PAR : Léo Lehmann
Membre du comité de rédaction, Communauté chrétienne de Bruxelles-Stockel

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À Bible ouverte
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Le très beau Psaume 107 nous fait entrer parmi ceux que Dieu a rassemblés « de tous pays : de l’est, de l’ouest, du nord et du midi » (v. 3). Mais lorsqu’il décrit leurs origines, il ne le fait pas en termes de ville, de région, de pays, ou de continent : dans ses versets 4 à 32, il nous propose quatre tableaux, comme quatre points cardinaux, quatre horizons différents, et je crois qu’ils nous parlent aussi de nos origines à chacun aujourd’hui…

« Quiconque est sage en observant ces choses reconnaîtra l’amour de l’Éternel », conclut le psaume au v. 43. Je vous invite à observer et à en tirer les bonnes conclusions pour l’année qui s’ouvre devant nous.

Sortis de l’errance

Le premier tableau, aux versets 4-9, nous emmène dans le désert… l’image est évocatrice. Combien de caravanes, de voyageurs ont pu s’y perdre ? Du sable à perte de vue. Les réserves qui peu à peu s’épuisent, les derniers morceaux de pain, les dernières gouttes d’eau, puis plus rien…

Nos vies aussi passent par des déserts… Des moments où nous ne savons pas où aller, des moments où nous nous sentons peu à peu à sec, où les évènements nous déroutent, mettent à mal nos réserves, nous épuisent. Il est des situations où nous errons, où nous peinons à savoir quelle direction prendre, où nous pouvons aussi nous sentir seuls, isolés, sans oasis à l’horizon. Souvent cela ne dure pas, mais pour certains…

Soif de vie, soif de relations, soif de reconnaissance, soif d’amour, soif de vérité, soif de sincérité, soif de paix… Il y a bien des choses auxquelles notre âme altérée aspire. Certainement, dans notre parcours de vie, quelle qu’en soit la longueur, nous avons bien des fois erré, espéré voir certaines attentes comblées.

La seule ressource qu’ont trouvée ceux dont nous parle le psalmiste a été la suivante : « Dans leur détresse, ils ont crié à l’Éternel, et il les délivra de leurs angoisses. » (v. 6).

Imaginez la joie des voyageurs qui après des jours d’errance voient tout à coup surgir une ville à l’horizon : pas un mirage comme ils en ont connu, mais une véritable ville, leur salut ! Pensez à Agar, la servante de Sara qui avait été renvoyée dans le désert, qui pensait qu’elle et son fils Ismaël allaient mourir (Ge 21.14-21) : Dieu les a secourus.

Quels déserts avez-vous traversés dont Dieu vous a délivrés ? Dans quels déserts vous trouvez-vous peut-être encore ?

Libérés de prison

L’emprisonnement… certains termes des v. 10-16 laissent envisager que l’auteur pensait peut-être à l’expérience de l’exil qu’a connu le peuple d’Israël après que le pays avait été envahi par les Babyloniens. Imaginez des colonnes de prisonniers emmenés à pied par monts et par vaux, transférés d’un pays à un autre, vers l’inconnu. Imaginez la situation de milliers de prisonniers, hier et aujourd’hui, entassés dans la saleté, dans la misère, dans le dépouillement, que l’on méprise, que l’on maltraite…

La justice qui s’exerce dans notre monde est imparfaite. Il y aura toujours trop d’innocents emprisonnés, si peu nombreux soient-ils, tandis que de dangereux individus sont laissés en liberté. Il n’y a pas que des gens mauvais en prison. Beaucoup de nos frères et sœurs de par le monde sont emprisonnés pour leur foi…

Le texte nous parle cependant ici de prisonniers qui se sont retrouvés enchaînés parce qu’ils avaient méprisé les ordres de Dieu. C’est lui-même qui a alors permis qu’ils soient emprisonnés. Oui, Dieu intervient, il entrave le mal, le limite. Il permet que s’exerce sur la terre une certaine justice qui ne laisse pas courir tous ceux qui commettent divers crimes.

Mais ceux-là aussi ont eu un réflexe salutaire : « Dans leur détresse, ils ont crié à l’Éternel, et il les sauva de leurs angoisses. » (v. 13).

