PAR : Gordon Margery
Membre du conseil de l'Association baptiste, pasteur à la retraite, Église baptiste de Faremoutiers

Gordon Margery participe depuis 2007 aux Conversations catholiques-évangéliques. Il y a fait la connaissance de Michel Mallèvre, qu’il considère comme un ami. Ce dernier vient de publier un livre, Les évangéliques, dont Sébastien Fath écrit : « Une nouvelle démonstration d’intelligence œcuménique dans ce qu’elle a de meilleur. »

Michel Mallèvre, prêtre dominicain, a vécu dix-sept ans en Afrique centrale où il a rencontré beaucoup d'évangéliques, de tous bords. En 2002, ses supérieurs l'ont rappelé pour suivre ce qui se passe au sein du mouvement évangélique en France. Il a été, de 2003 à 2009, secrétaire de la Commission épiscopale pour l'unité des chrétiens et secrétaire du Groupe des conversations catholiques-évangéliques.

Michel Mallèvre

Son livre manifeste donc une bonne connaissance du monde évangélique, une certaine fermeté doctrinale catholique et une conviction œcuménique forte.

C’est un regard fraternel qu’il porte sur nous, qui évite de marquer à tout prix des points polémiques. Au contraire, son livre présente l’histoire et les convictions évangéliques de façon irénique avant de parler de ce qui pose problème dans nos rapports mutuels.

Dans la partie historique, je suis frappé par l’exactitude, l’étendue et la concision de son texte. Avec la Réforme, les anabaptistes sont en bonne place. Michel Mallèvre comprend la complexité de l’émergence du courant baptiste en Angleterre comme le rôle du piétisme et des réveils. Il témoigne d’une excellente connaissance du développement du pentecôtisme dans ses multiples branches. Il mentionne les origines de notre propre Association. Il parle en connaisseur des États-Unis et de l’Afrique. Contrairement à certains auteurs, il comprend que l'émiettement apparent du monde évangélique est compensé par des regroupements confessionnels et des réseaux mondiaux interconfessionnels comme l'Alliance évangélique, le Mouvement de Lausanne et la Pentecostal World Fellowship (pentecôtiste). La France, la Belgique et la Suisse reçoivent des mentions particulières.

Dans la partie doctrinale, son point de départ est la confession de foi de l'Alliance évangélique Ce qui frappe l’auteur catholique est l’importance reconnue à la Bible, les développements sur le salut donné par Christ, et la place accordée au retour de Christ et au jugement. Il note également que l’Église a une place mineure dans cette Confession de foi et que les sacrements en sont absents. Que dire alors de la doctrine évangélique sur ces sujets si importants pour un catholique ? Pour l’Église, il cite le document du Comité mixte catholiques-baptistes de France (2006) ; et pour les sacrements, il cite la Confession de foi de notre Association. Les particularités pentecôtistes sont bien expliquées.

Les évangéliques, couverture

Michel Mallèvre ne croit pas que les évangéliques soient indifférents à l’engagement dans la société. Il cite la défense de la vie, le positionnement sur l’homosexualité, l’engagement social, les manifestations publiques et l’engagement politique comme autant de signes disant que nous ne nous enfermons pas dans un ghetto religieux. Sur les causes de l’essor des évangéliques, il prend ses distances avec certains sociologues.

Il existe dans l’univers évangélique des dérives que Michel Mallèvre dénonce tout comme nous : la fascination pour les miracles, le soi-disant évangile la prospérité, les dérives sectaires. Au lieu de profiter de ces phénomènes pour nous dénigrer, il propose aux catholiques de se remettre en cause, sans pour autant cesser d’être eux-mêmes. Citant le cardinal Kasper, il dit : « Notre réponse ne peut pas être polémique… notre réponse demeure : le dialogue. »

De quel dialogue s’agit-il ? Michel Mallèvre comprend les réticences historiques de bon nombre d’évangéliques à l’égard du mouvement œcuménique et la difficulté particulière que nous avons à nouer des relations paisibles avec les catholiques. Il voit trois pistes : le dialogue théologique, comme celui du Groupe des conversations catholiques-évangéliques ; les échanges interpersonnels qui mettent en évidence la foi des uns et des autres en Christ ; et la guérison des mémoires, comme celle entreprise par les catholiques et les mennonites. Les cadres de nos Églises commencent à y être sensibles. Néanmoins, la conviction œcuménique de l’auteur est réaliste : avec certaines communautés de réveil en Afrique ou dans nos banlieues, le dialogue restera impossible.

Michel Mallèvre pose ainsi sur les évangéliques un regard lucide, sans polémique. Notre compréhension de l’univers qui est le nôtre peut en être enrichie. Et l’approche du frère dominicain pourrait nous être un exemple. Quand les évangéliques seront-ils donc capables de présenter « Les catholiques » d’une manière objective et bienveillante, comme Michel Mallèvre a voulu le faire pour nous ? En effet, le Seigneur nous invite à faire pour les autres ce que nous voulons qu’ils fassent pour nous.

Les évangéliques, Michel Mallèvre, 2015, Éditions jésuites (Namur et Paris), 120 p. 9,50 €

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