PAR : Nordine Salmi
Membre du comité de rédaction, pasteur, Église baptiste de Genève

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Cet article fait suite à une série commencée en 2013 : « Est-il possible de se faire baptiser sans donner un témoignage public ? » (mai 2013), « Si un chrétien me baptise dans la mer… » (juin 2013), « Faut-il être baptisé pour prendre la Cène ? » (novembre 2013), « Le baptême par aspersion est-il valide ? » (octobre 2014).

La question en appelle deux autres tout aussi importantes : attendre quoi ? Et combien de temps ?

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Avant de répondre à l’interrogation qui se trouve en titre de l’article, tentons de répondre à la celle concernant certains motifs de cette attente.

Les raisons pour lesquelles les responsables de l’Église imposent un certain délai entre le moment où l’on devient croyant et celui où l’on se fait baptiser sont diverses. Toutes se justifient-elles ? Disons-le de suite : je ne le crois pas. Prenons par exemple le sursis qui est imposé dans le but de vérifier si la conversion est authentique. Le délai, dans ce cas, aura une fonction de mise à l’épreuve et, de ce fait, le témoignage du nouveau croyant ne serait pas pris au sérieux. On demanderait à voir ! Outre que cette attitude rendrait difficile l’accueil franc, massif et joyeux, d’une nouvelle naissance, il ferait basculer le nouveau chrétien dans une sorte de salle d’attente où il patienterait avant que le verdict final des responsables d’Église ou du pasteur tombe. Face à cela, la question que je me pose est la suivante : à quelle hauteur placerions-nous les exigences pour pouvoir déterminer si la conversion est authentique ou non et, ensuite, accepter ou refuser le baptême ? Le risque majeur est de détourner le sens du baptême en le faisant passer pour ce qu’il n’est pas : un certificat de bonne conduite ! La question qui nous vient à l’esprit est de savoir si nous pouvons légitimement refuser le baptême. Même si cela reste exceptionnel, il peut arriver que le candidat ait une conduite immorale grave et avérée qui viendrait contredire de manière évidente sa profession de foi, et qui, plus grave encore, revendiquerait sa situation en la justifiant. Il est clair à mes yeux que le baptême n’aurait pour cette personne aucun sens.

Une autre situation pourrait être celle d’une personne dont la compréhension du salut ne serait pas en accord avec ce que l’Évangile proclame. Cependant, dans ces deux cas, il ne s’agit pas de proposer un délai pour une éventuelle aptitude au baptême mais de reconsidérer l’authenticité de la conversion. Il ne s’agirait pas d’une suspicion mais d’une remise en question claire et nette de la foi chrétienne du candidat. Cette remise en question devrait être conduite avec tout l’amour et la sagesse qui sied à celui qui veut gagner la « brebis perdue ». Une autre situation, sans commune mesure avec les causes que je viens d‘évoquer, qui rejoint la problématique de la suspicion, est le délai que l’on pense devoir imposer aux croyants très jeunes qui demandent le baptême. Ce sont parfois des préadolescents mais aussi des enfants en âge de raison. Leur accompagnement est délicat et l’on peut comprendre les responsables qui proposent à ces personnes d’attendre qu’elles atteignent une certaine maturité psychologique avant de faire ce choix. Un échange pastoral bien mené, à l’écoute de l’enfant ou du préadolescent et, c’est important, accueillant leur parole pour ce qu’elle est, celle d’enfants, permettrait de déterminer ce qu’ils ont saisi de la signification du baptême. Le risque que nous prenons en ajournant leur demande, sous prétexte de leur jeune âge, est de décourager les jeunes croyants, de mettre en doute la sincérité de leur témoignage et de leur faire croire que la foi, quoi que l’on en dise, est une affaire d’adulte. Cela peut avoir des conséquences désastreuses.

Plus fréquent, heureusement, est le délai proposé pour parcourir avec le nouveau croyant les principaux aspects de la foi, afin de bien s’assurer que la candidature est fondée sur un minimum de connaissance biblique. Je suis évidemment favorable à cette préparation, à la condition qu’elle ne débouche pas sur un parcours théologique du combattant ! Là encore, nous détournerions le sens du baptême en le faisant passer, cette fois-ci, pour un diplôme académique ! Souvenons-nous que la mission que Jésus confie à ses apôtres est d’abord, et avant tout, de faire des disciples en baptisant. L’enseignement vient après cet acte !

L’Écriture nous montre que le baptême est administré dans la foulée de la conversion. Je ne suis pas certain que les apôtres ont vérifié l’authenticité de la conversion des nouveaux croyants de la Pentecôte. Si l’eunuque éthiopien s’est fait expliquer les Écritures, c’est pour N reconnaître que le Messie annoncé est d bien le Christ-Jésus. Comme le geôlier de Égl Philippes, il s’est fait baptiser sans délai.

On évoquera peut-être, pour justifier des délais, l’épaisseur de l’histoire qui est venue semer le trouble dans nos esprits sur la signification du baptême, et qu’il est donc utile de bien remettre les choses en place. C’est important mais le délai doit rester court. Plus le symbole s’éloignera de la réalité qu’il signifie, plus il se dépouillera de la richesse de son sens pour n’être qu’un acte d’obéissance. C’est évidemment ce qu’il est, mais pas uniquement ! Il est l’emblème de la purification de nos péchés. Nous exprimons par lui notre union avec le Christ dans sa mort, son ensevelissement et sa résurrection. Par lui nous proclamons notre engagement envers notre Sauveur.

Pourquoi remettre à plus tard l’expression de ce que le Seigneur, dans sa grâce, a déjà opéré dans la vie du frère ou de la sœur ?

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Si l’Église ne doit pas sous-estimer sa responsabilité dans l’administration du baptême, elle ne doit pas non plus la surestimer. Nous ne devons jamais oublier que c’est sur la profession de foi du croyant que nous baptisons. Seul le Seigneur lit dans les cœurs. Seule sa lecture est infaillible ! Simon le magicien a trompé la sagacité des apôtres. Pierre, qui l’a baptisé, ne semble pas s’en culpabiliser outre mesure. Il s’en prend à la fourberie de Simon le magicien lorsque celui-ci dévoile ses véritables motivations, montrant ainsi son immense responsabilité dans son mensonge.

Le baptême : faut-il attendre ? Juste ce qu’il faut pour en comprendre le sens. Pour que chaque baptisé puisse vivre en pleine conscience et dans la joie ce que représente ce symbole si éloquent de la nouvelle naissance et de l’entrée dans la famille de Dieu. ■

Article paru dans :

janvier 2015

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