Hommes enchainés

Nelson Mandela mettait en garde contre la prison de la haine. Bien d’autres enfermements existent encore : la prison de la culpabilité, les chaînes de la convoitise, de l’appât du gain, les liens de la paresse, les barreaux de la rancune, les verrous de l’orgueil… Autant de manières dans lesquelles nous nous laissons trop souvent enfermer, préférant faire comme nous avons envie plutôt que d’obéir à Dieu. Dieu peut nous en sortir.

Pensez à l’apôtre Paul qui s’enfermait dans la haine des chrétiens avant sa conversion (Ac 8.1-3). Dieu l’a délivré, est intervenu avec puissance. Il a entendu ceux qui criaient à lui et les a délivrés, alors même qu’ils étaient en tort.

Et vous, de quelque manière que vous y soyez arrivé, de quelles prisons l’Éternel vous a-t-il délivré ? Quels sont peut-être les liens qui demeurent ?

Guéris de nos maladies

Dans son troisième tableau, aux v. 17-22, le psalmiste en vient à parler de personnes frappées par la maladie au point qu’elles n’ont plus goût à manger quoi que ce soit…

Face à la maladie de Job, ses amis lui rappellent qu’il y a là aussi une manière dont Dieu corrige les hommes. C’est ce que nous décrit le psaume ici : des personnes qui, par leurs fautes, se sont rendues malades. Nos actes ont des conséquences.

Il nous faut cependant rappeler quelque chose que les amis de Job n’avaient pas saisi : toute maladie n’est pas liée au péché d’une personne. Lorsque les disciples de Jésus lui demanderont au sujet d’un aveugle s’il est aveugle à cause de son propre péché ou à cause de celui de ses parents, Jésus refuse de répondre à cette alternative (Jn 9). Et Job, frappé par tous les malheurs possibles, réduit à une extrême misère, a toujours été déclaré juste par Dieu.

La maladie nous frappe souvent sans que nous puissions en savoir la raison. Elle est une conséquence de la rupture avec Dieu qui touche indifféremment tous les humains. Nous ne savons pas forcément pourquoi tantôt l’un est épargné et l’autre abattu, pourquoi l’un guérit aisément et l’autre ne se remet pas… Aller accuser tous les malades d’avoir péché et de mériter leur sort serait faire preuve d’un grand manque de discernement. Il reste un mystère dans la survenue de bien des épreuves.

Toujours est-il que pour les personnes dont il est question dans ce psaume, la survenue de la maladie, de la détresse, n’était pas vraiment un mystère. C’est par leurs fautes qu’ils ont attiré le malheur sur leurs vies. La chose n’est pas étrangère à notre monde contemporain. Par notre orgueil, notre suffisance, nous nous détruisons de bien des manières. Nous attirons sur nous bien des maux et des maladies.

Mais dans cette situation, au cœur d’un monde bouleversé, de vies déchirées, le psaume nous parle à nouveau de personnes qui ont eu la seule réaction vraiment sage : « Dans leur détresse, ils ont crié à l’Éternel, et il les sauva de leurs angoisses. » (v. 19).

Dieu a sauvé ceux qui s’étaient égarés dans leur péché, dont on aurait pu croire que la vie était gâchée, qu’elle était perdue loin de Dieu. Pensez à ces individus possédés par des démons que Jésus a libérés, à ces malades qu’il a guéris (par exemple Mt 9).

Nous aussi avons certainement vécu bien des difficultés dans l’année écoulée : des maladies, des accidents, des imprévus… Que nous ayons là-dedans une responsabilité – ce qui est parfois possible – ou que nous n’en ayons pas – ce qui est aussi possible – la question reste semblable…

De quelles maladies Dieu vous a-t-il sauvés ? Quelles sont celles qui vous affligent encore ?

Sauvés du danger

Le dernier tableau nous emmène en mer (v. 23-32). Si les paquebots d’aujourd’hui peuvent être mis à mal par les eaux, combien plus les petits voiliers de l’Antiquité que devait connaître l’auteur de ce psaume ! Des « eaux immenses »… La description est éloquente : immenses par leur étendue, mais aussi par les secousses qu’elles peuvent provoquer. « Tantôt ils étaient portés jusqu’au ciel, tantôt ils retombaient dans les abîmes. […] Toute leur adresse avait disparu. » (v. 26-27).

