Daniel
Pour que s’accomplissent ses promesses
Tous ceux qui ont suivi les histoires bibliques de l’école du dimanche ont entendu parler de Daniel, même si on ne sait pas toujours retrouver son livre dans la Bible. Quand on vous parle de Daniel, que vous vient-il à l’esprit ? La fosse aux lions ? La fournaise ardente ? D’étranges visions et leurs interprétations ? Quatre jeunes qui ont grossi en mangeant des légumes ?
Dans votre Bible : Daniel 9.1-20
Le texte sur lequel je vous propose de nous arrêter pourrait paraître à première vue plus banal. Il ne fait pas appel au miraculeux ou à une intervention spectaculaire de Dieu. Pourtant, il nous révèle beaucoup de choses sur la relation de ce prophète avec Dieu et sa compréhension de la volonté divine, sur sa connaissance des textes bibliques et de l’Éternel lui-même. En effet, le chapitre 9 du livre de Daniel, aux versets 1-20, nous révèle une prière riche d’enseignements. C’est cette prière que nous examinerons, après quelques mots de son contexte.
Changement d’empire
Daniel a été emmené en exil sous le règne de Nabuchodonosor, roi de Babylone, en 605 avant Jésus-Christ (Dn 1.1). Certainement très jeune à son départ en captivité, il appartenait vraisemblablement à la noblesse judéenne. Éduqué à la cour du roi, dont il refusera de partager les mets impurs (Dn 1.8-21), il est choisi avec trois de ses amis pour exercer de hautes fonctions administratives à Babylone.
Cependant, Cyrus, roi de Perse, renverse l’empire babylonien en 539. Darius le Mède, que cite le livre de Daniel, serait un vassal de Cyrus qui rér gna à Babylone pendant un peu plus d’une année. Son identité historique n’est pas très claire et il existe plusieurs hypothèses à ce sujet. Toujours t est-il que c’est ce Darius qui se laisse entraîner par ses ministres à interdire les prières qui ne lui sont pas destinées et qui doit ensuite, contre son gré, jeter Daniel dans la fameuse fosse aux lions (Dn 6).
Ce changement de dictature, des Babyloniens aux Perses, conduit Daniel à relire les écrits des Lion de la porte d’Ishtar, à Babylone prophètes, notamment ceux de Jérémie qui annonçaient ce renversement politique et, non sans t lien, un retour de l’exil après soixante-dix ans. Si on fait le calcul, entre la déportation en 605 et l’avènement de Cyrus en 539, soixante-six ans s’étaient écoulés depuis l’arrivée de Daniel à Babylone. Daniel était un homme âgé ; s’il avait été déporté aux alentours de ses vingt ans, il en avait plus de quatre-vingts. Il a vécu toute la période de la déportation, manifestant une attitude exemplaire de respect des commandements. Toute sa vie, il est resté fidèle à son Dieu.
À partir de David, depuis le Xe siècle avant Jésus-Christ, les scribes ont pris une place officielle dans le royaume d’Israël et c’est ainsi que les manuscrits de l’Ancien Testament ont été collectés et répandus. Quelle grâce ! Il est assez extraordinaire de constater que Daniel a pu ainsi bénéficier de ces textes bibliques et même des écrits de Jérémie, né une génération avant lui, en 645.
L’Écriture pour s’approcher de Dieu
Daniel relit donc Jérémie et comprend que le retour de l’exil doit se produire bientôt : « Le pays tout entier ne sera plus que ruines et terre dévastée. Toutes les nations seront assujetties au roi de Babylone pendant soixante-dix ans. Et au bout de ces soixante-dix ans, je demanderai compte de leur crime au roi de Babylone et à son peuple – l’Éternel le déclare – je sévirai contre le pays des Chaldéens et je le réduirai en désert pour toujours. » (Jr 25.11-12). « Ainsi parle l’Éternel : Quand soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je m’occuperai de vous et j’accomplirai pour vous mes promesses concernant votre retour en ce lieu. » (Jr 29.10).
La prophétie de Jérémie est très claire et c’est ce constat étonnant qui conduit Daniel à se tourner vers Dieu. Mais il ne s’approche pas à la légère. S’il a lu les promesses, il connaît aussi les appels des prophètes à la repentance et il les prend très au sérieux. Il sait quelle est la situation de son peuple.
La tradition juive consistait à jeûner, se vêtir d’un sac et se couvrir de cendres en signe d’humiliation et de deuil. Daniel, avant toutes choses, se met par là dans les bonnes dispositions. Nous n’avons plus les mêmes coutumes, mais le principe reste le même. Prenons-nous le temps de nous préparer à rencontrer Dieu dans une attitude d’humilité ? Savons-nous devant qui nous nous présentons ?
