PAR : Lydia Lehmann
Pasteur, Église protestante évangélique Le Cépage, Bruxelles Ganshoren

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Imaginez-vous debout sur les remparts de Jérusalem. Au-dehors, des ennemis vous font face. Dans tout le pays, des villes sont ravagées. C’est la situation rencontrée par le roi Ézéchias, en 701 avant notre ère, lorsque Sennachérib, roi d’Assyrie, vient envahir le royaume de Juda. Ézéchias avait mis en place des réformes religieuses, rétabli la fête de la Pâque, fait rouvrir le temple et appelé à un retour sincère à Dieu. Mais voilà que sa confiance en Dieu est mise à rude épreuve lorsque son ennemi menace de s’emparer de Jérusalem. Que faire ?

Selon certains, ce pourrait être dans ce contexte qu’a été écrit le Psaume 461. Quoi qu’il en soit, cette situation peut nous offrir un cadre pour éprouver à quel point sont vraies les affirmations de ce psaume que je vous propose de parcourir ici.

Rechercher le Dieu présent (v. 2-4)

Refuge

Dieu est à la fois un refuge et un secours. « Refuge » évoque quelque chose de stable, de durable, que l’on espère immuable, indestructible : Dieu seul est immuable. « Secours » évoque quelque chose de dynamique, l’action de Dieu par laquelle il prend soin de nous dans la tourmente et nous donne les forces pour continuer. « Un secours toujours offert lorsque survient la détresse. » (v. 2). Dieu désire se laisser trouver quand nous cherchons un refuge en lui au temps de la détresse. Car notre véritable sécurité est en Dieu, et non en quoi que ce soit d’autre, en dehors de Dieu ou ajouté à lui. « Il n’est pas dit dans ce texte qu’il viendra à notre secours si nous trouvons un abri dans un refuge inatteignable, mais que lui-même est ce refuge2. » Lui-même, sa personne. Est-ce réellement en lui que nous nous réfugions ?

Dans les tempêtes de sable des déserts africains, il arrive que de jeunes éléphants soient temporairement aveuglés pendant qu’ils suivent leur mère. Leur seul espoir de se repérer est de suivre la trace des pas de leur mère. Quand un petit éléphant trouve des traces d’empreintes dans le sol il les suit donc… mais parfois dans la mauvaise direction. Au lieu de retrouver sa mère et le reste du troupeau, il marche vers une mort certaine3.

Nous pourrions avoir l’impression de chercher notre sécurité en Dieu, tout en nous appuyant sur ses « traces » au lieu de nous appuyer sur lui-même. Nous nous appuyons sur ses bénédictions, les traces de sa présence, par exemple la tranquillité matérielle, la paix relationnelle, la joie d’être en bonne santé, l’absence de difficulté. Tous ces cadeaux viennent de Dieu. Mais, dans la tempête, ces choses nous feront défaut et ne pourront pas nous assurer la survie. Ce qui nous aidera, c’est la personne de Dieu lui-même, car à part Dieu, « rien n’est vraiment solide, digne de confiance et durable4 ». Ce qui nous aidera, c’est de nous appuyer sur le fait qu’il ne change pas, qu’il est tout-puissant pour nous secourir, qu’il nous aime toujours de la même manière, même si nous ne bénéficions plus de tout ce que nous jugeons si important pour notre vie.

Catastrophe

Les propos des v. 2-4 évoquent la fin du monde. « La terre est secouée », « les montagnes s’effondrent », « les flots des mers se soulèvent ». Des images dignes d’un film-catastrophe. À l’époque de notre psaume, la terre et les montagnes étaient considérées comme des éléments immuables et imprenables, tandis que la mer était symbole d’un mouvement menaçant, de l’inconnu capable de détruire. Ce psaume nous dit que tout pourrait être détruit, même les éléments que nous considérons comme les plus stables. Qu’est-ce qui, à part Dieu, représente dans ma vie les montagnes immuables, que je considère comme indestructibles ? Ma situation familiale, la paix dans mes relations, mon poste au travail, mon habitation, mes économies ? Tout cela peut nous glisser des mains et disparaître du jour au lendemain. Tout. La seule certitude est que Dieu tient toute chose entre ses mains, qu’il continuera à régner sur toutes choses même quand tout s’effondrerait autour de nous.

