question. Si Jésus les amène délibérément dans la tempête, c’est qu’il a quelque chose à leur faire comprendre. Et seule la tempête leur permettra de l’entendre.
Jésus va éprouver la foi de ses disciples pour qu’ils comprennent que leur cœur n’est pas encore prêt et qu’ils ne croient pas encore pleinement en lui. Seule la tempête leur permettra de s’en rendre compte.
La question des disciples
Alors qu’ils se croient perdus, dans un dernier élan d’espoir, les disciples se tournent vers Christ : « Ils le réveillèrent et lui dirent : "Maître, cela ne te fait rien que nous soyons en train de mourir ?" » (Mc 4.38).
Dure question, n’est-ce pas ? N’oublions pas notre privilège d’avoir vu le tableau dans son ensemble. Nous savons que Christ se soucie d’eux. Nous savons que Christ cherche, par cette tempête à susciter une juste compréhension de sa personne. Nous savons qu’il ira jusqu’à la croix parce qu’il se soucie de nous.
Toutefois, mettons-nous à la place des disciples. C’est la fin pour eux, du moins le pensent-ils. « Et nous alors ? Ne te soucies-tu pas de nous ? » Voilà la question qui révèle toute leur incompréhension. Jésus a accompli des guérisons miraculeuses, montrant qu’il s’intéresse à l’être humain, mais voilà qu’ils sont sur le point de mourir et il continue de dormir sans sembler s’inquiéter de leur triste sort.
« Ne te soucies-tu pas de nous ? » Cette question difficile, je crois que nous nous la sommes tous posée ou nous la poserons peut-être un jour face à l’épreuve. Les flots de la vie sont parfois, sinon souvent, tumultueux, n’est-ce pas ? Les épreuves sont venues, et telles une violente tempête, elles ont ballotté tout votre être. Maladie, persécution, deuil, solitude. Une vague après l’autre. Alors que vous venez seulement de sortir la tête de l’eau, vous voilà à nouveau submergés par une autre vague.
Peut-être en êtes-vous aujourd’hui même à vous interroger comme les disciples : « Dieu, te soucies-tu vraiment de moi, de nous ? » Je crois qu’il y a là l’une des questions les plus fondamentales qui soit mais aussi l’une des plus dures. En effet, cette question, nous ne nous la poserons qu’au sein de l’épreuve. Lorsque tout va bien, nous ne serons pas réticents à reconnaître le souci de Dieu à notre égard. Dans la tempête, c’est bien différent.
Je me souviens qu’à Bry-sur-Marne nous avons connu douze décès de proches de membres de l’Église en douze mois. Tous, nous nous sommes posé cette question. « Dieu, est-ce que tu te soucies vraiment de nous ? » Un deuil, la maladie et votre vie se retrouve sens dessus dessous. Pourtant vous aimez Jésus de tout votre cœur… mais voilà que cette épreuve est venue avec toute sa force et sa violence, les flots vous submergent et vous amènent à vous poser cette question : « Jésus, ne te soucies-tu donc pas de moi ? »
« Je suis perdu, la mort est devant moi… cela ne te fait-il vraiment rien ? Je prie et je prie que tu éloignes de moi cette épreuve mais là voilà qui semble me suivre comme mon ombre. Elle s’accroche à moi tel un vautour à sa proie. Père, je suis devant toi à genoux. Ne te soucies-tu pas de moi ? »
Ou peut-être l’épreuve a-t-elle touché votre conjoint, vos frères, vos sœurs ou, pire encore, vos enfants. « Père, je ferai tout ce que tu veux de moi si tu éloignes mon fils ou ma fille de cette épreuve. » Et Dieu qui ne semble pas répondre.
La réponse de Jésus
« Il se réveilla, menaça le vent et dit à la mer : "Silence ! Tais-toi !" Le vent tomba et il y eut un grand calme. » (Mc 4.39).
Les disciples réveillent Jésus et, dans sa grâce, par sa toute-puissance, Jésus démontre que, évidemment, il se soucie de leur sort. Il parle au vent et aux flots et d’un coup, la tempête n’est plus. Un grand calme survient. Les flots déchaînés se sont maintenant apaisés. Le vent qui s’abattait sur la barque au point de la faire pencher dangereusement a perdu tout son souffle.
Sans aucun doute, Jésus se soucie de ses disciples. C’est pour cela qu’il est dans la barque avec eux. S’il les a amenés dans la tempête, c’est afin qu’ils comprennent qui est celui qui se soucie d’eux ! Depuis le début de l’Évangile de Marc, Jésus a enseigné, guéri, avec autorité. Le voilà maintenant qui prend autorité sur la nature elle-même. Par ce miracle, Jésus dévoile encore plus son identité. Seul le Créateur pouvait arrêter la tempête. Au moyen de ce prodige, Jésus manifeste qu’il est Dieu. Pour lui, celui par qui tout a été créé, arrêter la tempête n’est rien. Il peut bien plus encore.
Parce qu’il est Dieu incarné, le vent et les flots non seulement reconnaissent l’autorité de Christ mais s’y soumettent. Le contraste entre l’attitude des éléments de la nature et celle des disciples est d’autant plus grand. Le vent et les flots reconnaissent l’autorité de Christ et lui obéissent tandis que les disciples, eux, ne croient pas encore en lui.
Ils vivaient avec Christ, le voyaient, l’entendaient, l’accompagnaient… et n’avaient pas encore compris qui il était. C’est justement pour cela que Christ les a amenés dans la tempête. Cette grande tempête est venue comme une mauvaise surprise pour les disciples de Jésus, oui. Néanmoins, elle n’était certainement pas une surprise pour Christ. Lorsqu’il s’endort, il sait que c’est affolés que les disciples le réveilleront. Il les conduit dans cette tempête afin qu’ils croient en lui.