Daniel commence sa prière en réaffirmant la grandeur de Dieu. Tout d’abord, sa puissance : Dieu grand et redoutable. Mais aussi sa fidélité à l’alliance qu’il a établie avec son peuple par Abraham, puis avec Moïse à qui il a donné ses lois et ses commandements. Daniel se souvient de la sortie d’Égypte (v. 15). Il évoque l’amour que Dieu témoigne concrètement à ceux qui lui obéissent. Sa prière est nourrie des vérités du Deutéronome, prononcée lorsque le peuple campait à l’est du Jourdain avant de conquérir le pays promis. Moïse transmet alors à nouveau les dix commandements et exhorte le peuple à rester fidèle à Dieu. Et nous lisons notamment en Deutéronome 7.9 : « Reconnais donc que l’Éternel ton Dieu est le seul vrai Dieu, un Dieu fidèle à son alliance en témoignant de l’amour pour mille générations envers ceux qui l’aiment et qui obéissent à ses commandements. »
Notre Dieu est puissant, il est fidèle et il nous aime. Voilà des vérités de l’Écriture auxquelles nous ne sommes pas appelés à nous accoutumer. Elles doivent toujours nous interpeller et diriger nos prières, quelles que soient nos circonstances.
Le péché à reconnaître
Daniel continue sa prière par ces paroles : « Nous avons mal agi. » Il parle ici au nom de tout le peuple d’Israël, comme son porte-parole, mais il dit bien « nous » : il fait partie du peuple. Il va plus loin encore au verset 20 : « Je continuais à parler dans ma prière, en confessant mes péchés et les péchés de mon peuple Israël. » Daniel ne cherche pas à rejeter la faute sur ses ancêtres, il s’y associe pleinement.
Aux v. 7-8, Daniel mentionne l’humiliation subie par les Israélites, couverts de honte par l’exil. Malgré cela, ils ne se sont pas adressés à Dieu pour qu’il intervienne et ils n’ont pas changé de comportement envers Dieu. Ils n’ont pas écouté les avertissements des prophètes. Daniel met en évidence la justice de Dieu qui n’a fait qu’appliquer ce qu’il avait annoncé, toujours dans le Deutéronome (Dt 28.15-68). Et les avertissements ultérieurs ont été nombreux. Aucun Israélite ne pouvait ignorer ces menaces. Pourtant, malgré le malheur terrible qui s’est abattu sur le peuple, ils n’ont pas changé d’attitude, ils ne se sont pas tournés vers Dieu pour lui demander pardon et rechercher sa volonté. Savons-nous encore nous repentir sincèrement, prendre le temps de reconnaître nos péchés, demander pardon ?
Quelle est notre attitude aujourd’hui, nous qui assistons impuissants aux guerres civiles dans de nombreux pays, au terrorisme qui nous fait si peur, à la persécution des chrétiens dans de nombreux pays ? Nous voyons encore bien d’autres souffrances : la maladie, la pauvreté, la détresse morale autour de nous ou personnellement. Daniel affirme à plusieurs reprises que Dieu est juste dans tout ce qu’il fait. Ces malheurs que nous voyons partout sont le résultat du péché. Le péché n’est pas seulement une transgression de la loi, c’est une révolte contre Dieu, un refus d’écouter Dieu, et cette attitude nous déroute en toutes choses.
Sommes-nous responsables des péchés de nos ancêtres, de nos parents ? Exode 20.5-6 nous dit : « …je punis les fils pour la faute de leur père jusqu’à la troisième génération de ceux qui me haïssent. Mais j’agis avec amour jusqu’à la millième génération envers ceux qui m’aiment et qui obéissent à mes commandements. » Ainsi, les péchés des pères ne sont pas sans influence sur les enfants. Pourtant, quand on met en parallèle trois et mille générations, on se rend compte du fossé existant entre la punition infligée et la bénédiction accordée. Devant Dieu, la responsabilité est individuelle (cf. Ez 18).
Dans les années qui ont précédé l’exil, on assiste à une obstination dans le mal, dans la désobéissance à Dieu, génération après génération. Tout au long de l’histoire d’Israël, Dieu a puni puis a délivré son peuple. En son sein, il y avait des hommes fidèles comme Daniel et ses amis, qui ont subi le châtiment avec les autres. Nous subissons tous les conséquences du péché de ceux qui nous ont précédés et de ceux qui nous entourent. Nous souffrons à cause du péché dans le monde mais personne ne peut prétendre qu’il est innocent de tout péché et que c’est illégitime. Daniel n’a à aucun moment émis l’hypothèse qu’il souffrait injustement. Au contraire, il a réaffirmé la justice de Dieu et reconnu sa solidarité avec ses contemporains.