« C’est un rempart que notre Dieu ! En ces jours de détresse, il nous délivre, il nous tient lieu d’arme et de forteresse. » Le célèbre cantique de Luther écrit en 1527 a été inspiré par ce psaume. Luther, « assiégé par la détresse », allait souvent voir son ami Philippe Melanchthon pour lui demander de chanter avec lui le psaume… 465. C’est en effet dans la prière que nous expérimentons le plus l’abri et le secours que Dieu est pour nous. Dieu est présent à nos côtés à chaque instant, mais nous avons besoin de le rechercher activement dans la prière, de redire à notre âme si facilement inquiète les vérités que ces premiers versets du psaume expriment.

Demeurer dans le Dieu Sauveur (v. 5-8)

Le psaume se tourne à présent vers la menace que l’être humain peut représenter. Malgré cela, la ville assiégée est en sécurité. Il ne s’agit cependant pas de n’importe quelle ville, mais de la ville de Jérusalem, choisie par Dieu. C’est parce que Dieu a choisi d’être présent d’une manière particulière dans le Temple de Jérusalem que cette ville est forte et importante. Le psaume 46, faisant partie d’un ensemble de psaumes écrits par les descendants de Koré, musiciens et portiers dans le Temple, est un des cantiques de Sion, la cité de Dieu, le lieu de sécurité où Dieu demeure.

Cette cité de Dieu est vraiment un lieu spécial. Contrairement aux montagnes au verset 3 et aux royaumes humains au verset 7, cette cité de Dieu n’est pas ébranlée (v. 6). En hébreu, il y a trois fois le même verbe qui est utilisé : ébranler. Le contraste est vraiment très fort. L’élément le plus imposant de la nature peut être ébranlé, l’élément le plus impressionnant en termes de force humaine peut être ébranlé, mais la cité où Dieu demeure ne peut pas l’être, jamais.

Ces espoirs de l’Ancien Testament pour Sion font percevoir quelque chose de ce qu’elle représentera dans le Nouveau Testament, où de simple localité terrestre elle devient communauté céleste : « Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, avec ses milliers d’anges en fête. Vous vous êtes approchés de l’assemblée des fils premiers-nés de Dieu dont les noms sont inscrits dans les cieux. » (Hé 12.22-23a).

Point du jour

« Dès le point du jour » (v. 6) Dieu vient à son secours. « Dès le point du jour », cela peut faire écho à la délivrance du peuple d’Israël quand, à la sortie d’Égypte, la mer s’est refermée pour engloutir l’armée du Pharaon (Ex 14.24, « vers l’aube »). La délivrance de l’armée assyrienne qui a peut-être inspiré la rédaction de ce psaume fut aussi constatée « au réveil » (2R 19.35). Et sept-cents ans après Ézéchias le « point du jour » se rattachera à la plus grande délivrance jamais connue. « Le dimanche matin, très tôt » (Jn 20.1), les femmes découvrent avec stupeur le tombeau vide, la plus grande nouvelle de tous les temps. « Dès le point du jour » …

« Seuls, nous serions bientôt perdus dans ce péril extrême, un héros nous a secourus, choisi par Dieu lui-même. Il est notre Sauveur, le grand Dieu fait homme, Jésus-Christ il se nomme ; la victoire lui restera ! » (« C’est un rempart que notre Dieu », 2e couplet). Dès le point du jour, Dieu secourt les siens entourés de nations agitées. Il suffit à Dieu de dire un seul mot et tout s’arrêtera. « Des nations s’agitent et des royaumes s’effondrent : la voix de Dieu retentit, et la terre se dissout. » (v. 7). La terre a été créée par la Parole de Dieu. La terre existera aussi longtemps que Dieu le permettra, mais pas une seconde de plus. Des nations se sont agitées à l’époque de Jésus pour le livrer à la mort et elles continuent à s’agiter aujourd’hui, mais Dieu sait utiliser tout cela pour servir son plan de sauver l’humanité, pour être son lieu de refuge.

