PAR : Matthieu Sanders
Pasteur, Église baptiste de Paris-Centre

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Société
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La Bible nous présente à l’unisson l’humanité comme ayant été créée à l’image de Dieu, et issue d’une même origine. Dans le premier chapitre de la Genèse, l’humanité nous est décrite comme étant collectivement créée à l’image de Dieu, et investie d’une vocation, celle de remplir et de gérer la création sous l’autorité du Créateur.

Puis, le chapitre 2 fait un zoom sur un couple, Adam et Ève. Ils sont désignés comme parents de toute l’humanité ; c’est explicite lorsqu’Ève est appelée, en Genèse 3.20, la « mère de tous les vivants ». Lorsque nous évoquons cela aujourd’hui, nous basculons vite vers les questions du rapport entre le récit biblique des origines et les approches scientifiques modernes des origines de l’humanité. Ce n’est pas le sujet de cet article !

Ce que nous retenons un peu moins souvent est que cette source unique de l’humanité fonde, dans la Bible, l’unité de la « race humaine ». Nous avons tous la même origine. Il n’y a pas plusieurs humanités, mais une humanité. Et, en Genèse 3, c’est toute l’humanité qui est entraînée dans la chute d’Adam et Ève. L’apôtre Paul développe tout particulièrement ce point, notamment dans sa lettre aux Romains. Il y a une humanité créée à l’image de Dieu et une humanité qui tombe dans le péché, qui se révolte contre le Créateur.

Ainsi, les textes fondateurs de la vision biblique de Dieu, du monde et de l’humanité, dressent le tableau d’une humanité marquée par une trajectoire commune. La suite de la Genèse nous présente une dispersion de l’humanité, notamment après l’épisode de la tour de Babel : des peuples, des langues, des ethnies se répartissent et revêtent chacune son identité propre. Néanmoins, à aucun moment l’unité fondamentale de l’humanité n’est remise en question.

peuples unis

Lorsque Dieu appelle Abram à quitter son pays pour aller fonder (pour faire simple) le peuple d’Israël, des promesses spécifiques sont adressées à la descendance immédiate d’Abraham. Pourtant, Dieu ne perd jamais de vue la dimension universelle de l’humanité.

En effet, il promet ceci à Abraham, Genèse 12.3 : « Toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » Dieu veut sauver toutes les familles de la terre, toutes les nations. En fait, la seule « barrière » humaine visible que connaît l’Ancien Testament, est celle existant entre les Israélites et le reste de l’humanité, « les nations », pour reprendre le vocabulaire biblique. Cependant, l’Ancien Testament ne laisse jamais entendre qu’il s’agirait de deux humanités différentes. Au contraire, dans plusieurs textes-clés, l’Ancien Testament montre que Dieu, qui a conclu une alliance spécifique avec le peuple d’Israël, n’a jamais perdu de vue le reste de l’humanité.

L’apôtre Paul le souligne en Romains 23.29-30 : « ... Dieu est-il seulement le Dieu des Juifs ? N’est-il pas aussi celui des non-Juifs ? Oui, il est aussi le Dieu des non-Juifs, puisqu’il y a un seul Dieu. » Il y a un seul Dieu et une seule humanité dont il est le Créateur.

Pour un temps, Dieu est entré dans une relation particulière avec un peuple, choisi pour être le peuple par lequel il se révèlerait au monde. Toutefois, il ressort du fil conducteur biblique que l’alliance entre Dieu et Israël avait pour vocation de refléter à petite échelle ce qui serait un jour vécu à grande échelle : un « nouvel Israël », multinational cette fois, rassemblé partout dans le monde, uni par la foi en Dieu.

Plusieurs prophètes, en particulier Ésaïe, annoncent cela à diverses reprises : un jour, toutes les nations viendront adorer Dieu, le seul vrai Dieu, le Dieu d’Israël. Et cette prophétie va commencer à s’accomplir lors de la venue de Jésus.

Dans son ministère précédant sa mort sur la croix, Jésus se concentre sur la proclamation de son message au peuple d’Israël. Néanmoins, plusieurs épisodes, comme celui du centurion, de la Samaritaine, ou de la femme syro-phénicienne anticipent déjà sur la réalité à venir : Jésus est venu non seulement pour Israël, mais pour le monde entier.

Il l’explique à ses disciples en utilisant une métaphore : « J'ai encore d'autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, il faut que je les amène ; elles écouteront ma voix et il y aura un seul troupeau, un seul berger. » (Jn 10.16). Et après sa résurrection, Jésus inaugure ouvertement cette nouvelle ère dans laquelle des gens de toutes les nations sont appelés à venir à lui, sauveur et Seigneur du monde.

