PAR : Gordon Margery
Pasteur à la retraite, Église baptiste de Faremoutiers

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À Bible ouverte
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Dans votre Bible : Apocalypse 7.9-10

Imaginez une foule immense, impossible à dénombrer. Des gens issus des quatre coins de la planète, d’une diversité telle que l’on peut à peine se la représenter. Tous debout devant le même trône, vêtus de tuniques blanches, et rendant gloire à Dieu et à l’Agneau qui les a tous rachetés. Tous unis autour du même Sauveur. C’est une représentation extraordinaire de la diversité que nous vivrons un jour, unis en présence de notre Seigneur. Je vous invite à la relire dans le livre de l’Apocalypse (Ap 7.9-10).

diversité

La diversité culturelle… Un souvenir précis m’est resté de l’été 1969. J’étais dans le Sud de la France avec une équipe d’évangélisation. J’étais responsable de l’équipe. Un jour, à midi, j’ai voulu acheter de quoi casser la croûte pour tout le monde. Et, choisissant sans trop connaître, j’ai acheté des anchois, salés. Rien dans ma culture d’Anglais ne m’avait préparé au goût des anchois, servis bruts. Il a fallu aussi que je m’habitue aux olives, à une certaine indiscipline des conducteurs, aux repas de fête interminables, à un autre regard sur le monde. J’ai eu un peu de mal dans le Berry. Mais j’ai appris à connaître et à aimer les particularités de l’âme bretonne. Puis, en venant à Ozoir-la-Ferrière, en région parisienne, j’ai découvert, en plus de la France aux trois-cent-soixante fromages, l’Afrique et les îles.

Les bonnes âmes nous disent que la diversité culturelle est une richesse. Mais en privé les gens laisseront parfois échapper un mot qui révèle leur inquiétude : ils se sentent menacés quand ils se trouvent en face de quelqu’un qui ne leur ressemble pas. La diversité culturelle est parfois compliquée.

couleurs

Le monde de la Bible est un monde où les cultures s’affrontent. Mais aussi, du temps des apôtres, un monde où de très nombreuses cultures se trouvent unies sous la même autorité romaine. Un monde aussi où des cultures très différentes commencent à s’unir dans une même Église en Christ. J’aimerais explorer avec vous quelques éléments de ce que la Bible dit à ce sujet.

Une seule race humaine

Quand l’apôtre Paul dut expliquer l’Évangile devant des intellectuels grecs à Athènes, il dit entre autres ceci : « À partir d’un seul homme Dieu a créé tous les peuples pour qu’ils habitent toute la surface de la terre ; il a fixé des périodes déterminées et établi les limites de leurs domaines. » (Ac 17.26).

Il y a une seule race humaine qui remonte au premier humain que Dieu a fait, Adam. Il y a différents peuples, différentes périodes de l’histoire, différents espaces géographiques… mais une seule race humaine.

Cette vérité essentielle a trop souvent été écartée. Les nazis pensaient que les Juifs et d’autres étaient des Untermenschen, des « sous-hommes ». Les Néerlandais qui ont colonisé le Sud de l’Afrique au XVIIIe siècle croyaient que les Bochimans n’étaient pas des humains ; un pasteur fut sanctionné pour avoir baptisé des individus que l’on considérait alors comme des animaux ! Quand l’autre en face de moi n’est pas un vrai humain, à mes yeux en tout cas, je peux faire de lui ce que je veux. Du temps des Romains, l’esclave était considéré sur le plan juridique comme un outil animé. À acheter, à vendre, à exploiter au maximum avant de le jeter au rebut.

Il y a une seule race humaine, dit la Bible. Et aujourd’hui la biologie le confirme. Un seul ADN, une seule humanité. Ceci implique que nous sommes solidaires les uns des autres, que nous avons droit au même respect, à la même considération, quelle que soit notre origine. Il y a une seule race humaine.

Un seul corps en Christ

Mais pour les chrétiens, il y a quelque chose de plus fort encore qui nous lie les uns aux autres. Il n’y a qu’une seule Église. Il n’y a qu’un seul corps en Christ. C’est de nouveau l’apôtre Paul qui le dit : « Par la foi en Jésus-Christ, vous êtes tous fils de Dieu. Car vous tous qui avez été baptisés pour le Christ, vous vous êtes revêtus du Christ. Il n’y a donc plus de différence entre les Juifs et les non-Juifs, entre les esclaves et les hommes libres, entre les hommes et les femmes. Unis à Jésus-Christ vous êtes tous un. » (Ga 3.26-28, voir aussi 1Co 12.13).