Où est aujourd’hui ce lieu de sécurité où Dieu demeure ? À la croix où Jésus est mort à notre place, payant pour notre égarement et nos fautes. À la croix où nous pouvons venir nous réfugier à chaque instant ou, mieux encore, à la croix où nous demeurons réfugiés à chaque instant, ne la quittant jamais des yeux. Demeurer dans le Dieu Sauveur. Ce lieu de sécurité est aussi en nous, car Dieu y est réellement présent par son Esprit. En nous, car nous sommes devenus son temple, chaque enfant de Dieu individuellement et tous ensemble (cf. 1Co 3.16 ; 6.19).

« Car l’Eternel est avec nous, son Esprit nous console. » (« C’est un rempart que notre Dieu » 4e couplet). Avec ce Dieu tout-puissant, les eaux ne sont plus des mers menaçantes mais un fleuve vivifiant. « Il est un cours d’eau dont les bras réjouissent la cité de Dieu. » (v. 5). Le cours d’eau qui réjouit et rafraîchit la ville, la communauté de croyants, renvoie bien sûr à l’Esprit de Dieu. Peut-être les descendants de Koré ont-ils pensé à la source de Guihôn qui pouvait alimenter la ville en eau potable même en cas de siège. Même dans la tourmente, Dieu sait alimenter notre âme par sa Parole et son Esprit désaltérant. Le « Seigneur intervient pour nous tirer des difficultés apparemment insolubles en creusant une plus grande place dans notre cœur pour que l’Esprit y réside6 ». Que d’encouragement nous recevons dans ce psaume pour la prière et par la prière ! Comme les psalmistes, appuyons-nous dans nos temps de prière individuelle et communautaire sur la délivrance de Dieu, pour être fortifiés dans notre confiance en lui. Et laissons l’Esprit de Dieu, ce fleuve vivifiant, creuser son chemin toujours plus en profondeur dans notre cœur en le côtoyant quotidiennement.

Contempler le Dieu exalté (v. 9-12)

« Il fait cesser les combats jusqu’aux confins de la terre. » (v. 10). Nous n’y sommes pas encore tout à fait. Mais nous savons avec certitude que ce jour arrivera, car Dieu nous l’a promis dans sa Parole (cf. aussi Es 2.4 ; Mi 4.3-4). C’est parce qu’il est le Dieu exalté et que cela est encore plus clair depuis que Jésus a été exalté en vainquant la mort et en montant auprès de son Père, que nous pouvons être certains que la victoire finale arrivera. À chaque fois que la vie triomphe, à chaque fois que la paix triomphe, nous avons un avant-goût de la victoire finale qui nous attend. Nous pouvons déjà célébrer cette victoire par la louange et en travaillant avec l’aide de l’Esprit au triomphe de la vie et de la véritable paix dans nos vies.

Dans ce psaume, la paix que Dieu instaurera ne se fera apparemment pas par une douce persuasion : il brise l’arc, il rompt la lance, il consume au feu tous les chars de guerre. Le désarmement semble se produire par la force. Le jugement fait visiblement partie du processus pour atteindre cette paix. Cette paix, Dieu la poursuit aussi en nous interpellant : « Détendez-vous ! dit–il, reconnaissez que je suis Dieu. » (v. 11). « Détendez-vous. » Arrêtez de vous agiter dans tous les sens. Cet impératif rappelle l’ordre de Jésus adressé à la mer tempétueuse (Mc 4.35-41). Dieu peut l’adresser tant au monde turbulent qu’à nous qui nous nous laissons facilement prendre dans son courant agité. Mais pourquoi pouvons-nous arrêter notre agitation et nous détendre ? Parce que Dieu « triomphe sur la terre » (v. 11). Le psaume pointe vers le triomphe de Dieu, vers la gloire de Dieu qui seule est capable de réjouir notre cœur. Dieu est le seul véritable refuge, lui seul est venu à notre secours « dès le point du jour ». Et c’est aussi lui qui triomphe, c’est lui le seul tout-puissant, et non pas nous et nos essais désespérés de tout vouloir maîtriser en planifiant et calculant. Dans quelle situation avons-nous le plus de mal à nous arrêter et à nous détendre ? Dans quel domaine de notre vie avons-nous besoin de reconnaître que Dieu est Dieu ?