Ainsi, la foi des chrétiens n’empêche pas qu’ils restent solidaires de l’ensemble de l’humanité. Les chrétiens sont des êtres pécheurs, sauvés par grâce. Tant qu’ils vivent sur la terre ils subissent comme les autres des conséquences du mal et du péché dans le monde. La différence est que Dieu a établi une alliance avec ses enfants et promet un soutien particulier aux victimes du mal et aux personnes qui souffrent. C’est en cela que Daniel, qui a bien des fois expérimenté la grâce de Dieu, va espérer.
La compassion pour espérer
Après avoir reconnu son péché et le péché du peuple et affirmé la justice de Dieu, Daniel fait appel à la pitié, au pardon, à la compassion de Dieu. Il est conscient qu’il ne peut rien exiger, que lui et son peuple n’ont rien à revendiquer ; ils ne peuvent que demander pardon et faire appel à la compassion et à l’amour de Dieu, lui qui a promis de les restaurer.
Cette grâce, Moïse l’avait déjà enseignée en retranscrivant les paroles mêmes de Dieu : « L’Éternel est un Dieu plein de compassion et de grâce, lent à se mettre en colère et riche en amour ! Je conserve mon amour jusqu’à la millième génération ; je pardonne le crime, la faute, mais je ne tiens pas le coupable pour innocent. » (Ex 34.6-7).
Daniel fait appel à cette faveur imméritée que Dieu témoigne à l’homme. L’être humain ne mérite pas d’être sauvé. Il mériterait au contraire d’être abandonné aux conséquences de ses choix et à toute l’action du mal. Toutefois, Dieu le sauve. Daniel fait appel à l’essence même de Dieu, à ce qu’il est : « À cause de ton immense compassion […] par égard pour toi-même » (v. 18-19). Il demande l’intervention de Dieu, la délivrance. Si Dieu intervient, c’est parce qu’il est rempli de compassion, qu’il voit les ruines de Jérusalem, de son Temple, et la souffrance et l’humiliation de son peuple. Parce que Dieu est fidèle à ses promesses, il n’abandonne pas son peuple. Celui-ci ne peut rien apporter pour mériter le pardon de Dieu et sa restauration. L’intercesseur le souligne avec force. Il est conscient que seule l’intervention de Dieu fera voir sa grandeur. Si l’Éternel sauve son peuple, les nations alentours verront qui est Dieu.
Daniel proclame également que lui et son peuple appartiennent à Dieu. Reconnaître notre place de créature, dépendante de Dieu, c’est nous soumettre volontairement et revenir à la place qui est la nôtre, au pied de la croix, nous qui vivons sous la nouvelle alliance.
Daniel était convaincu que le Dieu qu’il connaissait ne pouvait pas rester sourd et ne pas intervenir. Néanmoins, il était conscient que cela venait de Dieu seul, que quoi qu’il fît, cela ne suffirait pas.
Je suis émerveillée par la ténacité de Daniel dans son combat pour son peuple. Personnellement, Daniel n’était pas le plus malheureux des juifs, il avait une belle situation. De plus, il était âgé et allait bientôt mourir. Ce n’est pas pour cela qu’il baisse les bras et se dit que les plus jeunes s’en occuperont. Il continue son combat pour son peuple et pour la gloire de Dieu, pour l’honneur de son nom. Dans notre société individualiste, c’est un exemple, une attitude à imiter. Il n’y a pas de retraite pour le chrétien dans son combat pour l’avancement du Royaume de Dieu. Certes, les aînés doivent laisser les jeunes générations prendre le relais de certaines responsabilités mais le combat qui se mène ici par la prière, dans la relation avec Dieu, est possible même à un âge avancé. Nous sommes tous appelés à participer à ce combat, quel que soit notre âge, pour que s’accomplissent ses promesses.
Et nous ?
Que pouvons-nous retenir de cette magnifique prière de Daniel ?
Tout d’abord, suivons l’exemple de Daniel dans son attitude devant Dieu : humilité, repentance, recherche dans la Parole pour connaître le plan de Dieu et le laisser orienter nos prières. Soyons ensuite solidaires de notre Église, de nos contemporains, pour demander l’intervention de Dieu avec ténacité et participer ainsi à son œuvre. Finalement, tournons-nous vers Dieu, ce Dieu riche en compassion, ce Dieu d’amour qui a donné son Fils pour que nous puissions être sauvés. Recherchons continuellement son regard, sa présence dans nos vies.
Il est fidèle à ses promesses. C’est bien au début du règne de Cyrus, en 538, que les premiers Juifs rentreront à Jérusalem sous la conduite d’Esdras, pour reconstruire le temple où s’est manifesté Jésus-Christ. Jésus-Christ, l’oint dont la venue sera annoncée avec force dans la suite du chapitre 9… Belle réponse à cette prière de Daniel ! ■