Matthieu 28.18-19 : « Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Un peu plus tard, dans ses lettres, l’apôtre Paul en tirera toutes les conclusions, en parlant d’une nouvelle humanité rassemblée en Jésus-Christ, faite de Juifs comme de non-Juifs du monde entier. Ainsi, il écrit, en Éphésiens 2.14 : « En effet, il est notre paix, lui qui des deux groupes n’en a fait qu’un et qui a renversé le mur qui les séparait, la haine. » Puis, au v. 16 du même chapitre, « Il a voulu les réconcilier l’un et l’autre avec Dieu en les réunissant dans un seul corps au moyen de la croix, en détruisant par elle la haine ».

La logique de l’apôtre Paul est la suivante : toute l’humanité a le même problème, la séparation de Dieu à cause du péché. Et Dieu a apporté à toute l’humanité la même solution : un Sauveur qui, par sa mort sur la croix, a accompli le pardon de Dieu. Égaux dans le péché, les hommes et les femmes que Dieu a attirés à lui par la foi sont devenus égaux par la grâce. Nous avons tous le même besoin du pardon de Dieu et nous avons tous le même besoin de salut.

Cela fait de nous un peuple, un peuple qui existe par-delà les nations, les frontières, les langues : l’Église, le peuple de Jésus-Christ. Dire cela n’efface pas toute notion d’appartenance nationale, linguistique ou culturelle. Au contraire, dans le livre de l’Apocalypse, nous voyons que les différentes tribus, nations et langues ne sont pas dissolues mais plutôt rassemblées dans l’adoration de Dieu. Apocalypse 7.9-10 : « Après cela, je regardai et je vis une foule immense que personne ne pouvait compter. C’étaient des hommes de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’Agneau, habillés de robes blanches, des feuilles de palmiers à la main, et ils criaient d’une voix forte : “Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône et à l’Agneau”. »

Une seule humanité, diverse, qui vient avec sa multiplicité, mais rassemblée dans l’adoration de son Dieu. Le prophète Ésaïe avait déjà annoncé cette vision, au chapitre 60 de son livre, lorsqu’il dépeignait des nations qui viendraient chacune apporter leur offrande à Dieu.

Dans toute la Bible, nous trouvons cette double affirmation : oui à la diversité, non à la division. C’est particulièrement vrai au sein de l’Église et il me semble naturel que l’Église soit témoin de cette conviction dans la société. Oui à la diversité. Non à la division.

Oui à la diversité, à la richesse des langues, des cultures, des couleurs de peau.

Cela fait partie de la création magnifique du Créateur. Dieu aime la diversité. De ce fait, toute notion de supériorité d’une culture sur une autre ou, pire encore, d’une ethnie, d’une couleur de peau sur une autre, s’oppose frontalement à la vision biblique qui évoque un rassemblement des gens de toutes origines dans une même appartenance à Dieu.

Attachés à cette vision, les chrétiens devraient non seulement se mobiliser contre tout type de racisme, mais aussi être vigilants face aux formes plus subtiles, aux préjugés tenaces, à tout ce qui fait qu’on ne se considère pas comme étant vraiment du même « cru » qu’un autre être humain.

J’ajoute, et c’est peut-être un peu plus controversé même si je pense que cela ne devrait pas l’être : il me semble que la vision biblique s’oppose aussi à tout nationalisme, à toute vision qui érige la nation comme une valeur suprême ou comme une identité essentielle. Cela n’empêche pas des expressions de patriotisme, de fierté nationale. Toutefois, le chrétien doit prendre ses distances avec toute idolâtrie nationale.

Alors oui, l’Église brise les barrières raciales et tribales. Elle rassemble des hommes, des femmes, des enfants, issus de toute l’humanité, de toutes langues, de toute tribus, de toutes nations. Jamais nous ne trouvons dans les Écritures le moindre soupçon d’une quelconque supériorité morale, culturelle ou intellectuelle d’un groupe humain sur un autre.

Une seule humanité qui s’est perdue collectivement dans le péché. Un seul Sauveur, qui a subi à notre place la condamnation que nous méritions tous. Une seule espérance, celle d’une vie éternelle vécue avec notre Dieu, nous rassemble, riches de nos appartenances et de nos identités secondaires mais unis par notre identité essentielle : celle d’appartenir à Jésus-Christ.

Article paru dans :

septembre 2024

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