PAR : Albert Solanas
Membre du comité de rédaction, Pasteur à la retraite, église baptiste de Nîmes

Article paru dans :

Un algorithme, c’est l’enchaînement des actions nécessaires à l’accomplissement d’une tâche, un genre de recette de cuisine. Aujourd’hui, grâce à la puissance des ordinateurs, à la miniaturisation des caméras et aux interconnexions d’internet, les algorithmes gèrent des opérations dans une infinité de domaines : affectation des élèves dans des classes, passation des ordres de bourse, offres d’itinéraires, d’hôtels, de voyages, etc.

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Les algorithmes savent tout de nous. Toutes nos données sont brassées par des programmes de plus en plus intelligents qui font des choix pour nous. Les algorithmes nous enserrent. Nous ayant repérés comme ayant tel profil, ils nous proposent des choses qui nous plaisent et que nous sommes susceptibles d’adopter (des idées) ou d’acquérir (des objets).

Tapez « BP » ou « pétrole » sur Google : si vous êtes repéré « de gauche », on vous présentera des informations sur la dernière pollution pétrolière ; si vous êtes repéré « de droite », on vous suggérera de souscrire des actions de la compagnie pétrolière.

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Autrement dit, pour des raisons idéologiques ou commerciales, on vous fournit, dans tous les domaines, ce qui peut vous intéresser. En conséquence, les algorithmes contribuent à une reproduction du « même » dans la société.

Pour ce qui concerne les réseaux sociaux, ils constituent actuellement une source d’information incontournable pour les individus comme pour tous les groupes sociaux, y compris les médias classiques. Sous la bannière de l’immédiateté, leur caractéristique est d’une part la multiplication individualiste et personnalisée à l’infini de toutes les réactions à tout ce qui se dit et se fait, toutes les opinions, idées, jugements, analyses, propagandes, idéologies, prosélytismes imaginables ou inimaginables. Elle est d’autre part la possibilité de se regrouper par affinités, de trouver de quoi conforter ses idées et consolider tous les communautarismes, des plus légitimes, encourageants, aux plus sectaires, exclusifs, agressifs et, bien sûr, dangereux et criminels.

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Les réseaux sociaux sont source d’information, disions-nous. Ils sont tout autant source de désinformation, de manipulation et de propagande.

Les médias classiques, d’opinion ou généralistes, ont leur ligne éditoriale, leurs journalistes professionnels, leur déontologie et les informations qu’ils livrent, passées au crible du comité de rédaction, se doivent d’avoir un certain degré d’objectivité et de fiabilité. Les commentaires donnent l’orientation de l’analyse.

Il n’y a pas si longtemps, selon ses options, chacun pouvait trouver chaussure à son pied, quelques grandes familles de pensée et de choix politique exprimant l’essentiel du corps social. Les chrétiens trouvent en Dieu leur fonds commun et partagent une communauté très diverse.

Rien de tel avec les informations livrées sur les réseaux sociaux et les sites web.

Ce qu’on y trouve, c’est ce qu’on y cherche, c’est-à-dire ce qui va renforcer chacun dans ses idées et ses opinions.

On pourrait ainsi dire que les algorithmes comme les réseaux sociaux, pour la séduction commerciale ou pour la consolidation idéologique, contribuent, chacun à leur manière mais de façon convergente, à reproduire dans notre société éclatée, une coagulation en même temps qu’une multiplication à l’infini de « mini-communautarismes » parallèles ou antagonistes qui rendent de plus en plus difficile l’organisation de la société, la direction et la cohésion des groupes ainsi que le gouvernement des peuples.

Cependant, il convient de nous situer dans ce contexte. Nous qui avons, en tant que chrétiens, à la base de nos pensées et de nos comportements, des valeurs et des principes structurants auxquels nous demeurons très attachés, ne sommes-nous pas, au sein de notre société, une communauté qui tend à se reproduire elle-même, à se conforter dans ses convictions, peut-être même à être tentée de s’enfermer dans un repli identitaire au milieu d’un environnement dangereux ?

Nous pourrions apparaître ainsi. Toutefois, deux éléments nous distinguent radicalement de ce que nous dénonçons : la convergence des algorithmes et des réseaux sociaux pour confirmer chacun dans ses pensées et ses choix.

Pour ce qui est de l’origine de ces pensées et de ces choix, nous les trouvons, non pas en nous mais dans la Parole de Dieu et l’action de son Esprit. Ce fonds commun, qui nous est extérieur, nous est essentiel. Pour ce qui est de l’éclatement individualiste, nous sommes intégrés dans l’Eglise. Cette communauté rassemble les personnes les plus différentes les unes des autres dans l’unité de l’Esprit et l’édification par l’amour.

Ces deux réalités, vécues dans le dynamisme de l’Évangile, nous situent dans une communauté fraternelle et ouverte aux autres, à l’opposé du repli identitaire.

Au temps des juges, « chacun faisait ce qui lui semblait bon ». Comme aujourd’hui.

Au temps de l’Église, nous sommes appelés à vivre ensemble la foi, l’espérance et l’amour comme témoins du Dieu vivant dans le monde.. ■

Article paru dans :

janvier 2018

Rubrique :
Société
Mots-clés :
Association baptiste

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