Un moment pour l'adorer

« Il n’existe pas de meilleure solution pour voir le Seigneur tel qu’il est – à savoir bien supérieur à tout ce que nous pouvons imaginer – que de nous arrêter un moment et l’adorer7. » L’importance de nous arrêter, de stopper notre course est une constante dans l’Écriture. C’est même la condition la plus importante pour pouvoir pleinement trouver refuge en Dieu, pour intérioriser qu’il est notre rempart, qu’il veut nous offrir son secours à chaque instant. Nous arrêter implique de faire silence, de cesser nos activités, mais aussi nos paroles et pensées agitées pour nous rendre compte un petit peu plus de qui est notre Dieu, ce Dieu qui est avec nous.

« Avec nous est l’Éternel des armées célestes. Nous avons pour citadelle le Dieu de Jacob. – Pause. » (v. 8,12). C’est le refrain du psaume, à deux reprises. Comme pour nous dire : c’est cela qui est vraiment important. Prenez le temps de vous arrêter et de vous détendre. Arrêtez la « guerre » à multiples facettes à laquelle vous participez, autour de vous et en vous aussi.

Alors vous direz de tout votre cœur : « Avec nous est l’Éternel, le maître de l’univers. Nous avons pour citadelle le Dieu de Jacob. » Ce verset a pour moi une signification particulière. Il y a quelques années, dans des moments difficiles, avec des luttes intérieures, ce verset m’a sauté aux yeux. Je m’imaginais comment, littéralement, me réfugier dans une citadelle dans laquelle je serais inatteignable. Dans cette citadelle pas de dangers, la paix dans mes pensées. Un lieu de refuge qui est accessible à chacun de nous.

Pour cela, recherchons le Dieu présent en redisant à notre âme qu’il est notre refuge éternel. Demeurons dans le Dieu Sauveur en nous réfugiant à la croix à chaque instant et en laissant son Esprit creuser son chemin en nous. Et finalement, contemplons le Dieu exalté en faisant silence, car c’est ainsi qu’il deviendra réellement notre citadelle.

En conclusion…

Qu’a fait Ézéchias face à la menace de l’envahisseur ? Il s’en est allé au temple de l’Éternel et a imploré son secours. La nuit même, Dieu a fait mourir cent-quatre-vingt-cinq mille soldats ennemis d’une maladie mystérieuse. Ceux qui restaient se sont enfuis… (cf. 2R 18.17-19.37).

Recevoir en héritage ton amour infini

« Seigneur, je me sens si vulnérable face à la maladie, aux blessures, aux pertes financières, à la trahison […], à l’échec professionnel. Mais, dans ce psaume, tu dis que même les tremblements de terre et l’effondrement des montagnes ne peuvent pas m’empêcher de recevoir en héritage ton amour infini, la résurrection, le nouveau ciel et la nouvelle terre. Tandis que je te loue pour cela, mon anxiété s’en va. Merci. […] Seigneur, "m’arrêter" signifie ne pas me faire de souci, m’agiter, me plaindre ni me vanter. Alors, révèle-moi qui tu es, ta toute-puissance et ton amour infini envers moi, jusqu’à ce que je m’arrête vraiment. Amen . » ■ 8


(1) Cf. Lloyd John Ogilvie, A l’école des psaumes, Vida, 1989, pp. 79-80.

(2) Timothy et Kathy Keller, Les psaumes de Jésus, Chaque jour de l’année, Romanel-sur-Lausanne, Ourania, 2017, p. 110.

(3) Cf. Eric McKiddie, Show then Tell, 52 illustrations for Believing et Living the Gospel, pdf, p. 45.

(4) Keller, p. 111.

(5, 6)6 Ogilvie, p. 82 et p. 85.

(7, 8) Keller, p. 111 et p. 110-111.

Article paru dans :

octobre 2018

Rubrique :
À Bible ouverte
Mots-clés :
Point de vue

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Nordine Salmi
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