PAR : Steve Cox
Pasteur, Église évangélique baptiste de Veneux-les-Sablons

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À Bible ouverte
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Abraham est souvent présenté dans la Bible comme l’exemple d’un homme qui a vécu par la foi. Dans sa lettre aux chrétiens de Galatie, l’apôtre Paul encourage vivement ses lecteurs à se rappeler le patriarche et à s’identifier à lui : « Voyez Abraham ! Son expérience a été identique à la vôtre : il a fait confiance à Dieu et a pris ses paroles au sérieux, c’est pourquoi il a été en règle avec Dieu : son acte de confiance lui a valu d’être considéré comme juste. Ainsi, seuls ceux qui placent toute leur confiance en Dieu sont les vrais fils d’Abraham. » (Ga 3.6-7, Parole Vivante).

Abraham est le père de tous ceux qui se confient en Dieu et prennent ses paroles au sérieux, autrement dit, de ceux dont la foi est authentique. Nous trouvons, dans l’Épître aux Hébreux, une définition de la foi correspondant à l’expérience d’Abraham : « Or, sans la foi, il est impossible de lui être agréable. Car celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il récompense ceux qui le cherchent. » (Hé 11.6).

Accompagner sur la route

La foi est dynamique et c’est sans doute la raison pour laquelle l’enseignement biblique à ce sujet prend souvent la forme de biographies. Nous suivons la vie de quelqu’un, nous l’accompagnons dans ses épreuves, ses échecs, ses moments forts. Les textes suscitent des questionnements : qu’aurais-je fait dans de telles circonstances ? Nous réalisons, à la lecture de ces récits que la foi n’est pas une question de perfection mais d’apprentissage. C’est à l’école de la foi que nous faisons l’expérience d’un Dieu entièrement digne de notre confiance. Toute la vie d’Abraham est riche d’enseignements sur sa relation avec Dieu. J’aimerais vous proposer d’en parcourir quelques morceaux choisis dans les débuts, en particulier en Genèse 11.27-12.9 et 15.1-21.

Le Dieu qui conduit l’histoire

Dans les onze premiers chapitres de la Genèse, apparaît une sorte de cycle qui se répète. Tout commence par une faute. La faute est suivie d’un jugement, puis vient une expression de la grâce de Dieu.

Genèse 1 à 3 décrit la création du monde, puis la rupture entre l’homme et Dieu et le jugement de celui-ci : l’homme et la femme sont chassés du jardin. Pourtant, la grâce accompagne déjà le jugement, avec cette promesse d’un Sauveur qui un jour écrasera notre ennemi : « Alors l’Éternel Dieu dit au Serpent : «Je susciterai l’hostilité entre toi-même et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci t’écrasera la tête, et toi, tu lui écraseras le talon.» » (Ge 3.15).

Au chapitre 4, Caïn tue son frère Abel. La faute est suivie du jugement et de la grâce : une protection promise au coupable au v. 15.

Vient l’histoire de Noé. La faute est là : une violence quasi omniprésente ; le déluge la sanctionne, accompagné de la grâce : « Mais Noé obtint la faveur de l’Éternel. » (Ge 6.8).

Nous arrivons au récit de la Tour de Babel du chapitre 11. La faute est là, cet orgueil de l’homme face à son Créateur. Le jugement de Dieu consiste dans la confusion des langues. Mais la grâce ? Où est la grâce ? L’histoire se termine par la dispersion des hommes sur toute la terre et le désordre qui règne. Point final. Nous nous attendons à une note d’espérance et sommes un peu déçus de nous heurter à l’arbre généalogique de la famille de Sem. L’épisode se termine sur un certain Térah, mort à l’âge de deux-cent-cinq ans, père d’Abram, qui deviendra Abraham, Nahor et Harân.

Puis le chapitre 12 commence ainsi : « L’Eternel dit à Abram… » (Ge 12.1). Et voilà la grâce est au rendez-vous, à la suite du chaos suscité par Babel. Voici un autre chemin, une autre perspective en réponse à la parole de grâce que Dieu, l’auteur de l’espérance, nous adresse.

Dieu est un Dieu saint. Il doit toujours condamner le mal. Cependant, la porte est toujours ouverte sur l’espérance et la grâce.

 Le Dieu qui appelle

Pourtant, les débuts ne sont pas prometteurs. La vie d’Abram commence dans une grande ville qui pratique l’idolâtrie, Our en Chaldée. Dans Josué 24.2, nous apprenons que Térah, le père d’Abram, était impliqué dans l’adoration de faux dieux.

De plus, il s’agit d’une famille compliquée. Térah a trois fils, Abram, Nahor et Harân. Harân meurt avant son père. Nahor épouse sa nièce et Abram sa demi-sœur Sarai qui est stérile.