Il est important de comprendre que le but de Christ, au moyen de cette tempête n’est pas de critiquer ou condamner les disciples mais de les amener à une juste compréhension de sa personne. Si Jésus leur permet d’affronter la tempête, c’est parce qu’il les aime, parce qu’il se soucie d’eux. Il souhaite le meilleur pour ses disciples : comprendre qui il est.
Seule cette épreuve peut les y aider. Par ce miracle, Jésus suscite les interrogations des disciples : Qui donc est Jésus ? Voilà la question fondamentale que les disciples sont invités à examiner. Et c’est ce qui arrive ! « Ils se disaient les uns aux autres : "Qui est donc cet homme ? Même le vent et la mer lui obéissent !" » (Mc 4.41). Si Jésus a amené ses disciples dans cette tempête, c’est pour qu’ils comprennent qu’il est unique, qu’il est le Fils de Dieu, qu’il est Dieu et qu’il se soucie d’eux.
Et pour nous ?
« Puis il leur dit : "Pourquoi êtes-vous si craintifs ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas de foi ?" Ils furent saisis d’une grande frayeur et ils se disaient les uns aux autres : "Qui est donc cet homme ? Même le vent et la mer lui obéissent !" » (Mc 4.40-41).
Si le texte s’arrêtait au v. 39, nous risquerions de croire que son application pour notre quotidien serait : dans l’épreuve, il faut prier et Jésus va calmer notre tempête. Quand bien même qu’il en a l’autorité et la puissance, vous savez fort bien que ce n’est pas toujours ainsi que Dieu agit. Parfois Dieu nous dira « oui » et nous libérera de l’épreuve. Parfois il nous dira : « pas encore. » Parfois il nous dira : « non. »
Néanmoins, l’enseignement de ce texte est plus profond que cela. Nous ne pouvons pas nous arrêter au miracle et demander à Christ qu’il continue à en accomplir en notre faveur sans nous poser les bonnes questions, sans regarder à sa personne, sans nous remettre nous-mêmes en cause.
« Qui donc est cet homme ? Même le vent et la mer lui obéissent ? » Les disciples de Christ se posent là la bonne question. Par ses miracles, Christ pousse à la réflexion. Dieu souhaite nous amener toujours plus près de lui. Ce qu’il vise pour nous est parfois différent de ce à quoi nous aspirons. Nous, nous préférons le confort, le bien-être apparent. Dieu, lui, veut transformer nos cœurs. Nous ne voulons lui donner qu’une partie de notre vie, lui la veut toute entière. Parfois, sa manière de nous libérer de l’épreuve n’est pas de nous la retirer mais de nous équiper pour l’affronter, de donner à nos cœurs sa paix qui dépasse toute intelligence.
Tous, nous nous croyons meilleurs que ce que nous sommes. Tous, nous pensons être une bonne terre pour la Parole de Dieu. Pourtant, il y a bien plus de ronces et de mauvaises herbes que nous ne le croyons. Grâce à cette tempête, il a été rendu évident que les disciples ne croyaient pas encore pleinement en Jésus, en qui il était. De même, au sein de l’épreuve, notre vraie disposition de cœur sera révélée. Nous avons bien plus besoin de Jésus que nous ne voulons l’admettre. Si Jésus nous amène dans la tempête, c’est pour nous conduire toujours plus près de lui.
Dieu se soucie de vous. Dieu se soucie de la veuve, de l’orphelin, du pauvre, de celui qui a tout perdu, de celui ou celle qui se sent seule. Dieu se soucie de vous. Vous passez par la maladie ? Dieu se soucie de vous ! Vous passez par la solitude ? Dieu se soucie de vous. Vous passez par la persécution ou l’injustice ? Dieu se soucie de vous ! Vous passez par des problèmes de couple ? Dieu se soucie de vous. Il voit vos larmes, il connaît votre fardeau. Dieu se soucie de vous.
Christ le prouve à ses disciples en calmant la tempête. Il va le leur prouver une seconde fois en passant lui-même par une tempête bien plus forte encore. Pour faire comprendre son identité à ses disciples, Jésus les amène dans la tempête. Pour nous prouver son amour, il ira encore plus loin en traversant lui-même, et lui seul, une autre tempête. Christ passera par la tempête de la Croix. Lui, le juste, prendra sur lui les flots mugissants de la condamnation du péché. Il subira le tonnerre de la colère de Dieu son père, afin de nous donner le calme, le repos éternel. Parce qu’il se soucie nous.
Dans cette tempête, face à une possible mort des disciples, Christ apaisera les flots. Face à notre mort spirituelle certaine, il passera lui-même par la violence des flots. Parce qu’il se soucie de nous, il ne s’est pas soucié de sa propre personne. Lui qui aurait dû connaître le calme de la présence du Père passera par le tourbillon de la mort. Parce qu’il se soucie de nous.
Au sein de l’épreuve, il nous faut regarder à la Croix. Lorsque nous nous posons cette question, « Te soucies-tu de moi ? », regardons à la Croix, preuve ultime de l’amour de Dieu, preuve ultime de sa bonté, preuve ultime de sa justice, preuve ultime de son souci de l’être humain. En passant par la Croix, Christ a prouvé que Dieu se soucie de l’humanité. Il a prouvé qu’il déteste le péché, la maladie, la solitude, la souffrance… et la mort.
Alors lorsque vous avez l’impression d’être vous-mêmes dans la barque au milieu des flots déchaînés, comme Rembrandt peut-être qui s’y est peint dans son tableau, souvenez-vous de ceci : Dieu se soucie de vous ! Christ en est la preuve par excellence. ■