L’identité de chacun demeure : c’est un Juif ou un non-Juif ; c’est un homme libre ou un esclave ; c’est un homme ou une femme. L’identité de chacun demeure : mais dans l’Église, nous sommes un en Christ, unis dans un même élan de louange, unis dans une même mission, unis dans la communion les uns avec les autres, unis dans une même confession de foi. « Il y a un seul corps et un seul Esprit ; de même, Dieu vous a appelés à une seule espérance lorsqu’il vous a fait venir à lui. Il y a un seul Seigneur, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous qui règne sur tous, qui agit par tous et qui est en tous. » (Ep 4.4-6). Nous témoignons de cette unité lorsque nous nous unissons autour de la table du Seigneur. Nous pouvons en être fiers.

Et pourtant, nous ne sommes pas tous des copies conformes les uns des autres. Il y aura toujours des différences d’opinion sur un film ou sur un chant. Il y aura toujours des différences entre la personnalité de gens expansifs et celle de gens plus discrets. Vous aimez les prédicateurs les plus enflammés ; d’autres les aiment studieux et calmes. Vous aimez le silence avant le culte ; d’autres apprécient une musique de fond ; d’autres encore aiment le brouhaha des gens qui se saluent les uns les autres. Il y aura également toujours un certain nombre de différences d’opinions théologiques parmi nous : sur les modalités de la création, sur le retour de Christ, sur les ministères féminins… Quand il y a unité sur le fond, on peut apprendre à accepter, voire à apprécier, les différences sur les questions secondaires. C’est à l’armée que le sous-officier crie : « Je ne veux voir qu’une seule tête ! » Dans une Église unie, de nombreuses différences demeurent.

La diversité comme problème

Si vous lisez attentivement le Nouveau Testament, vous vous rendrez compte que cette diversité a souvent été la cause de problèmes. Entre chrétiens d’origine juive ou non-juive, par exemple. Pour nous, le problème est très abstrait. Dans la plupart de nos Églises, nous ne sommes que quelques-uns d’origine juive. Mais à l’époque, c’était un problème énorme. Les Juifs en général considéraient que les non-Juifs étaient des gens impurs. Ils avaient donc bien des préjugés à surmonter. De plus, les Juifs avaient des règles très strictes sur ce qu’on avait le droit de manger, et sur la manière de le manger. Manger avec un frère chrétien d’origine païenne, qui ne savait rien des règles alimentaires, cela pouvait donner des boutons à certains. Même l’apôtre Pierre a connu des difficultés à ce sujet. C’est son frère dans la foi, Paul, qui raconte : « Mais lorsque Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé ouvertement à lui, car il avait tort. En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, il prenait part aux repas communs avec les frères non-Juifs ; mais après leur venue il s’est esquivé et s’est tenu à l’écart, parce qu’il craignait les croyants d’origine juive. » (Ga 2.11-12). La cohabitation de chrétiens de cultures différentes n’allait pas de soi au premier siècle, notamment à cause des repas.

Et chez nous ?
Il y a des surprises, parfois, dans notre façon de manger. Le système entrée-plat-fromage-dessert n’est pas universel. Les Anglais ont du mal à poser un morceau de pain sur la nappe, et l’idée de coincer la feuille de salade entre la fourchette et le pain est une horreur pour eux. Quand mon épouse Avril et moi avons mangé dans une famille camerounaise de l’Église, l’épouse m’a servi le premier. Quand ce couple d’amis est venu manger chez nous à leur tour, c’est elle qui a été servie la première, parce que c’est la coutume française de servir les dames d’abord. Cela nous a fait bien sourire les uns et les autres. Mais je peux imaginer des situations où ces petites différences pourraient susciter des remarques déplaisantes, une gêne. Sans être averti de la diversité qui a cours parmi nous, quelqu’un pourrait avoir l’impression d’un grave manque de respect.

On trouve encore un autre exemple de conflit culturel dans le livre des Actes des Apôtres. Cette fois-ci, en Actes 6, tout le monde est juif. On aurait pu imaginer que cela réglerait tous les problèmes. Mais non. Certains étaient nés en Palestine, parlaient araméen et restaient très traditionnels. D’autres venaient de familles habitant depuis des années à l’extérieur de la Palestine ; eux qui parlaient le plus souvent grec étaient plus ouverts à la culture dominante. Et les Juifs de culture grecque en vinrent à se plaindre auprès des apôtres parce que l’aide aux veuves était entre les mains des Juifs plus traditionnels et que, d’après eux, les veuves grecques étaient laissées pour compte. L’Église de Jérusalem a failli éclater à cause d’un conflit de cultures.

Tous un en Christ ? Oui, mais des problèmes culturels peuvent toujours surgir. Il est normal d’avoir peut-être plus facilement des amis de la même culture que nous. Il est normal de ne pas avoir le même mode de vie que le frère qui vient d’un autre pays. Mais parfois cela crée des incompréhensions et des conflits dans les groupes.