Surprenant n’est-ce pas ? De tous les habitants d’Our, Dieu choisit Abram. Quelle bonne nouvelle pour nous ! Dieu appelle Abram. Notre Dieu prend l’initiative. C’est lui qui fait le premier pas et agit pour rétablir cette relation brisée entre lui et l’homme. La grâce de Dieu n’est jamais due au mérite de sa créature. Il vient à nous tels que nous sommes et nous appelle à lui faire confiance et à prendre ses paroles au sérieux.

Quel encouragement ; Dieu a appelé Abram, malgré son arrière-plan, malgré sa situation familiale et malgré ses faiblesses. Notre vision de Dieu est souvent bien limitée pour ce qui nous concerne et aussi pour les autres.

VA !

Tout a commencé avec cette parole que Dieu adresse à Abram : « Va, quitte ton pays… » Une parole qui change tout. Abram part.

 Le Dieu qui promet

Et c’est ainsi que pourront s’accomplir les promesses de Dieu. L’appel à Abram s’accompagne effet de promesses, pas toutes faciles à accueillir.

Source de bénédiction

Abram reçoit la promesse d’une bénédiction : « Je te bénirai… et tu deviendras une source de bénédiction pour d’autres. » (Ge 12.2). Si l’auteur de la Genèse nous rapporte cet appel à Harân, nous voyons que le Nouveau Testament affirme qu’Abram avait déjà reçu un appel alors qu’il était encore dans le pays des Chaldéens (Ac 7.2-4). Son père semble être d’accord pour l’accompagner. Toutefois, à mi-chemin, arrivés à Harân, ils s’y arrêtent et s’y installent. Nous en ignorons la raison. La santé du père ? Le climat agréable ? La peur d’aller plus loin ? Notre impression est que le problème était lié au père plutôt qu’à Abram. Térah meurt. Dieu renouvelle son appel.

Quel est le plan de Dieu pour notre vie personnelle et pour celle » de l’Église ? Assurément, il veut nous bénir et faire de nous une source de bénédiction pour d’autres. Si nous nous contentons de recevoir uniquement la bénédiction qui nous concerne, nous ressemblons à Térah. Nous nous arrêtons en chemin. Nous n’acceptons que la moitié de ce que Dieu veut nous donner ! Il veut que nous soyons une bénédiction pour d’autres. Et il sait nous accompagner dans la réalisation de ces promesses.

Dieu promet aussi la protection. « Je maudirai ceux qui t’outrageront. » (v. 3). Abram a un voyage dangereux devant lui mais il peut espérer que cette promesse, comme la précédente, se réalisera.

Une troisième promesse, en revanche, est d’un tout autre genre : une postérité. « Je ferai de toi l’ancêtre d’une grande nation. » (v. 2). Comment Abram a-t-il reçu cette promesse ? Après tout, Saraï et lui ont un certain âge et elle est stérile.

Faut-il négliger les promesses ou les prendre au sérieux ? Bien commencer est une chose mais bien continuer avec le Seigneur en est une autre. On peut avoir tendance à se contenter du progrès accompli jusqu’à présent ou à regarder en arrière plutôt que d’avancer. Il en résulte que les promesses de Dieu tardent à se réaliser dans notre vie personnelle, en tant que croyant, ou dans la vie de l’Église.

Une quatrième promesse est annoncée un peu plus loin. « Je donnerai ce pays à ta descendance. » (v. 7). Notons la progression. Abram a répondu aux trois premières promesses par l’obéissance. Il a dû réaliser sa petitesse en arrivant dans le pays de Canaan. Cependant, Dieu honore son obéissance et expose plus largement son plan.

 Le Dieu qui rassure

En Genèse 15.1, Dieu adresse à Abram une autre promesse précieuse : « N’aie pas peur. Je suis ton bouclier et ta récompense sera grande. »

Grande vulnérabilité

Elle arrive au bon moment. Abram revient d’une mission à haut risque pour sauver son neveu Loth. Il a remporté une victoire sur l’homme fort de la région, un certain Kedorlaomer, et a refusé les richesses du roi de Sodome. Il marche par la foi. Il n’est pas rare que des expériences fortes soient suivies de moments de grande vulnérabilité. C’est tout à fait humain et tout aussi spirituel. Pensons à Élie après la victoire sur le mont Carmel (1R 19) et à la tentation que Jésus a subie après son baptême (Mt 4.1-11). Nous pouvons imaginer les questions qui venaient à l’esprit d’Abram. Et si Kedorlaomer voulait se venger de moi ? Ai-je eu raison de refuser les biens du roi de Sodome ? Peut-être y aura-t-il une autre famine dans ce pays ?