Ces marins se sont embarqués sur la mer comme nous dans la vie, ou comme nous nous embarquons dans certains projets, certaines aventures. Tantôt nous pouvons avancer paisiblement. Puis soudain c’est la mer en furie, nous ne maîtrisons plus rien. Nous avons beau être des marins compétents, ou des ouvriers doués, des employés habiles, des parents sages, des conjoints responsables et aimants, des chrétiens expérimentés… les tempêtes qui peuvent surgir mettent à mal nos compétences.

Tempête en mer

Nous, petits humains, nous lançons dans un vaste monde dont Dieu seul a la maîtrise : remarquez que c’est lui qui est ici à l’origine de la tempête (v. 25). Dieu a une pleine et entière maîtrise sur sa création, sur ce qui arrive. Il peut intervenir à n’importe quel moment.

C’est pour cette raison qu’à nouveau, la seule attitude sage est celle que nous décrit le psaume : « Dans leur détresse, ils ont crié à l’Éternel, et il les tira de leurs angoisses. » (v. 28).

Pensez aux disciples sur la mer en furie, craignant pour leur vie avant que Jésus ne vienne apaiser la tempête… (Mt 8.23-27).

Au fil des années, nous nous sommes certainement engagés sur bien des chemins, nous avons fait bien des projets. Certains ont abouti, d’autres sont encore en cours. Certains ont peut-être été abandonnés, ou nous ont conduits à l’échec. Une chose est sûre, ces projets ne sont pas toujours sans difficulté. Nous nous heurtons à des problèmes, nous sommes mis en danger dans diverses situations. Dans bien des moments, nous avons pu perdre les pédales, nous trouver déboussolés. Mais Dieu ramène ceux qui font appel à lui…

De quelles tempêtes l’Éternel vous a-t-il délivrés ? Y en a-t-il d’autres qui bouchent encore votre horizon ?

C’est l’Éternel qui nous sauve !

Les derniers versets du psaume soulignent finalement ceci : Dieu peut toutes choses. Ceux qui le méprisent l’expérimenteront à leurs dépens. Personne n’a accumulé assez d’argent, d’assurances, de pouvoir, de soldats, de sagesse, pour pouvoir faire ce qu’il veut et se croire à l’abri de Dieu.

Mais quel immense espoir pour ceux qui se tournent vers lui ! Vous l’aurez remarqué, un refrain ponctue les quatre tableaux parcourus : « Dans leur détresse, ils ont crié à l’Éternel, et il les tira de leurs angoisses. »

Dans chacune de nos vies, Dieu est intervenu pour qu’aujourd’hui nous puissions encore nous tenir devant lui. Nous a-t-il préservés du désespoir dans nos angoisses, délivrés de la maladie ? Nous a-t-il offert de nouvelles perspectives, nous a-t-il fait grandir avec lui, nous a-t-il ouvert les yeux sur certaines situations ? Ou nous a-t-il simplement préservé la vie, pourvu à nos besoins ?

Assurément, Dieu est intervenu pour nous. Et il veut encore intervenir. C’est avec confiance que nous pouvons donc nous tourner vers lui.

Pas besoin, pour cela, d’avoir précisément cerné le problème et de lui dire exactement comment nous voulons qu’il intervienne dans nos vies. Face à des obstacles qui nous dépassent, en nous ou en dehors de nous, comment le pourrions-nous ? Mais en tout temps nous pouvons crier à l’Éternel.

« Les hommes droits le voient et s’en réjouissent, mais l’injustice a la bouche fermée. Quiconque est sage en observant ces choses reconnaîtra l’amour de l’Éternel. » (v. 42-43).

Femme aux bras tendus

Dieu est intervenu dans notre monde. À la croix, Christ est mort pour nous et il est ressuscité. Quelle intervention pour sauver son peuple de son péché ! Qui aurait cru que le problème de la culpabilité que faisait peser le péché sur nous pouvait être résolu ? Et pourtant Dieu l’a fait ! C’est de là que nous venons. Nous pouvons nous tenir devant lui parce qu’en Jésus-Christ Dieu nous a sortis de nos errances, nous a libérés de nos prisons, guéris de nos maladies, sauvés des dangers, et parce que sa fidélité continue à se manifester.

Si nous reconnaissons dans cet amour de Dieu l’origine de notre vie présente, nous pourrons envisager l’avenir avec confiance et suivre joyeusement une autre exhortation que nous fait entendre chacun des tableaux de ce psaume : « Qu’ils louent donc l’Éternel pour son amour, pour ses miracles en faveur des hommes. » (v. 8,15,21,31).

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janvier 2024

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