Il faut même oser dire que tout n’est pas bon dans nos cultures. Il doit y avoir des péchés plus typiquement anglais, plus typiquement français, plus typiquement africains. Vous baignez dans votre culture et vous ne remarquez même pas le problème. Mais quand l’étranger vous regarde, il se dit que votre comportement n’est pas chrétien. Faut-il défendre sa propre culture coûte que coûte ? Non, mais plutôt apprendre à soumettre tout ce que nous faisons à la lumière de Dieu. Nous sommes tous des pécheurs, et nos cultures sont aussi marquées par cela.

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Mais qu’il s’agisse de péché ou pas, il nous faut aller au-delà des caricatures. Il n’y a pas que les Africains à arriver au culte en retard. Il n’y a pas que les blancs à abandonner leurs vieux. Il n’y a pas que les Antillais à aimer les fêtes bruyantes. Il n’y a pas que les Anglais à être froids. Tout cela, ce sont des caricatures. Elles sont injustes. Et même lorsque la critique est fondée, dites-vous bien que quand on commence à connaître les gens et à comprendre leur histoire, on critique beaucoup moins. Quand on aime, on parle autrement.

La diversité comme richesse

Un jour je discutais avec un frère d’origine congolaise après le culte. Il m’expliquait que son frère était venu du pays. Je lui ai dit : « Même père même mère ? » Il a rigolé en me répondant : « Non, tu comprends, c’est mon cousin. » J’étais content d’avoir pu poser la question qui m’aidait à mieux comprendre ce qu’il m’expliquait. Et lui était réjoui que je connaisse assez de sa culture africaine pour la poser.

Quand j’ai comparé mon expérience à Ozoir avec ce que j’avais vécu à Rennes, je me suis dit que nous avions eu de la chance d’avoir été dans une Église multiculturelle. Sans même passer par le porche et aller dans la rue, je pouvais discuter avec les gens d’une bonne quinzaine de pays différents. Je pouvais même en faire des amis. Je pouvais faire le tour du monde sans bouger. C’était une énorme richesse humaine. Et sur le plan spirituel, c’était encore plus fort. Les uns avaient le sens de l’organisation, les autres l’amour de la musique, d’autres encore du zèle pour l’évangélisation, le sens de la famille, la spontanéité, la joie. Cela donnait de la force à notre vie d’Église. Certains disent que cela explique pourquoi les Églises de banlieues sont généralement plus grandes que les Églises de province. Et si dans la société les gens ne se mélangent pas trop, si on entend des propos racistes, s’il y a parfois une discrimination au logement ou à l’embauche, dans l’Église l’occasion nous est donnée de montrer autre chose. Oh, je ne suis pas naïf. Nous ne sommes pas parfaits. Mais nous avons, je l’espère, une petite avance sur les autres, et cette petite avance, il faut la conforter.

Un frère m’a dit un jour que dans l’Église on ne faisait pas de différences entre les personnes. Cela implique qu’il a vu autre chose ailleurs. J’ai envie de dire plutôt que nous essayons de ne pas faire de différences. Nous avons tous nos craintes, nos préférences, nos préjugés, nos difficultés à communiquer, nos blessures. Mais nous essayons de les surmonter en Christ. Nous commençons à nous aimer, à cause de Christ. Et le monde le voit.

Comment avancer ?

La diversité culturelle dans nos Églises est un fait. Elle peut poser un certain nombre de défis à notre vie d’Église. Mais elle est aussi une richesse à nous approprier toujours mieux. Pour cela, je vous propose cinq idées clés tout d’abord : se parler ; apprendre à se connaître ; faire preuve de compréhension mutuelle ; apprécier la richesse de nos différences ; nous aimer.

Dans une Église, tout cela serait déjà un défi même si tout le monde était du même pays ou de la même région. Les humains sont tellement différents les uns des autres : même quand nous sommes de la même culture, il faut faire un effort pour se connaître ainsi et pour s’aimer en vérité. Mais dans la belle diversité qui est celle de nombreuses Églises, il faut faire encore plus d’efforts. Mais la récompense est énorme.

Et avec ces cinq idées principales, je vous propose de faire un premier pas, pour nous mettre sur la bonne voie : et si vous profitiez dimanche prochain de l’occasion qui vous est donnée d’aller à la rencontre de l’autre après le culte ? Tentez l’expérience : faites l’effort d’aller saluer quelqu’un que vous ne connaissez pas bien. Essayez de faire connaissance. Priez pour cette personne. Le résultat peut nous surprendre, dans un sens ou dans un autre, mais ouvrons la porte à ce que Dieu vienne tisser entre nous l’amour qu’il veut susciter parmi ses enfants, d’où qu’ils proviennent.

« Mes enfants que notre amour ne se limite pas à des discours et à de belles paroles, mais qu’il se traduise par des actes accomplis dans la vérité. » (1Jn 3.18). ■

Article paru dans :

février 2019

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