Oui, Dieu a bien choisi le moment pour s’adresser à Abram. Je serai ton bouclier contre Kedorlaomer. Je serai pour toi une récompense plus grande que toutes les richesses du roi de Sodome. La parole de Dieu rejoint Abram et nous rejoint aussi. À un moment bien choisi. Avez-vous fait cette expérience ? Vous lisez la Bible et vous êtes surpris car le passage que vous lisez vous parle directement. Il concerne votre situation actuelle avec une précision remarquable. Comment Dieu a-t-il su que vous aviez besoin de cet encouragement aujourd’hui ? Ou lors d’un culte un chant, une réflexion, une prédication ou un verset vous revient à l’esprit : la parole de Dieu vient à vous. Dieu choisit le bon moment pour nous parler !

Le Dieu qui répond

Oui mais… Dans ce qui suit, Abram revient à Dieu avec une question légitime. Oui mais Seigneur, j’ai un souci beaucoup plus grand, une question qui me ronge et hante mes pensées. Seigneur, je n’ai pas de fils. Le reste est insignifiant. Tu m’as fait cette promesse dès mon départ, dès le début. Je suis vieux maintenant ; je ne vois pas comment tu pourrais encore tenir ta promesse.

Vivre pendant cette période qui se situe entre la promesse et son accomplissement peut être parfois difficile et douloureux. Le cœur d’Abram était-il incrédule ? Je ne le pense pas. Etre incrédule, c’est tourner le dos à Dieu. Ce n’est pas ce qu’Abram a fait. Au contraire, il s’est tourné vers Dieu avec sa question, celle qui primait sur toutes les autres.

« Que fais-tu Seigneur ? Pourquoi n’agis-tu pas ? » Ce sont parfois des questions qui nous troublent, nous aussi, et elles viennent du fond de notre être. Les psalmistes ont su les exprimer de bien des manières : « O Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche. Mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi, dans une terre aride, desséchée, sans eau. » (Ps 63.1).

L’attente peut être douloureuse, mais cette lutte en nous n’est pas l’opposé de la foi ; au contraire elle en fait partie. C’est un signe de progrès vers la maturité spirituelle. Abram vient à Dieu avec ses questions, ses incompréhensions, ses doutes. Et Dieu lui répond avec une précision en Ge 15.4 : Oui Abram, tu as bien compris la promesse. Et il lui offre un rappel immédiat de la véracité de la promesse : « Contemple le ciel et compte les étoiles [...]. Tes descendants seront aussi nombreux qu’elles. » (Ge 15.5). À l’époque d’Abram, il y avait peu de pollution lumineuse, les étoiles apparaissaient encore bien plus nombreuses qu’aujourd’hui. Ce rappel de la promesse divine l’accompagnera chaque jour ou plutôt, chaque nuit.

Le Dieu qui s’engage

Signer un contrat

Pourtant, Abram n’est pas satisfait. Il pose une deuxième question aux v.7-8 : « Et le pays, Seigneur. Comment aurais-je la certitude que je le posséderai ? » La réponse de Dieu est surprenante : prépare le contrat pour la signature. C’est là la signification de ce récit étrange qui décrit des animaux coupés aux v. 9-11. À l’époque, c’était la façon reconnue d’établir une alliance entre deux parties. Ceux qui concluaient une alliance marchaient ensemble entre les morceaux de l’animal partagé. Le contrat était scellé par le sang de l’animal.

Abram prépare le contrat et il attend. Puis deux faits étonnants se produisent. Premièrement, Dieu offre à Abram une description de l’avenir et lui annonce ce qui arrivera à sa descendance, de la souffrance en Égypte à l’Exode. Abram, cette histoire est beaucoup plus grande que toi et ton fils attendu ! Deuxièmement, Dieu seul signe le contrat ! Un tourbillon de fumée et une torche de feu, deux signes de la présence de Dieu, passent entre les animaux partagés. Le message est clair et inoubliable pour Abram. L’accomplissement de la promesse dépend de Dieu et non du patriarche.

Il en va de même pour nous : la Bonne Nouvelle est que Dieu a aussi signé un contrat pour nous, scellé non pas avec le sang d’un animal mais avec celui de son Fils, Jésus. Ses paroles, la nuit qui précède sa crucifixion sont claires : « Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain et prononça la prière de bénédiction, puis il le rompit et le donna aux disciples en disant : «Prenez, mangez, ceci est mon corps.» Il prit ensuite une coupe et remercia Dieu, puis il la leur donna en disant : «Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est versé pour beaucoup, pour le pardon des péchés.» » (Mt 26.26-28).

 Une foi fondée sur Dieu

« Abram fit confiance à l’Éternel et, à cause de cela, l’Éternel le considéra comme juste. » (Ge 15.6).

Il a eu confiance lors de son appel en Mésopotamie, dans l’attente de la réalisation des promesses de Dieu. Et il a fait le même constat que l’apôtre Paul des siècles plus tard : le Dieu qui nous appelle est fidèle.

« Car Dieu, qui nous a appelés à vivre en communion avec son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, est fidèle. » (1Co 1.9). ■

Article paru dans :

septembre 2018

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